Économie russe : le recours aux stablecoin par Moscou pose un défi pour l’efficacité des sanctions

Ces dernières années, les stablecoin ont considérablement gagné en popularité dans l’univers des crypto-actifs. Depuis la pandémie de Covid-19, leur rôle s’est renforcé pour devenir une alternative de plus en plus crédible aux paiements traditionnels, reléguant au second plan leur rôle en tant qu’outil de conversion entre monnaie légale et crypto-actifs.

• La valeur des stablecoin est indexée sur des monnaies émises par les États, majoritairement le dollar américain. Grâce à la blockchain, les transactions sont toutefois beaucoup plus rapides et moins coûteuses par rapport aux transferts bancaires traditionnels.
• En 2024, et ce pour la première fois, la valeur totale des transactions effectuées avec des stablecoin a été plus élevée que celle des transactions traitées par Mastercard et Visa : 15 600 milliards de dollars ¹.
• La capitalisation du marché des stablecoin dépasse aujourd’hui les 250 milliards de dollars, soit deux fois plus qu’au début de l’année 2024 (environ 130 milliards), selon les données de DefiLlama.

En plus de ces nombreux avantages, les stablecoin — tout comme les autres crypto-monnaies — peuvent également être utilisés pour contourner des sanctions économiques car les transactions se déroulent hors du système bancaire. C’est pour cette raison que la Russie a commencé à se tourner ces derniers mois vers les crypto-actifs pour transférer des fonds vers et depuis l’étranger.

• En mars, plusieurs sources indiquaient que des compagnies pétrolières russes utilisaient le bitcoin, l’ether ainsi que des stablecoin pour faciliter la conversion en rouble de monnaies nationales de pays achetant des hydrocarbures russes (l’Inde et la Chine notamment).
• Selon le Financial Times, des acteurs russes utiliseraient également massivement un nouveau stablecoin, appelé A7A5 — le premier indexé sur le rouble —, afin de faciliter des transferts financiers tout en échappant aux sanctions.
• Depuis le lancement du token en février par l’oligarque moldave pro-russe Ilan Șor, cet actif aurait facilité le transfert de l’équivalent de 9,3 milliards de dollars (soit 730 milliards de roubles) ².
• La majeure partie de ces fonds auraient transité via Grinex, une plateforme d’échange fondée au Kirghizistan qui est vraisemblablement le successeur de la plateforme russe Garantex — fermée en mars suite au gel par les États-Unis de 26 millions de dollars de fonds en Tether.

Si la Banque centrale russe ne considère pas sérieusement pour l’heure l’émission d’un stablecoin indexé sur le rouble, elle avait néanmoins publié un rapport à l’été 2024 dans lequel l’institution disait « suivre de près l’évolution des discussions concernant les stablecoin et plus généralement sur les questions relatives à l’usage de la tokenisation dans le secteur financier » ³. En Russie, plusieurs analystes considèrent qu’un tel instrument pourrait servir d’alternative au rouble numérique ⁴ — dont le lancement, prévu le 1er juillet, a été repoussé sine die en février.

• Le recours accru par Moscou aux crypto-actifs constitue un défi de taille pour l’efficacité des sanctions économiques.
• En-dehors de la Russie, les stablecoin semblent amenés à continuer de gagner en popularité, notamment sous l’impulsion de Donald Trump.
• Au mois de mars, l’entreprise crypto World Liberty Financial, Inc. lancée par Trump et ses trois fils, a mis sur le marché son stablecoin, USD1, dont l’ambition est de rivaliser avec le Tether (USDT) et l’USD Coin (USDC).
• Depuis, Trump et le Parti républicain ont poussé en faveur de l’adoption d’une loi — la première du type — visant à créer une structure réglementaire pour la mise sur le marché de stablecoin. Celle-ci est susceptible de multiplier par 10 l’offre de stablecoin d’ici 2028.