Vendredi 13 juin, la veille du défilé organisé à Washington à l’occasion des 250 ans de l’armée américaine — et du 79e anniversaire de Trump —, s’est tenue sur la base de Myer–Henderson Hall, sur la rive ouest du Potomac, une cérémonie particulière.
Quatre dirigeants du secteur de la tech issus de grandes entreprises comme OpenAI, Meta ou Palantir, ont intégré l’armée de réserve des États-Unis avec le grade de lieutenant-colonel. Contrairement aux autres réservistes, ils ne devraient toutefois jamais être déployés sur des théâtres d’opérations.
- Le directeur de la technologie (CTO) de Palantir Shyam Sankar, de Meta Andrew Bosworth, le directeur des produits (CPO) Kevin Weil ainsi que l’ex-directeur de la recherche d’OpenAI Bob McGrew sont les quatre premiers officiers de réserve recrutés pour intégrer le Detachment 201.
- Ce projet, dont l’origine remonte au mandat de Joe Biden — et dont le nom est une référence à un code utilisé en HTTP pour signaler la création d’une nouvelle ressource —, a été initié par Brynt Parmeter, nommé premier directeur de la gestion des talents du Pentagone en avril 2023.
- Placé auprès du sous-secrétaire à la Défense chargé du personnel et de la préparation, le rôle de Parmeter est d’identifier des domaines en mutation rapide dans lesquels l’armée bénéficierait de l’acquisition de « talents de classe mondiale » qui agiraient comme des consultants internes au Pentagone sur des sujets de pointe, comme l’intelligence artificielle.
- Parmeter souhaiterait recruter une douzaine de réservistes au sein de Detachment 201 avant d’étendre le programme à plusieurs milliers de personnes au cours des deux prochaines années 1.
Il existe peu d’informations quant aux missions concrètes qui seront confiées à Sankar, Bosworth, Weil et McGrew. Ces derniers devraient recevoir une formation militaire aménagée et seront susceptibles de servir au plus haut niveau des chaînes de commandement comme au niveau tactique, directement au contact des soldats 2. Leur rôle sera d’assister et de conseiller l’armée sur les manières d’intégrer l’intelligence artificielle dans ses opérations et processus de décision.
Il s’agit de la dernière initiative de l’administration Trump en date visant à construire des ponts entre la Silicon Valley et l’armée.
- Cette forme inhabituelle de coopération placera toutefois des dirigeants d’entreprises parmi les plus importantes dans les secteurs de l’intelligence artificielle et de la défense directement au centre du Pentagone, tout en conservant leurs postes actuels.
- Ils devraient ainsi bénéficier de connaissances directes des besoins et difficultés rencontrées par l’armée américaine pour intégrer l’IA à ses missions, tout en travaillant simultanément à l’obtention de contrats militaires.
- Depuis le début du deuxième mandat de Trump, des entreprises combinant technologie et défense comme Palantir ou Anduril ont remporté des contrats de plusieurs centaines de millions de dollars pour développer des outils pour le Pentagone.
- En décembre, Sam Altman avait quant à lui levé le tabou portant sur l’utilisation de ses modèles d’IA à des fins militaires en annonçant « développer et déployer de manière responsable des solutions avancées d’intelligence artificielle pour les missions de sécurité nationale » dans le cadre d’un partenariat avec Anduril 3.
- L’entreprise de Palmer Luckey a également annoncé le mois dernier travailler avec Meta, multinationale fondée par Mark Zuckerberg à la tête de Facebook, Instagram et WhatsApp, pour créer des technologies immersives (XR) visant à améliorer la perception des soldats et leur permettre de « contrôler intuitivement des systèmes autonomes » sur le champ de bataille 4.
La participation toujours plus étroite entre les entreprises de la tech et l’État fédéral américain concrétise en un sens la volonté de Peter Thiel qui l’avait poussé à fonder Palantir en 2003 : ramener le complexe militaro-industriel dans la Silicon Valley, où celui-ci était très présent depuis la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1960. Ce rapprochement est notamment permis par l’explosion des start-ups combinant l’IA et la défense, qui rivalisent désormais avec les géants du secteur comme Raytheon, Lockheed Martin ou Northrop Grumman.
Sources
- Heather Somerville, « Wanted : Weekend Warriors in Tech », The Wall Street Journal, 21 octobre 2024.
- Steven Levy, « What Big Tech’s Band of Execs Will Do in the Army », Wired, 20 juin 2025.
- Anduril Partners with OpenAI to Advance U.S. Artificial Intelligence Leadership and Protect U.S. and Allied Forces, 4 décembre 2024.
- Anduril and Meta Team Up to Transform XR for the American Military, 29 mai 2025.