Curtis Yarvin n’a pas toutes les réponses, mais quand on ne sait pas d’où commencer, abasourdis face aux énormités de l’administration Trump, la réponse est souvent : Curtis Yarvin. Après l’avoir largement commenté et traduit avant la publication de son « Manifeste formaliste » dans le prochain volume papier de la revue à paraître le 17 avril nous l’avons invité à passer plus de trois heures au cœur du Quartier latin, à la rédaction du Grand Continent. 

Au cours de cet entretien fleuve, nous l’avons interrogé en cherchant à comprendre essentiellement deux choses : comment il explique son influence, le succès de ses théories à plusieurs égards absolument radicales au sein de la nouvelle administration américaine et en particulier auprès de la nouvelle élite qui cherche à disrupter l’État fédéral — il nous confie rencontrer plusieurs fois J. D. Vance — et pour quelles raisons le moment contre-révolutionnaire que traverse Washington arrive aujourd’hui avec autant de force. 

Dans ce premier volet de notre entretien (le deuxième est ici, le troisième ici), Yarvin attaque longuement la gauche et les progressistes en faisant remonter les origines de leur échec aux années 1930. Mais de manière plus inattendue, il pointe une autre cause — qui l’occupera pendant presque une heure. Elle est selon lui plus importante qu’on ne le croit pour expliquer la victoire de Trump : le Covid-19. 

Il nous dit : 

La pandémie est un moment si marquant que l’une des choses les plus remarquables pour moi à propos des élections de 2024 est que personne ne parle du Covid-19, non pas parce que c’est trop insignifiant — mais parce que c’est trop important.

Pour essayer de comprendre pourquoi, nous avons consacré le premier épisode de cet entretien qui paraîtra en trois parties à cette question.

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Pour un public européen qui ne connaîtrait peut-être pas vos écrits, pourriez-vous nous introduire à votre théorie politique ?

Ma théorie n’est pas très différente de celle d’Aristote. La question intéressante n’est pas de savoir comment ces nouvelles théories sont devenues influentes, mais plutôt comment elles ont pu être perdues au cours des 250 dernières années.

Quand les gens me demandent : « Est-ce vous qui avez influencé ceci ? Est-ce vous qui avez influencé cela ? », je leur réponds toujours : « La vérité ne se propage pas comme ça ». N’importe qui peut regarder le ciel et voir qu’il est bleu. Quand on est face à quelque chose de faux, une pure invention, cela vient toujours d’un endroit précis. Mais une découverte, c’est très différent. Lorsqu’on découvre quelque chose, les premières personnes qui en prennent conscience sont celles qui ont elles-mêmes constaté les mêmes choses.

Les gens vivent dans un monde qui semble fonctionner et ils ne se posent aucune question. Quand je reviens à ce vieux post, avec lequel j’ai lancé le blog Unqualified Reservations, l’une des premières choses qui m’a convaincu que j’étais sur la bonne voie a été que quelqu’un qui avait travaillé pour le gouvernement américain pendant dix ans me dise : « Je ne m’étais jamais rendu compte de comment fonctionnait vraiment le système avant de te lire. »

Face à tous les maux de notre monde, on pourrait s’attendre à ce que cette prise de conscience se propage beaucoup plus rapidement… C’est comme lorsqu’on grandit. De la naissance jusqu’à 10 ou 11 ans, on voit ses parents comme des dieux. Puis on a 15 ans — j’ai moi-même deux adolescents — et là, on commence à voir ses parents comme des individus, et on constate qu’ils ont des défauts.

J’ai donc encore quelques petites choses à ajouter à ma théorie, mais elles sont beaucoup moins nombreuses que je ne le pensais. Surtout depuis l’arrivée au pouvoir de Trump et Vance, qui tentent d’imposer cette présidence « jupitérienne », comme vous dites en France.

Pourquoi Trump et Vance valident-ils votre théorie ?

Les Américains sont un peu surpris par cette idée que le président soit le chef exécutif de la branche exécutive — comme le stipule pourtant la Constitution — et qu’il prenne cela vraiment au sérieux. Mais une fois que l’on prend l’exécutif au sérieux, il est très difficile pour les anciens systèmes de s’y opposer. Elon Musk peut librement écrire sur X : « Si les bureaucrates sont permanents et qu’ils sont au-dessus du gouvernement, alors on vit dans une bureaucratie et non dans une démocratie. »

Si on se réfère au monde politique classique pré-moderne, les trois formes de gouvernement — démocratie, aristocratie, monarchie — sont véritablement trois forces de gouvernement. Ce sont les trois façons dont le pouvoir peut fonctionner.

