L’IA a-t-elle déjà commencé à remplacer les travailleurs ?

Le taux de chômage des jeunes diplômés aux États-Unis est, depuis les années 1980 au moins, inférieur à la moyenne nationale. Ce phénomène s’explique par la valeur ajoutée que représentent les diplômes du supérieur sur le marché de l’emploi. Toutefois, depuis la pandémie de coronavirus, les courbes se sont inversées.

• En mars 2025, près de 6 % des Américains ayant obtenu un diplôme dans les deux années précédentes étaient sans emploi, soit une hausse de 1,6 point depuis l’été 2022.
• La moyenne nationale demeure quant à elle relativement stable depuis la pandémie — qui avait débouché sur une explosion du taux de chômage ayant atteint près de 13 % —, aux alentours de 4 %.

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cette hausse du chômage chez les jeunes diplômés. Notamment, l’augmentation du nombre de profils ayant obtenu un diplôme dans des secteurs déjà saturés, comme l’informatique, crée une inadéquation entre l’offre et la demande. La dégradation des perspectives économiques relative à l’impact des tarifs et d’une hausse de l’inflation ont également conduit à une baisse globale du recrutement.

Toutefois, selon un rapport d’Oxford Economics, il existe aussi des signaux indiquant que les postes d’entrée de carrière sont « remplacés » à un rythme plus rapide qu’anticipé par l’intelligence artificielle ¹.

• L’amélioration constante des capacités des IA à exécuter des tâches à grande échelle et ce pour un coût limité a jusqu’à présent principalement été vue comme un facteur permettant d’appuyer le travail réalisé par les employés du tertiaire.
• Les entreprises de l’IA présentent toutefois de plus en plus leurs outils comme étant capables de réaliser des tâches traditionnellement confiées à des humains.
• Anthropic vante ainsi les capacités de son dernier modèle, Claude Opus 4, à pouvoir travailler en continu pendant plusieurs heures « sur des tâches de longue durée qui nécessitent une concentration intense et des milliers d’étapes » ².

Le PDG d’Anthropic, Dario Amodei, s’exprime très ouvertement sur le potentiel de l’IA à bouleverser le marché de l’emploi. Dans un entretien donné la semaine dernière, Amodei prédisait que l’IA pourrait « éliminer la moitié des emplois de cols blancs débutants et faire grimper le chômage à 10-20 % dans les cinq prochaines années » ³.

• Tous les secteurs ne seraient pas impactés dans les mêmes proportions. Selon une étude publiée en décembre 2024, ce sont les métiers de l’information, du management, de la finance, de l’assurance et du commerce qui pourraient être parmi les plus touchés ⁴.
• Le phénomène de « remplacement » des postes junior repose quant à lui sur la conviction, exprimée par certains dirigeants du secteur technologique, que les tâches attribuées à des jeunes diplômés pendant les premières années de leurs carrières peuvent désormais « facilement » être effectuées par des IA ⁵.

Au sein de plusieurs grandes entreprises américaines, l’IA a toutefois déjà commencé à remplacer des humains.

• Dans un email ayant fuité en 2024, le vice-président exécutif des missions stratégiques et des technologies chez Microsoft, Jason Zander, admettait que le licenciement d’un millier d’employés résultait d’une volonté de « définir la vague de l’IA » ⁶.
• Un an plus tôt, après le licenciement de 500 personnes, Dropbox reconnaissait le rôle joué par l’IA dans sa décision : « Dans un monde idéal, nous transférerions simplement les personnes d’une équipe à l’autre. Cependant, notre prochaine phase de croissance nécessite un ensemble de compétences différentes, en particulier dans les domaines de l’IA » ⁷.

Cette tendance se retrouve pour l’heure surtout dans les grands groupes, qui sont quatre fois plus susceptibles d’utiliser l’intelligence artificielle que les autres entreprises. À terme, Goldman Sachs estime que 25 % des tâches aux États-Unis et en Europe pourraient être automatisées grâce à l’IA, ce qui représenterait 300 millions d’emplois.