Aux États-Unis, il est habituel que les présidents récompensent leurs principaux donateurs en leur offrant des postes d’ambassadeur. Cette pratique, courante depuis la première moitié du XXe siècle, a contribué à la formation de deux « tiers » au sein du corps diplomatique américain : les ambassades considérées « techniques » sont généralement confiées à des diplomates de carrière, tandis que celles jugées plus « politiques » (en Europe notamment) reviennent souvent à des alliés politiques.
- En droit, la pratique dite du spoil system (« système des dépouilles ») pour des motifs financiers est proscrite par le Foreign Service Act de 1980, qui lit explicitement : « Les contributions aux campagnes politiques ne devraient pas constituer un facteur déterminant dans la nomination d’une personne au poste de chef de mission » 1.
- Dans les faits, tous les présidents américains depuis Carter ont perpétué cet usage — démocrates comme républicains —, tout en faisant attention à respecter un certain équilibre entre « amateurs » et diplomates de carrière.
- Durant son mandat, les ambassadeurs « politiques » nommés par George W. Bush représentaient ainsi 32 % du corps diplomatique, 30 % en moyenne au cours des deux mandats de Barack Obama, 41 % pour Biden et 43 % au cours du premier mandat de Trump.
- Or, depuis le début de son deuxième mandat, 100 % des 52 ambassadeurs nommés par le président républicains sont des choix politiques.
En raison du nombre important de postes nécessitant une confirmation du Sénat (environ 1 300), l’administration Trump a nommé à ce stade moins d’un tiers des ambassadeurs qui dirigeront les quelque 189 missions diplomatiques américaines. En raison de l’usage pour les personnalités politiques d’offrir leur démission lors de l’arrivée d’une nouvelle administration, la plupart des nominations de Trump sont elles aussi de nature politique.
Il existe toutefois quelques exceptions notables, dans lesquelles des diplomates de carrière sont remplacés par des personnalités politiques.
- En Estonie, l’ancien ambassadeur et diplomate de carrière George P. Kent devrait être remplacé par Roman Pipko, un avocat né en Estonie sous l’occupation soviétique.
- S’il n’a vraisemblablement pas contribué à la campagne de Trump, sa fille, Elizabeth Pipko, a été nommée l’an dernier porte-parole de l’organe de direction du Parti républicain, le RNC, après avoir contribué à la campagne de Trump de 2016 — et avoir célébré son mariage à Mar-a-Lago en 2018 sur le thème « Make Marriage Great Again » 2.
- Au Koweït, Trump a nommé Amer Ghalib en remplacement de Karen Sasahara, une diplomate de carrière en poste comme consul général à Jérusalem de 2018 à 2019.
- Ghalib, un ancien démocrate ayant rallié la campagne républicaine en septembre 2024 — soit deux mois avant l’élection —, est perçu comme l’un des principaux soutiens ayant contribué à la victoire de Trump dans le Michigan, un swing state clef de la région des Grands Lacs.
- En Uruguay, la diplomate Heide B. Fulton, ex-chargée d’affaires au Honduras, devrait être remplacée par Lou Rinaldi, un homme d’affaires né en Italie qui a joué durant la première administration Trump un rôle d’intermédiaire entre l’ex-président uruguayen Luis Lacalle Pou et le républicain.
- Rinaldi est devenu un proche ami de Trump au début des années 1990 ainsi qu’un partenaire de golf régulier, avec qui il jouait « presque tous les week-ends » jusqu’en 2017 3. Le message de l’équipe de transition de Trump annonçant sa nomination ajoutait : « Lou est un excellent golfeur et il va vivre dans un pays qui possède de superbes parcours ».
Au sein des ministères des Affaires étrangères, la nomination d’une personnalité considérée proche du président américain est plutôt vue d’un bon œil, perçue comme un moyen pour les industriels, financiers et pouvoirs politiques d’accéder plus facilement à Donald Trump.
À Paris, l’ambassade américaine devrait ainsi accueillir dans les prochaines semaines le père du gendre de Trump, Charles Kushner, gracié par le président américain en 2020 suite à une condamnation pour évasion fiscale, contributions illégales à une campagne électorale et subornation de témoin.
Sources
- Foreign Service Act of 1980.
- Aiden Pink et Jenny Singer, « One Month In, ‘Jexodus’ Group Has Trump’s Support – And Not Much Else », Forward, 2 avril 2019.
- Joaquín Silva, « La historia del uruguayo que es íntimo amigo de Donald Trump », El Observador, 12 janvier 2019.