La Constitution dit seulement qu’il y a trois pouvoirs — elle ne dit pas lequel est le plus fort.

Curtis Yarvin

Ce que je dis toujours, c’est que si vous voulez comprendre le triptyque « monarchie, démocratie, oligarchie » aujourd’hui, il faut prendre le mot oligarchie et le transformer en « méritocratie », « société civile », « institutions », ou « classe professionnelle-managériale » —  PMC, selon l’expression de Barbara Ehrenreich. On comprend en quoi toutes ces choses sont en fait les mêmes. 

La démocratie, c’est le pouvoir de la foule, des gens agités. En réalité, la démocratie, c’est le populisme : c’est la force des idées qui se répand en dehors des institutions, dans les rues, même si elles ne sont pas approuvées.

Quand on en arrive à la monarchie, on voit que la bonne façon de penser, ou la façon dont la monarchie existe en tant que force réelle, ce n’est pas vraiment Charles III, mais plutôt… Elon Musk. 

Seule l’énergie monarchique, l’énergie qui provient d’un unique point, peut être efficace. 

Cela n’a rien à voir avec l’aristocratie. Napoléon était un monarque, Cromwell était un monarque. Il n’est pas nécessaire d’être descendant des trente rois qui ont fait la France pour être un monarque. 

Est-il suffisant d’être Donald Trump pour être un monarque ?

Je discutais l’autre jour avec quelqu’un à Washington qui a un travail — en théorie — très important. Il me disait : « Tout est géré depuis le bureau ovale maintenant. Et c’est très efficace. » 

Cela ne s’était pas produit depuis l’époque de Franklin D. Roosevelt (FDR). Mais Roosevelt avait la même Constitution que nous.

Or, lorsqu’on se penche sur l’histoire des États-Unis, on constate que le pays redevient de fait une monarchie à peu près tous les 75 ou 80 ans en ce qui concerne son fonctionnement. George Washington : chef exécutif. Abraham Lincoln : chef exécutif. FDR : chef exécutif. Entre-temps, il y a des personnalités fortes, mais personne ne peut s’opposer à Washington. Personne ne peut s’opposer à Lincoln. Personne ne peut s’opposer à Roosevelt, surtout pendant la guerre.

Si on s’intéresse à ce système, d’une certaine manière, le véritable génie de la Constitution américaine — et Franklin Roosevelt le dit dans son premier discours inaugural — c’est qu’il s’agit d’une Constitution mixte. Tous les éléments sont présents. Mais l’équilibre entre eux n’est pas fixe — il peut bouger.

En d’autres termes : la Constitution dit seulement qu’il y a trois pouvoirs — elle ne dit pas lequel est le plus fort.

Pourquoi assisterions-nous précisément aujourd’hui au retour d’une « énergie monarchique » ? Quelles seraient les causes externes — voire la raison d’être de ce que vous considérez être un changement historique ?

Il existe un clivage majeur entre les historiens. D’un côté, il y a ceux qui croient en de grandes forces impersonnelles, à l’image de la psychohistoire d’Isaac Asimov ou de l’école des Annales en France qui se concentre entièrement sur des forces économiques et culturelles abstraites…

D’autres historiens — même si c’est moins à la mode — croient que l’histoire dépend des individus. Qu’un seul homme — Napoléon par exemple — crée la France, ou crée la France moderne. L’un des ouvrages qui m’a le plus influencé est français — bien que je l’aie lu en anglais. Il s’agit des Origines de la France contemporaine d’Hippolyte Taine. Son analyse de Napoléon est incroyable. En ce qui me concerne, je pense clairement que les individus peuvent faire une énorme différence et changer l’histoire.

Pensez-vous que Donald Trump est de cette trempe ?

Oui, Trump en est de cette trempe. Musk aussi. Je pense que nous verrons la même chose de la part de Vance avec le temps. Et peut-être que Vance en est déjà. Tout cela se rejoint. 

Mais il faut aussi chercher à identifier les forces qui rendent l’action de ces hommes possible : un grand homme a toujours besoin d’une opportunité. 

D’une certaine manière, 2020 est un autre des « Great Awakenings » des États-Unis, une nouvelle vague.

Curtis Yarvin

Est-ce que vous identifiez un moment précis ?

Oui, quelque chose de très étrange s’est produit il y a quelques années — qui a créé cette opportunité.

Quoi ?

