En fin de semaine dernière, du 25 au 28 avril, Donald Trump Jr., le fils aîné du président américain, vice-président exécutif de la Trump Organization et architecte de l’ombre du mouvement MAGA, a entamé une tournée européenne de quatre jours au cours de laquelle il s’est rendu en Hongrie, en Serbie, en Bulgarie puis en Roumanie.

L’agenda de sa visite, dans le cadre d’une série de conférences intitulée « Trump Business Vision 2025 », organisée par Salem Media (une entreprise médiatique américaine « au service des communautés chrétiennes et conservatrices du pays » dont Don Jr. est actionnaire 1), visait officiellement à renforcer les liens entre la Trump Organization et l’Europe de l’Est. 

Son itinéraire met en évidence deux priorités : exercer des pressions sur la Hongrie et la Serbie pour qu’elles engagent un processus de découplage avec la Chine et interférer dans le processus électoral en Roumanie.

  • Ainsi, le vendredi 25 avril, il s’est rendu en Hongrie où il a notamment rencontré le ministre des Affaires étrangères hongrois Péter Szijjártó. Mi-avril, le chargé d’Affaires à l’ambassade des États-Unis en Hongrie avait mis en garde Budapest contre les investissements chinois, soulignant une source potentielle de tension avec l’administration Trump : « Le président Trump est clair. La Chine constitue un défi stratégique pour les États-Unis et leurs alliés, un défi qui exige vigilance, transparence et unité » 2.
  • Le ministre de l’Économie Marton Nagy a toutefois déclaré lundi 28 avril : « Nous ne voyons pas aux États-Unis un potentiel d’investissement comparable à celui de la Chine. Notre position est très pragmatique » 3.
  • En Serbie, le 26 avril, Don Jr. a rencontré des hommes d’affaires à Belgrade lors d’un événement organisé par la Chambre de commerce. Il a dîné avec le président serbe Aleksandar Vučić, proche de Xi Jinping.
  • Le dimanche 27 avril en Bulgarie, il a rencontré Victor Ponta, candidat indépendant (ex PSD) à l’élection présidentielle roumaine. Il a aussi participé à un débat « sur la crise économique et le partenariat avec les entreprises américaines » et à un événement organisé par la plateforme bulgare de crypto-monnaies Nexo, co-fondée par l’ancien député Antoni Trenchev. 
  • En Roumanie, où il s’est rendu le 28 avril, il a participé à un événement à Bucarest co-organisé par Adrian Thiess, ex-directeur de la campagne présidentielle de Călin Georgescu. Il a aussi donné un entretien à une chaîne de télévision roumaine.

Le rôle officieux joué par Don Jr. au sein de l’administration suscite l’attention de nombreuses figures politiques et hommes d’affaires.

  • Alors qu’il participait à Sofia à l’événement organisé par Nexo, Trenchev a annoncé que la plateforme allait « retourner aux États-Unis », ajoutant : « Grâce à la vision et au leadership du président Donald J. Trump, de son administration et de sa famille, les États-Unis sont à nouveau un lieu où l’innovation est encouragée et non étouffée » 4.
  • La plateforme bulgare s’était retirée du marché américain l’an dernier suite au lancement en 2022 d’une enquête par le Bureau de protection des consommateurs en matière financière en raison de ses taux trop élevés 5. Quelques semaines plus tard, le parquet bulgare lançait une enquête contre Nexo pour soupçons de blаnсhіmеnt d’argent, d’асtіvіtéѕ bаnсаіrеѕ іllégаlеѕ, de délіtѕ fіѕсаuх еt de frаudе іnfоrmаtіquе 6.
  • Depuis le 20 janvier, Donald Trump a œuvré pour des plateformes d’échange de cryptomonnaies, notamment en ordonnant à la Securities and Exchange Commission (SEC), l’organisme fédéral de réglementation et de contrôle des marchés financiers, d’interrompre voire d’abandonner ses enquêtes pesant sur Binance, Coinbase et d’autres acteurs.
  • Les entreprises crypto ont contribué à hauteur de 18 millions de dollars au fonds d’investiture de Trump, et leurs dons ont représenté 43,5 % du total des contributions financières d’entreprises aux plateformes de soutien aux candidats (PAC) au premier semestre 2024 — un chiffre sans précédent.

Don Jr. a également profité de sa présence en Europe pour s’entretenir à Sofia avec le candidat roumain indépendant à l’élection présidentielle et ancien Premier ministre PSD, Victor Ponta — qui a déposé sa candidature en portant une casquette rouge d’inspiration trumpiste avec l’inscription Romania pe primul loc (La Roumanie d’abord). Les deux hommes s’étaient déjà rencontrés lors de la précédente visite de Don Jr. à Belgrade en mars, où Ponta se trouvait pour voir Sebastian Ghiță, un ancien député roumain en fuite depuis 2017 suite au lancement de plusieurs enquêtes pour corruption 7.

  • C’est à la chaîne de télévision roumaine România TV, fondée par Ghiță en 2011, que Don Jr. a donné le seul entretien de sa tournée européenne. Le fils aîné du président a vanté le « potentiel » que celui-ci voyait dans les pays d’Europe de l’Est, en opposition aux pays d’Europe de l’Ouest, présentée comme croulant sous les réglementations et où « personne ne veut travailler » 8.
  • Don Jr. a affirmé n’occuper « aucun rôle dans la politique » et vouloir travailler « uniquement dans le secteur privé ».
  • Il a toutefois déclaré que Trump et lui-même créaient « une grande opportunité pour les affaires et l’emploi en Roumanie et en Europe de l’Est », avant d’ajouter avoir besoin « d’une personne qui sache prendre des décisions et qui comprenne comment tout fonctionne pour pouvoir le faire ».

Les voix les plus influentes de l’entourage du président américain — du vice-président J.D. Vance à Elon Musk — avaient vivement critiqué l’annulation des résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 24 novembre 2024, et apporté un soutien explicite à la candidature de Călin Georgescu qui a été invalidée par la Commission électorale le 9 mars. 

  • Le candidat du parti d’extrême-droite AUR (Alliance pour l’unité des Roumains, Alianța pentru Unirea Românilor, CRE), George Simion, est premier dans les sondages avec environ 30 % des voix et devrait arriver en tête du premier tour, qui aura lieu dimanche 4 mai. Ponta est crédité de 11,6 % des votes.
  • Dans un message publié le 29 avril, l’ambassade américaine à Bucarest citait le discours du vice-président J.D. Vance à Munich : « La démocratie repose sur le principe sacré que la voix du peuple compte […] Un mandat démocratique ne peut pas être obtenu en ignorant son électorat sur des questions aussi centrales que celle de savoir qui peut faire partie de notre société commune » 9.