Donald Trump a annoncé la tenue de ces négociations le lundi 7 avril. Il a exprimé à plusieurs reprises le souhait qu’elles soient directes.

  • La partie iranienne insiste pour sa part sur le fait qu’il s’agit de négociations « indirectes ». Mardi, 8 avril le ministre iranien des Affaires étrangères déclarait : « notre principal objectif dans ces négociations est de restaurer le droit des personnes et de lever les sanctions. Si l’autre partie le souhaite véritablement, cela est envisageable, quelle que soit la méthode, directe ou indirecte. Pour l’instant, nous préférons des négociations indirectes. Et nous n’avons pas prévu de passer à des négociations directes » 1.
  • Ali Shamkhani, conseiller politique du Guide suprême et figure centrale de l’appareil de sécurité de la République islamique 2, a également souligné la dimension indirecte des négociations, créant même un hashtag sur X pour désigner la réunion d’aujourd’hui comme « négociations indirectes » (« #مذاکره_غیرمستقیم »). Son message insiste également sur la nécessité d’aborder les questions de fond avant de divulguer la tenue des négociations.
  • Toutefois, des responsables iraniens ont déclaré en privé qu’ils étaient prêts à entamer des négociations directes si les discussions progressaient suffisamment.
  • Cette question, qui pourrait sembler protocolaire, est une dimension cruciale des négociations entre l’Iran et les États-Unis. 
  • Chaque partie considère en effet que le simple fait de se rencontrer est une concession de l’autre, les deux pays n’ayant pas de relations diplomatiques depuis 1979.
  • Ainsi, la première rencontre entre Javad Zarif et John Kerry, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies en 2013, ou la promenade des deux sans conseillers dans les rues de Genève, avaient été considérées comme des événements diplomatiques en soi 3

Le dispositif des négociations reste pour le moment peu clair.

  • Le ministre des Affaires étrangères Abbas Araqchi, qui dirige l’équipe iranienne, a une grande expérience des négociations. Il a été le principal négociateur pour le nucléaire depuis 2013, aussi bien sous l’administration de Hassan Rouhani qu’Ebrahim Raisi, et a ensuite été nommé ministre des Affaires étrangères après l’élection de Mohammad Javad Zarif.
  • Steve Witkoff sera le négociateur américain. Sa connaissance du dossier semble toutefois très inférieure à celle des négociateurs historiques du JCPOA : John Bolton, William Burns, Jake Sullivan, Wendy Sherman et surtout John Kerry, qui avait notamment passé près d’un mois à Vienne à négocier directement avec Javad Zarif lors des dernières étapes des discussions en 2015. 
  • Il est en effet difficile d’imaginer que Witkoff puisse être si engagé, compte tenu des deux autres négociations qu’il doit mener : avec la Russie et l’Ukraine, et avec Israël et le Hamas.
  • Le rôle de la Russie reste également peu clair. Alors que Poutine aurait proposé son aide à Trump pour mener les négociations avec Téhéran, des représentants chinois, russes et iraniens se sont rencontrés à Moscou ce mardi 8 avril afin de préparer la session de négociations à Oman. Steve Witkoff lui-même était à Moscou hier, le 11 avril 4.

Aujourd’hui, la question centrale portera sur le périmètre des négociations, les Iraniens souhaitant les cantonner aux questions liées aux sanctions et au programme nucléaire, tandis qu’une partie de l’administration américaine voudrait un accord global, qui inclurait également la sécurité régionale et les proxies de l’Iran. À ce stade, Téhéran cherche avant tout la levée des sanctions et à éviter toute action militaire des États-Unis – pour obtenir cela, les négociateurs pourrait proposer un accord intermédiaire, qui pourrait inclure la suspension de certaines activités d’enrichissement, la diminution du stock d’uranium enrichi à 60 % et un meilleur accès des inspecteurs aux installations nucléaires 5

  • Dans une tribune publiée par le Washington Post, le ministre Abbas Araqchi a formulé un appel à la diplomatie qui se conclut ainsi : « Les États-Unis ont l’opportunité d’avoir enfin un président de paix. Saisir cette opportunité est une question de choix » 6
  • D’après une enquête du New York Times, plusieurs responsables iraniens auraient convaincu Ali Khamenei qu’en l’absence de négociations pour lever les sanctions, l’économie iranienne s’effondrerait 7
  • Le président iranien Massoud Pezechkian a même affirmé mercredi 9 avril que le Guide suprême n’était pas hostile à des investissements américains en Iran en cas d’accord 8.

Steve Witkoff a déclaré qu’il souhaitait « créer un programme de vérification afin que personne ne s’inquiète de la militarisation de la matière nucléaire iranienne ». Un tel objectif suggère une solution similaire aux vérifications existantes dans le cadre des rapports de l’Agence internationale pour l’énergie atomique sur le programme nucléaire iranien 9.

  • En revanche, Mike Waltz, le conseiller à la sécurité de Donald Trump, a déclaré souhaiter un « démantèlement complet » des installations nucléaires iraniennes 10.
  • La position de ce dernier est proche de celle du gouvernement israélien. 
  • En effet, selon Benjamin Netanyahou, seules deux options sont envisageables à ce stade : un accord semblable à celui par lequel Mouammar Kadhafi avait abandonné le programme nucléaire libyen en 2004, c’est-à-dire un démantèlement complet des installations nucléaires ; ou une intervention militaire directe.

Si cette phase de négociations va dans le sens des intérêts des deux parties, une prochaine étape pourrait être, comme le souligne Ali Vaez, la visite de Donald Trump en Arabie saoudite, qui devrait avoir lieu à la mi-mai, et au cours de laquelle l’administration américaine pourrait rencontrer des homologues iraniens en marge de la visite du président 11

Sources
  1. « Iran’s foreign minister says he will have indirect talks with US envoy over Tehran’s nuclear program », AP News, 8 avril 2025.
  2. Ali Shamkhani a notamment été secrétaire général du Conseil suprême de sécurité nationale entre 2013 et 2023 et ministre de la Défense de 1997 à 2005.
  3. « Promenade des deux ministres iranien et américain dans le centre-ville de Genève », Radio Farda, 14 janvier 2015.
  4. « US Special Envoy Witkoff arrives in Russia before Iran meeting in Oman », First Channel News, 11 avril 2025.
  5. Barak Ravid, Scoop : Iran wants to explore interim nuclear deal in talks with U.S., sources say, Axios, 10 avril 2025.
  6. Seyed Abbas Araghchi, « Iran’s foreign minister : The ball is in America’s court », The Washington Post, 8 avril 2025.
  7. Farnaz Fassihi, « Why Iran’s Supreme Leader Came Around to Nuclear Talks With the U.S. », The New York Times, 11 avril 2025.
  8. « گفت‌وگوهای روز شنبه عراقچی با توصیه‌های رهبری خواهد بود/ رهبری با سرمایه‌گذار آمریکایی در کشور هیچ مخالفتی ندارند », ISNA, 9 avril 2025.
  9. « Witkoff says Trump trying to build trust with Iran in order to prevent an armed conflict », The Times of Israel, 22 mars 2025.
  10. « Trump administration is seeking « full dismantlement » of Iran’s nuclear program, Waltz says », CBS News, 23 mars 2025.
  11. Ali Vaez, « A Return to Nuclear Diplomacy with Iran ? », Crisis Group, 9 avril 2025.