En 2019, en Chine, quelqu’un a fait tomber un tube à essai. Et le monde entier a changé.

Pouvez-vous développer ?

La vie de tout le monde a changé. Parce que quelqu’un a fait tomber un tube à essai dans un laboratoire P4. Je crois que c’était le chercheur Ben Hu, mais je ne suis pas sûr. On finira bien par le savoir à un moment.

Vous connaissez l’expression « Great Awakening » ? Elle est utilisée pour désigner les périodes où l’Amérique est gagnée par une ferveur religieuse. Avec le Covid-19, nous en avons connu une nouvelle. 

D’une certaine manière, 2020 est un autre des « Great Awakenings » des États-Unis, une nouvelle vague.

Plus précisément, c’est un « great awokening ».

Pourquoi ?

Est-ce que le nom de James Lindsay vous dit quelque chose ? C’est un écrivain américain. Il parle de la « droite woke ». C’est l’une de mes nemesis. Il pense que tous ceux qui sont à sa droite sont des nazis. Il n’est pas le seul à penser ça et il a décrété que nous étions des nazis — mais aussi des gauchistes. Il faut comprendre que, pour lui, les nazis sont aussi de gauche. Il dit donc que les gens comme moi font partie de la « woke right ». Je n’invente rien. Et puis il souligne que les nazis se décrivent aussi comme « woke », apparemment — à ce point de son raisonnement je suis allongé par terre tellement je ris…

Bref, quoi qu’il en soit, il s’est passé quelque chose à ce moment-là — politiquement — qui était incroyable. 

Le Covid a inauguré la phase terminale de la gauche.

Pourquoi la gauche en particulier ?

C’est une longue histoire.

Nous avons le temps.

L’histoire de la gauche américaine est fascinante. 

En gros, on a d’un côté la Old Left, qui est la gauche communiste, la gauche du parti communiste américain, le CPUSA. Les parents de mon père étaient au CPUSA. C’est toute une façon de penser. C’est un monde que je connais assez bien — et c’est un monde tout à fait intégré à l’élite américaine. Si on en recherche les racines, il faut tout remonter jusqu’à John Reed. C’est-à-dire à la vieille gauche des années 1930. Elle se constitue en front populaire. Elle devient très puissante. C’est la période à laquelle le communisme américain est le plus puissant — les années 1930 sont en quelque sorte l’apogée de cette Old Left

Mais plusieurs incidents vont la mettre en difficulté.

Le premier est le pacte Molotov-Ribbentrop, par lequel Staline ordonne à ses partisans de faire cette volte-face par rapport à l’Allemagne. Beaucoup de gens n’arrivent pas digérer cela après la guerre. Le second est la « lettre Duclos ». Par le biais d’une lettre écrite par Jacques Duclos, Staline purge les dirigeants du Parti communiste américain — Earl Browder et d’autres 1

C’est ce qu’on appelle des coupes drastiques, n’est-ce pas ? 

Puis la guerre froide commence. Les libéraux américains — il y a deux types de gauches aux États-Unis à l’époque du Front populaire : les libéraux de FDR et les communistes qui travaillent pour Staline — pensent que Staline travaille pour eux. Mais ils ont tort. On ne saura jamais ce que Franklin Roosevelt lui-même en aurait pensé, parce qu’il est mort avant — et il a laissé cet homme très médiocre, Harry Truman, aux commandes. 

Toujours est-il qu’il avait laissé derrière lui une équipe incroyable qui a véritablement pu prendre les commandes du pays. C’est en 1945 que le système américain subit sa transition : c’est la naissance de l’État profond (deep state). 

Qu’est-ce que « l’État profond » pour vous ?

Ce qu’on appelle l’État profond, en gros, c’est la monarchie personnelle de FDR — sans le roi. 

Et ces gens-là sont géniaux. Ils sont incroyablement compétents. Ce sont des start-uppers avant la lettre. Ont-ils pris de mauvaises décisions ? Je pense que oui. Ont-ils aussi fait des choses graves ? Je pense que oui — mais ils étaient très bons dans leur travail.

Pour vous, cet État profond est une oligarchie.

Oui. Et c’est une bureaucratie.

Quelle serait la différence ?

Il n’y a pas de différence : la bureaucratie est une forme d’oligarchie. 

Il existe une autre sorte d’oligarchie qui est la kleptocratie. C’est ce que l’on voit en Europe de l’Est par exemple. Je pense que Poutine est en réalité très faible et, sous son pouvoir, il y a clairement cette  ploutocratie. La ploutocratie désigne la même chose. Les barons voleurs aux États-Unis. C’est un type d’oligarchie complètement différent mais cela reste une oligarchie.

