L’annonce d’un cessez-le-feu imminent dans la guerre Iran-Israël a d’importantes conséquences internes. Elle compromet une initiative soutenue par plusieurs élus démocrates et une poignée de républicains visant à réaffirmer les pouvoirs du Congrès en matière de recours à la force armée, et de limiter les moyens du président lui permettant de lancer des frappes militaires unilatérales contre l’Iran.
- Une résolution déposée lundi 23 juin par le représentant démocrate Gregory Meeks exige du président qu’il « retire les forces armées américaines des hostilités contre l’Iran », conformément à la section 5c de la War Powers Resolution (50 U.S.C. 1544c), sauf si ces forces sont nécessaires pour repousser une attaque imminente contre les États-Unis ou leurs alliés.
- Exigence complémentaire, la résolution impose également au président de se conformer pleinement à la section 5b de la même loi, c’est-à-dire de ne pas engager les forces armées sans déclaration de guerre ou autorisation spécifique du Congrès.
- La War Powers Resolution avait été votée en 1973 malgré le véto de Richard Nixon en raison du déploiement controversé de troupes américaines au Vietnam, au Laos et au Cambodge, sans consultation préalable du Congrès.
- Cette résolution fait suite à deux textes précédemment introduits dans les deux chambres du Congrès : à la Chambre des représentants par le républicain Thomas Massie, et au Sénat par le démocrate Tim Kaine le 16 juin visant à réaffirmer les prérogatives du Congrès en matière d’utilisation de la force armée.
- Thomas Massie, initialement favorable à la résolution, semble avoir fait marche arrière après l’annonce du cessez-le-feu, affirmant qu’une telle mesure serait devenue désormais superflue si la guerre est effectivement terminée.
- Ce retrait fait également suite à une série d’attaques lancée par Donald Trump à l’encontre de Massie, accusé par le président de ne pas appartenir au mouvement MAGA en raison de son opposition au projet de loi budgétaire étudié en ce moment par le Sénat.
Malgré la trêve annoncée, des démocrates non-interventionnistes, comme Ro Khanna et Jim McGovern, insistent pour maintenir un vote afin de réaffirmer l’autorité du Congrès.
- Le démocrate californien Ro Khanna a expliqué qu’il serait motivé par le risque d’une nouvelle guerre future : « Nous pourrions… avoir un conflit à l’avenir, et nous devons déclarer officiellement qu’aucune guerre offensive ne sera menée contre l’Iran sans autorisation préalable » 1.
- Le premier Article de la Constitution américaine réserve au Congrès le pouvoir de déclarer la guerre, mais ce dernier a progressivement cédé une part importante de ses prérogatives à l’exécutif au cours des dernières décennies (en matière de guerre mais également de commerce, de politique migratoire ou de gestion des dépenses fédérales).
- Lors de son premier mandat, Trump s’était appuyé sur une résolution de 2002 (Authorization for Use of Military Force Against Iraq Resolution of 2002), initialement votée pour l’invasion de l’Irak, pour justifier l’assassinat par drone du général iranien Qassem Soleimani, presque vingt ans plus tard.
- En réaction, le sénateur Tim Kaine avait introduit une résolution en 2020, précurseure de celle qu’il a introduite ce 16 juin, ordonnant le retrait des troupes américaines d’opérations non autorisées contre l’Iran.
- Trump avait bloqué par un veto la résolution de 2020.
- Le Congrès, dont les prérogatives constitutionnelles ont été largement piétinées durant les cinq premiers mois de Donald Trump à la Maison-Blanche, se trouve donc entravé dans sa tentative de réaffirmer son autorité législative.
Au-delà d’un geste symbolique — l’Article 1 pour le Congrès et l’Article 2 en faveur de l’exécutif, invoqué par Trump mais également par le speaker républicain de la Chambre Mike Johnson —, la tenue d’un vote sur la légitimité des frappes ordonnées par Trump contraindrait également de nombreux élus démocrates pro-Israël à choisir entre la réaffirmation de leur positionnements et l’expression de leur opposition à Trump.
- Si plusieurs élus démocrates seraient susceptibles de choisir la deuxième option, il semble peu probable que suffisamment d’élus républicains — à la Chambre comme au Sénat — votent en faveur.
- De nombreux sénateurs et représentants du GOP ont signalé à plusieurs reprises depuis l’ouverture du 119e Congrès être favorable à une réduction des prérogatives du Congrès au profit du pouvoir exécutif, notamment en matière d’imposition de tarifs douaniers.
- La Maison-Blanche a par ailleurs nié le pouvoir du Congrès en violant à au moins deux reprises depuis janvier l’Impoundment Control Act de 1974, une loi qui vise à empêcher le président de bloquer ou de retarder l’allocation de financements autorisés par le Congrès.
Sources
- Andrew Solender et Kate Santaliz, « Iran ceasefire upends congressional fight to limit Trump’s war powers », Axios, 24 juin 2025.