À l’approche de la date limite fixée au 9 juillet par Donald Trump pour la réimposition de droits de douane « réciproques », Washington est en train d’annoncer une série d’accords commerciaux, au périmètre plus ou moins défini.
- Les États-Unis ont annoncé aujourd’hui, vendredi 27 juin, avoir finalisé un accord avec la Chine portant principalement sur les exportations de métaux rares par Pékin.
- Ces derniers faisaient, depuis avril, l’objet de restrictions à l’exportation imposées en réponse aux droits de douane décidés par l’administration Trump 1.
- Washington devrait à terme lever les droits de douane sur la Chine.
- Selon le secrétaire au Commerce Howard Lutnick, les États-Unis seraient sur le point de conclure une dizaine d’accords d’ici la date limite du 9 juillet 2.
- Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a également déclaré dans la journée que des accords commerciaux avec les principaux partenaires de Washington devraient être finalisés d’ici le 1er septembre.
- Jeudi 26 juin, la porte-parole de la Maison-Blanche avait déjà qualifié la date limite du 9 juillet comme « non-critique », sous-entendant que celle-ci pourrait être repoussée.
Dans ce contexte, l’Union européenne – le plus grand partenaire commerciale des États-Unis — 3 est un cas à part.
- Avec ses 440 millions de consommateurs et son PIB de 18 590 milliards de dollars en 2023, la taille de l’économie européenne en fait, à l’instar de la Chine et des États-Unis, une entité économique relativement indépendante.
- Actuellement, les États membres sont soumis à des droits de douane de 10 % sur l’ensemble des biens, de 25 % sur les voitures et leurs composants, et de 50 % sur l’acier et l’aluminium. Ces mesures concernent environ 70 % des exportations européennes, soit un total de 380 milliards de dollars de biens.
- Contrairement à la Chine — qui a adopté des tarifs allant jusqu’à 125 % sur les biens américains — et malgré la taille du marché unique, Bruxelles n’a pas, pour l’instant, engagé de véritable rapport de force. Un premier paquet de mesures de rétorsion, visant 21 milliards d’euros de biens américains en réponse aux tarifs sur l’acier et l’aluminium, a été mis en pause.
- La Commission prépare actuellement un second paquet de mesures de représailles qui pourrait s’appliquer à environ 95 milliards d’euros de biens en cas d’échec des négociations.
- Toutefois, plusieurs États membres seraient en train de demander des exemptions — à commencer par l’Allemagne qui, selon une source consultée par la revue, aurait réclamé le retrait de biens représentant l’équivalent de 50 milliards d’euros.
Ursula von der Leyen a présenté aux 27 chefs d’États et de gouvernement réunis en Conseil les 26 et 27 juin l’état des négociations avec Washington.
- Selon une source consultée par la revue, la majorité des États seraient prêts à accepter une relation commerciale déséquilibrée — même si le degré d’asymétrie acceptable n’a pas encore été défini —, et à ce que certains tarifs — comme le taux de base de 10 % — restent en place afin de protéger leurs intérêts immédiats.
- L’Allemagne défend son secteur de l’automobile, tandis que l’Italie souhaite maintenir une relation apaisée avec Washington, et ce malgré les risques politiques associés à un tel scénario.
Si la présidente de la Commission a déclaré qu’un accord avec les États-Unis peut être conclu d’ici le 9 juillet, il s’agit en effet d’un contexte particulièrement défavorable pour les Européennes.
- En acceptant le taux de 10 % — soit l’équivalent de l’accord conclu par le Royaume-Uni —, l’Union perdrait sa stature de puissance commerciale à un moment où son influence diplomatique a déjà été ébranlée par les frappes américaines sur l’Iran.
- Puis, si un taux de 10 % n’aura qu’un impact minimal à court terme sur l’économie européenne, à moyen et long terme, les États membres finiront par payer, à travers les tarifs, autour de 40 milliards d’euros pour les réductions fiscales que Donald Trump souhaite accorder aux entreprises américaines dans sa loi budgétaire One Big Beautiful Bill — creusant d’avantage l’écart de compétitivité.
- De plus, avec l’annonce par Bessent, le 26 juin 4 , de l’exception accordée au sein du G7 — qui prévoit notamment l’exclusion des entreprises américaines du taux d’imposition minimum de 15 % dans le cadre du pilier 2 de l’Accord conclu à l’OCDE sur la fiscalité mondiale —, l’Union perd un levier important pour rééquilibrer sa relation avec Washington.
Dans un entretien avec la revue, le vice-président exécutif de la Commission en charge du marché unique, Stéphane Séjourné, déclarait que la riposte européenne serait guidée « par l’intérêt économique européen. Nous devons faire la différence entre la victoire politique et le pragmatisme économique », suggérant ainsi que l’Union ripostera dans les secteurs où il y a un intérêt à le faire — mais ouvrant aussi la porte à une riposte de moindre taille.
- « Si nous regardons le domaine de l’aéronautique, le produit fini qu’est l’avion Airbus ne peut pas être en concurrence déloyale avec le Boeing à hauteur de 10 % uniquement parce qu’on déciderait de ne pas riposter. Dans ce contexte, il y a un véritable intérêt économique à le faire. Mais sur d’autres sujets, il peut y avoir des raisons de ne pas le faire, notamment dans les chaînes de valeurs complexes, où une riposte pourrait affecter l’emploi ou la structure de nos relations, y compris avec d’autres pays ».
Sources
- Lewis Jackson, Amy Lv, Eric Onstad et Ernest Scheyder, « China hits back at US tariffs with export controls on key rare earths », Reuters, 4 avril 2025.
- Jennifer A Dlouhy, Kailey Leinz et Joe Mathieu, « Lutnick Says US-China Trade Truce Signed, 10 Deals Imminent », Bloomberg, 26 juin 2025.
- Konrad Putzier, Alana Pipe et Inti Pacheco, « Trade Between the U.S. and EU Is Massive. We Break It Down. », The Wall Street Journal, 25 mai 2025.
- Richard Rubin, « Bessent Says Proposed ‘Revenge Tax’ No Longer Needed », The Wall Street Journal, 26 juin 2025.