L’oligarchie implique simplement le règne de la minorité, mais il peut y avoir des espèces très différentes de minorités.

Ce qu’on appelle l’État profond, en gros, c’est la monarchie personnelle de FDR — sans le roi. 

Curtis Yarvin

Vous n’avez pas terminé votre grande histoire de la gauche…

C’est vrai, poursuivons. La gauche se divise en deux en 1945. 

Les libéraux et les communistes se font la guerre, mais ils s’allient toujours contre les maccarthystes. Un libéral dans les années 1950 est un anticommuniste. Il est en concurrence avec les communistes pour la suprématie sur l’idée de progressisme. Cela dure de 1945 à 1956. 

En 1956, plusieurs choses se produisent. Il y a le rapport secret de Khrouchtchev et il y a la Hongrie. À ce moment-là, il devient très difficile pour n’importe qui ayant un tant soit peu d’honneur d’appartenir au Parti communiste — même si je dois dire que mes propres grands-parents se sont accrochés jusqu’aux années 1970. Donc en 1956, il y a un changement majeur. C’est vraiment à ce moment-là que les racines de la New Left sont plantées, dans les années 1960.

Si l’on considère la gauche comme une maladie — peut-être que vous vous souvenez du film Z de Costa Gavras, et de la conférence au début où l’officier militaire parle de « mildiou » — si on la voit comme une sorte de cancer, la Old Left est centralisée. Quand McCarthy essaye de s’en prendre à elle, c’est une très mauvaise surprise. Cela ne marche pas du tout, pour personne. Déjà, parce qu’entre un communiste et un libéral, en 1944, il n’y a aucune différence. Ils vont aux mêmes soirées. Alors les libéraux regardent McCarthy et se disent : « mon ami perd sa carrière parce qu’un jour il est allé dans la mauvaise soirée ? C’est injuste ». Les maccarthystes essayent d’attaquer le Parti communiste en tant qu’organisation centrale. C’est comme s’ils essayaient de couper la tumeur. Mais que faire si la tumeur s’est propagée et que vous avez maintenant tous ces germes dans tout le corps ? Que faire de cela.

C’est à ce moment que se révèle la nature de la New Left : elle n’a pas de centre. Tout est décentralisé, métastasé. C’est une gauche de l’esprit plutôt qu’une gauche organisée. C’est la gauche hippie. 

C’est la gauche non pas de mes grands-parents mais de mes parents.

Une bonne illustration de ce changement réside dans ce que l’on appelle aux États-Unis le mouvement pour les droits civiques. En gros c’est une répétition du mouvement des droits civiques des années 1920 et 1930, qui était dirigé par le PCUSA.

Il y a une petite expérience intéressante à faire à ce propos. Si vous cherchez sur Wikipédia le nom de Stanley Levison, vous verrez qu’il a été, jusqu’en 1956, le directeur financier du Parti communiste. En 1956, il laisse tomber. Au lieu de cela, il s’en va et il trouve un obscur pasteur noir qui vient juste d’obtenir son doctorat avec une thèse plagiée — Martin Luther King — et il crée le mouvement des droits civiques. L’une des choses les plus drôles sur Wikipédia, c’est que si vous allez sur la page web de Stanley Levison, on y dit toute la vérité sur lui, y compris qu’il a créé le SCLC (Southern Christian Leadership Council), qui est l’organisation de King. Il crée le SCLC, il l’organise. Il écrit tous les discours de King. C’est l’homme qui tire les ficelles. Mais si vous allez sur la page Wikipédia consacrée au SCLC, il n’y a aucune mention de Stanley Levison. 

La Old Left devient ainsi la New Left : le serpent change de peau. La gauche devient cette chose décentralisée, invertébrée. Elle devient, à proprement parler, un mouvement — dans les années 1960, on parlait d’ailleurs du Mouvement avec un M majuscule. 

Chez vous, les soixante-huitards — désolé si je massacre votre langue — en sont un bon exemple. Ils ont été d’une importance majeure. Faire partie de ce mouvement, c’était comme une sauvage sensation d’être vivant.

Une nouvelle énergie.

Il s’agit seulement d’une question « d’énergie » ?

À vingt ans, on se sent toujours vivant. Mais c’était encore plus vrai à l’époque qu’aujourd’hui. 

