Le Guide suprême Ali Khamenei, qui pourrait très probablement être la cible de prochaines attaques, a publié dans la matinée un bref communiqué reprenant la rhétorique menaçante habituelle à l’encontre d’Israël.
- « De nombreux commandants et scientifiques sont tombés en martyrs sous les attaques de l’ennemi. Leurs successeurs et collègues vont prendre la relève immédiatement, si Dieu le veut. Le crime du régime sionistre lui prépare un sort amer et douloureux, qu’il recevra sans aucun doute » 1.
- Téhéran a également annoncé qu’il ne participera plus aux négociations nucléaires indirectes avec les États-Unis qui étaient prévues dimanche 15 juin à Oman.
D’autres réactions soulignent surtout l’illégalité de l’attaque au regard du droit international, ce qui pourrait préparer le terrain à une riposte plus limitée dans son intensité.
- Le président de la République, Massoud Pezechkian, tout en insistant sur le passé historique de la nation iranienne — « bien que les Iraniens n’ont jamais commencé de guerre dans les deux cent dernières années, nous n’hésiterons pas à défendre notre terre natale » – demande au Conseil de sécurité des Nations unies de se saisir, l’appelant à « défendre sa dignité et sa raison d’être contre la chute du système international ».
- Il ajoute que l’Iran n’attendra pas d’aval de la communauté internationale avant de riposter contre Israël 2.
- Le vice-président, Mohammed Âref, a pour sa part concentré ses messages de condoléances à l’égard des familles des dirigeants militaires tués 3.
- Mohammed Javad Zarif, négociateur de l’Accord sur le nucléaire iranien de 2015, fait appel à un passé encore plus ancien : « L’Iran se tiendra fièrement debout comme il l’a fait au cours des derniers millénaires » 4.
La valorisation lyrique du martyre des commandants iraniens tués est également omniprésente dans les discours, conformément à la tradition de la République islamique.
- Le président du parlement iranien, Mohammed Qalibaf, après avoir appelé à la vengeance à l’encontre d’Israël, a déclaré : « Nous jurons au nom de Dieu et du sang pur de nos frères martyrs que nous vous défendrons vous et notre pays adoré, comme une montagne. Le sang des martyrs est notre lumière, et nous avons appris d’eux la leçon de la persévérance » 5.
- Le général Moussavi, qui a remplacé Ali Baqeri, le commandant en chef des forces armées iraniennes, a également déclaré que « le drapeau hissé par le sang des martyrs ne tombera pas. Le sang des martyrs ne restera pas dans le sol ».
- Comme l’explique Farhad Khosrokhavar, le culte des martyrs est la clef de voûte idéologique du régime iranien depuis la guerre Iran-Irak. Au cœur de Téhéran se trouve ainsi le musée de la « Défense sacrée », dans lequel s’institutionnalise un culte national à l’égard des martyrs.
- Cette martyrologie puise ses racines à la fois dans l’histoire du chiisme et dans l’interprétation qu’en a faite Ali Shariati, un des idéologues de la Révolution de 1979, qui a tenté de combiner le dolorisme chiite à une pensée de gauche prolétarienne à vocation révolutionnaire.
L’attaque israélienne, survenue alors que l’Agence internationale pour l’énergie atomique venait d’adopter une résolution condamnant l’Iran, est interprétée par plusieurs responsables politiques iraniens comme une offensive de l’Occident contre la République islamique.
- Mohammed Khatami, président iranien de 1997 à 2005 et figure du mouvement réformateur, dont la doctrine de politique étrangère était celle du « dialogue des civilisations », a publié un communiqué dans lequel il déclare : « Il faut remarquer la coïncidence de cet acte criminel avec le vote d’une résolution contre l’Iran, poussée par les États-Unis et les pays européens au sein de l’AIEA » 6.
- Des personnalités modérées semblent adopter un discours qui identifie un complot occidental à l’encontre des puissances émergentes, relativement proche ou du moins comparable à celui d’un ultraconservateur radical comme Hassan Abbasi.
Une grande partie de la population iranienne perçoit ces frappes comme une attaque contre l’Iran dans son ensemble, et non uniquement contre ses installations militaires, d’autant que la majorité des frappes ont visé de grands centres urbains. Des vidéos diffusées dans la matinée du 13 juin montrent de longues files de voitures quittant Téhéran 7, ainsi que des immeubles du centre-ville partiellement détruits par les bombardements 8.
- Les villes iraniennes n’avaient pas connu de bombardements d’une telle ampleur depuis la guerre Iran-Irak, de 1980 à 1988.
Sources
- پیام رهبر معظم انقلاب اسلامی خطاب به ملت بزرگ ایران در پی جنایت سحرگاه امروز رژیم صهیونیستی, Site officiel du Guide suprême, 13 juin 2025.
- این صدای یک ملت است و یک دولت؛ ما آغازگر جنگ نبودیم, Site de la présidence de la République, 13 juin 2025.
- پیام معاون اول رئیسجمهور در پی تجاوز رژیم صهیونیستی به خاک کشورمان, Site officiel du gouvernement iranien, 13 juin 2025.
- Déclaration sur X, 13 juin 2025.
- « قالیباف : زمان انتقام است », Irna News, 13 juin 2025.
- « سید محمد خاتمی : رژیم صهیونیستی روی همه جنایتکاران تاریخ را سفید کرد », Jamaran News, 13 juin 2025.
- Vidéo sur X, 13 juin 2025.
- Vidéo sur X, 13 juin 2025.