Faire partie du mouvement de la gauche communiste des années 1930, c’était comme créer ce nouveau monde. C’était juste incroyablement exaltant. Les gens de notre époque ne peuvent même pas imaginer quelque chose de plus exaltant que 1967 ou 1968. 

Cette exaltation de la New Left est aussi une exaltation révolutionnaire. C’est ce sentiment extraordinaire. Et cela crée une génération qui porte en elle l’énergie d’une oligarchie. 

C’est une énergie dans laquelle une minorité se sent non seulement le droit mais le devoir de gouverner. Elle sent qu’elle est meilleure, qu’elle est au-dessus du reste.

C’est ainsi que l’élite américaine perçoit les masses populaires des États-Unis. 

Selon vous, dans les années 1960, une minorité révolutionnaire s’empare du pouvoir en Amérique ?

Oui. 

Mais l’oligarchie est toujours terrifiée par la démocratie.

Ils ont peur des paysans avec des fourches. Ils ont peur de la foule, des masses. Ils savent qu’ils sont les ennemis de ces gens. Ils vivent dans la peur que ces gens se rassemblent et se rendent compte que ce très petit nombre d’aristocrates — parce que l’aristocratie est un autre mot pour parler de la même chose — va juste être déchiquetée par ces paysans, presque physiquement. Ils ont en tête la prise de la Bastille. Cela les amène à développer des idées qui sont très hostiles envers les masses.

Quelles idées ?

Les idées de la New Left sont beaucoup plus radicales que celles de la Old Left à bien des égards. Parce que la New Left prend les principes de la Old Left complètement au sérieux.

Ils ont eu l’occasion de constater que la Old Left se prêtait allègrement à ce que mon défunt ami Lawrence Auster 2 appelait l’unprincipled exception 3 : la gauche n’appliquait pas pleinement ses propres principes. Par exemple : « je suis marxiste, je crois en l’égalité, mais je ne crois pas aux classes ». Sinon, pourquoi mes trains ont toujours des services de première, de deuxième et de troisième classe ? 

La New Left ne veut pas de cela. Elle se radicalise. Si l’on pousse ces principes à l’extrême, on obtient Pol Pot, qui est lui-même issu de cette sorte de communiste tardif. 

L’oligarchie est toujours terrifiée par la démocratie.

Curtis Yarvin

Autrement dit : les idées qu’on appelle « woke » n’émergent pas en 2012, on peut retracer leur origine cent ans auparavant. Ces idées « woke » sont déjà enseignées dans les universités. Je les ai moi-même rencontrées à l’université de Brown au début des années 1990 et elles étaient déjà importantes là-bas même si elles n’étaient pas totalement dominantes. Au fil du temps, par étapes avec des mouvements d’aller-retour, elles deviennent totalement dominantes.

Mais c’est précisément là que le bât blesse : leur hégémonie est ce qui les détruit.

En quel sens ?

En gros, quand la Critical Race Theory est ésotérique, le charme opère : une oligarchie a besoin d’idées ésotériques. Elle a besoin d’idées qui lui sont propres et que les masses ne partagent pas. C’est comme avec l’électricité : pour que le courant circule, il faut un différentiel de tension. Pour qu’une cascade coule, il faut de l’eau au-dessus qui va vers de l’eau en-dessous.

Pendant cinquante ans, ces idées ont très bien marché avec ce système.

Imaginons : vous avez un enfant. Il est intelligent, il grandit dans l’Ohio — ou n’importe où ailleurs. Il ne voit pas ces idées, il ne les connaît pas. Il va dans une megachurch chrétienne — ou n’importe quelle autre église. Puis il a des bonnes notes aux examens. Il va à Harvard et soudain, il est percuté par le monde de Foucault et de Derrida. Cela crée un différentiel, un changement, une distinction qui est tout à fait essentielle pour la survie de cette aristocratie. Or quand l’aristocratie et ses idées triomphent complètement, elle devient incapable de créer ce type de conversion d’énergie.

Autrement dit : quand tout le monde en Ohio a un panneau Black Lives Matter sur sa pelouse — Black Lives Matter est mort. 

Parce qu’au fond, ce que ce panneau dit vraiment, c’est : je suis meilleur et différent de toi. Je suis plus éclairé que toi. Je suis plus « woke » que toi. Je me suis éveillé et toi, tu dors. 

Mais c’est le problème de fond : une fois que ces idées sont devenues banales pour tout le monde, la force qui les anime n’est pas — du moins, pour moi — la force de la vérité. C’est la force du « je suis meilleur que toi ». 

C’est pour cela que quand ces idées deviennent accessibles à tous, quand elles triomphent, en fait, elles perdent. Parce que la force qui les génère est déjà dépassée. 

«  L’oligarchie est toujours terrifiée par la démocratie. Ils ont peur des paysans avec des fourches. Ils ont peur de la foule, des masses. Ils savent qu’ils sont les ennemis de ces gens. Ils vivent dans la peur que ces gens se rassemblent et se rendent compte que ce très petit nombre d’aristocrates — parce que l’aristocratie est un autre mot pour parler de la même chose — va juste être déchiquetée par ces paysans, presque physiquement. Ils ont en tête la prise de la Bastille. Cela les amène à développer des idées qui sont très hostiles envers les masses.  » © Groupe d’études géopolitiques

Et vous voyez cela se produire aujourd’hui ?

L’une des choses les plus incroyables à propos du phénomène Trump-Vance — il est encore trop tôt pour parler de révolution — c’est qu’il a lieu sans aucune confrontation.

Il faut se rappeler de 2017 : des manifestations énormes, des émeutes pendant l’investiture, et une violence inouïe en 2020. Je crois qu’à un moment donné Trump a dû être emmené dans le bunker de la Maison-Blanche car les manifestants menaçaient de l’assaillir. Tout cela se produit alors que Trump, en réalité, ne fait presque rien pour perturber le bon fonctionnement du gouvernement.

Aujourd’hui, il est en train de tout démanteler, de tout détruire. Et c’est à peine si ceux qui se soulevaient hier poussent un petit couinement. Il y a bien quelques groupes de personnes, des personnes âgées souvent, qui agitent des pancartes en essayant de retrouver ce qu’elles ressentaient en 1968. Mais cela ne marche tout simplement pas. Ce ne sont que de vieilles personnes, qui font des choses de vieilles personnes, et que les enfants d’aujourd’hui regardent hébétés.

Mes enfants ne peuvent même pas imaginer le monde de 1968. En fait, ils ne peuvent même pas imaginer le monde de 2017. L’énergie a disparu.

Il n’y a pratiquement pas de résistance.

Quand tout le monde en Ohio a un panneau Black Lives Matter sur sa pelouse — Black Lives Matter est mort. 

Curtis Yarvin

Cela montre une chose que je dis depuis longtemps : plus on agit avec résolution — pas avec plus de violence, mais avec plus de résolution — plus la résistance est faible.

Les bons parents ne sont pas ceux qui crient après leurs enfants ou qui les frappent, mais ceux qui sont fermes et clairs et qui savent où ils vont.

Si vous êtes fermes, clairs et que vous savez où vous allez, les gens vous suivront.

C’est la théorie de l’autorité d’Alexandre Kojève…

…et celle de Carl Schmitt aussi ! Si Kojève et Schmitt sont d’accord sur quelque chose, comment pourraient-ils avoir tort ?

Désolé, c’était une longue digression.

Revenons-en à ce « tube à essai » en Chine. Que se passe-t-il exactement en 2020 pour créer les conditions de cette révolution culturelle ?

Le Covid-19 et George Floyd ont lieu à peu près au même moment.

La frénésie George Floyd se répand dans le monde entier. C’est absolument incroyable. En Islande, ils se sentent personnellement concernés par George Floyd. C’est la chose la plus drôle qui soit pour un Américain. George Floyd est en France, George Floyd est partout. Et il y a un arc historique qui va de l’affaire des Scottsboro Boys, de l’affaire Sacco et Vanzetti, directement jusqu’à George Floyd. C’est la même chose à un siècle d’intervalle. 

La relation entre George Floyd, le « wokisme » et la pandémie est relativement subtile. 

Mais je pense que le Covid permet tout. Il permet un état d’urgence. Il balaye tout sur son passage.

La pandémie est un moment si marquant que l’une des choses les plus remarquables pour moi à propos des élections de 2024 est que personne ne parle du Covid-19 — non pas parce que c’est trop insignifiant, mais parce que c’est trop important.

Le Covid est aussi le moment où l’infrastructure numérique devient existentielle. N’est-ce pas là la différence entre la première et la deuxième administration Trump — aujourd’hui, la nouvelle Silicon Valley est entrée à la Maison Blanche ?

Ce n’est pas que ces mêmes personnes n’existaient pas ou n’étaient pas importantes il y a huit ans. 

La vraie différence, c’est qu’il y a huit ans, Elon Musk était un centriste libéral.

Ce qui est important avec les gens de la tech, c’est qu’ils ne sont pas culturellement conservateurs. 

Prenez la vie privée d’Elon Musk : ce n’est pas un catholique, ce n’est pas un chrétien. C’est plutôt quelque chose du style : « je vais faire des enfants avec des ordinateurs ». Ces gens ne sont pas du tout conservateurs et c’est ce qui leur permet — comme à toute jeune élite montante — de sentir grandir en eux une confiance nouvelle. 

C’est très important pour une élite de se sentir le droit de gouverner. 

Or en l’occurrence, elle ressent non seulement le droit de gouverner mais — comme la gauche jadis — le devoir de gouverner. 

Pourquoi pensez-vous que ce sentiment a joué un rôle si important dans le contexte de la pandémie ?

Prenons une bonne vieille monarchie héréditaire américaine : le New York Times.

En 2020, ce royaume est gagné par un mal. Une énergie frondeuse se diffuse dans les couloirs de la rédaction. Ces jeunes « woksters » pensaient : « nous devons tous être ‘wokes’. Qui s’intéresse aux valeurs journalistiques traditionnelles, à l’impartialité ou autre ? C’est pour nos grands-parents. Nous sommes inspirés. Nous voyons la lumière. Nous nous sommes éveillés et nous allons dire la vérité telle qu’on la voit — même dans de simples enquêtes d’actualité ».

L’un des effets de ce phénomène a été la couverture des sujets scientifiques par le Times.

Au début des années 2020, ces frondeurs ont en fait organisé la purge les anciens rédacteurs scientifiques comme Nicholas Wade ou Donald McNeil Jr — qui avaient le prestige et le sérieux nécessaires pour poser des questions difficiles à leurs sources. 

Alors, quand la virologie crée une pandémie qui s’étend sur le monde entier — puis la dissimule comme on le sait aujourd’hui — et qu’ensuite elle est chargée de régler cette même pandémie, cela devrait être l’enquête de la décennie, voire du siècle. 

Les anciens journalistes auraient réussi à la faire sortir. Mais ils ont été éliminés par les jeunes woksters. Je pense à des gens comme Apoorva Mandavilli, qui essentiellement remplace Nicholas Wade sur ces sujets. Mandavilli est captive de ses sources, mais elle doit quand même faire son reportage. Elle connaît les virologues et elle les croit lorsqu’ils affirment avec autorité : « ceci est la vérité ». 

C’est cette génération qui couvre le Covid. Et je pense que cela rend le New York Times vraiment beaucoup plus faible. 

On a un peu de mal à voir le lien entre la pandémie, le New York Times… et le pivot monarchique de Trump.

Le Covid est arrivé parce que les virologues régentent la virologie.

Quand les virologues régentent la virologie, ils sont en conflit d’intérêt. Pour moi, voilà l’histoire du Covid : on ne peut pas laisser le virologue régenter la virologie.

C’est l’affaire du siècle. C’est une affaire d’une importance énorme et révolutionnaire. C’est l’équivalent du collier de la Reine pendant la Révolution française. C’est l’équivalent de Tchernobyl. C’est une affaire qui implique tout un régime — et la façon de conduire ce régime. 

Après le Covid-19, tout le monde se dit : « Ça ne peut pas continuer. Il y a un problème ». 

Le problème central, pour moi, c’est que pendant le Covid, le système américain ne peut pas imaginer un monde où quelqu’un qui n’est pas virologue puisse dire au virologue : « Ça ne peut pas continuer. Il y a un problème ».

Quel était ce problème ?

La véritable histoire du Covid est fascinante.

Elle commence — comme dans toute bureaucratie — par une demande de subvention.

Dans leurs petits messages Slack qui ont été révélés plus tard, on découvre que ces mêmes virologues qui ont dissimulé les origines proximales regardaient une demande de subvention appelée DEFUSE — je n’invente rien. Ils disent en gros : « c’est une recette pour le Covid, on va assembler ce virus et il va avoir un site de clivage de la furine. On va utiliser cet enzyme pour assembler le virus. On va le construire en six morceaux avec cet enzyme. » Ils disent littéralement : « Voici ce virus, il est construit à partir de ces six morceaux et il a un site de clivage de la furine. » À ce stade, c’est déjà un signal d’alarme. Et SRAS-Cov-1 arrive 4.

Le SRAS-1 est un événement tout à fait naturel. Un virus très dangereux se propage, passe des chauves-souris aux civettes, puis aux humains. Comme beaucoup de ces virus, on constate que le mieux il est adapté à la population, le moins il est dangereux. Or ce virus-là est mal adapté. Donc il ne se propage pas très bien. Il tue environ 20 % des personnes qui l’attrapent. Il est très dangereux. Et parce qu’il est très dangereux, il est très important. 

Il y a huit ans, Elon Musk était un centriste libéral.

Curtis Yarvin

Important pour la science vous voulez dire ?

J’ai été un informaticien — un domaine certes très différent. Je me disais à l’époque : « ce système est dégoûtant. Je dois en sortir. » Parce que cela me rappelait la bureaucratie dans laquelle travaillaient mes parents. Ce n’est pas de la science, c’est de la bureaucratie. Dans cette bureaucratie, quand vous voulez faire quelque chose, vous demandez un financement. Et quand vous demandez un financement, vous devez dire : « je résous un problème important. »

Après le SRAS-1, les coronavirus de chauve-souris sont devenus un problème important.

Je ne sais pas si vous avez vu le film Contagion de Steven Soderbergh. C’est vraiment excellent de le voir après le Covid. Je l’ai regardé avec ma femme avant qu’elle ne décède — pas du Covid — pendant le Covid. Peut-être que le vaccin l’a tuée — je ne sais pas, mais probablement pas, sa santé était très fragile. Puis je l’ai regardé avec mes enfants après le Covid. 

Contagion c’est comme le Covid vu à travers un miroir déformant. Ils ont des confinements, des pénuries, etc. Le virus dans Contagion est un coronavirus de chauve-souris. Le conseiller technique du film Contagion s’appelle W. Ian Lipkin. Et Lipkin est l’un des virologues qui étudient les coronavirus de chauve-souris. 

Voilà comment on en arrive là : les virologues reçoivent toutes ces subventions pour étudier les coronavirus de chauve-souris à cause du SRAS-1.

Mais il y a un problème. Les coronavirus infectent les chauves-souris. Il faut beaucoup de coïncidences et de mutations pour qu’ils infectent les humains et qu’ils deviennent vraiment efficaces pour les infecter. Il faut vraiment travailler dur. 

La thèse de la subvention est donc que ces virus sont importants. Ils pourraient muter pour infecter les humains. Bien sûr, c’est toujours une question de hasard : pour prouver que ces virus sont importants, dangereux, on va les faire muter en laboratoire pour les rendre plus dangereux. Ensuite, on dira dans notre article : « ces virus pourraient être très dangereux s’ils mutaient pour inclure un site de clivage de la furine ». 

C’est comme si un jour, vous rentrez à la maison tombez nez-à-nez avec votre fils de 11 ans en train de mettre le feu aux rideaux de la cuisine. Vous lui demandez : « Henry, pourquoi fais-tu cela ? » Et il répond : « la science nous dit que les incendies domestiques sont très dangereux. Et plus de 40 % d’entre eux commencent dans la cuisine. Que se passerait-il si les rideaux de la cuisine pouvaient prendre feu ? Est-ce qu’on pourrait sortir ? Est-ce que le chien pourrait sortir ? » 

Puis vous réalisez qu’on a un problème. Comme dit le titre du film : We Need to Talk About Kevin.

L’histoire du Covid-19 est en grande partie une histoire de « We Need to Talk About Kevin ».

Kevin étant… la science ? le gouvernement ?

J’aime follement la science. Comme on dit aux États-Unis, on lui fait confiance pour se gouverner elle-même. Qui, à part les virologues, va nous dire quelle virologie on doit financer ?

Si les virologues définissent ce qu’est la virologie à financer — dans le cadre d’une subvention qui s’appelle littéralement DEFUSE — ils vont peut-être au-delà de la recherche du problème et ils se peut-être lancent dans la création du problème et commencent à faire des choses folles.

Le programme de recherche sur le coronavirus des chauves-souris s’appelait « Predict ». Il était dirigé par Fauci au plus haut niveau, et ce type Peter Daszak en-dessous de lui.

L’idée générale était la suivante : « nous allons prédire que des coronavirus de chauves-souris pourraient apparaître. » On l’a prédit, mais est-ce que cette recherche a été d’une quelconque utilité quand c’est arrivé ? Non, elle n’a pas été utile du tout.

Après le Covid, le monde avait besoin d’une personne capable de dire « non » aux virologues…

Curtis Yarvin

Si vous lisez l’appel à projets de DEFUSE 5, il comporte deux parties. La première dit en substance : « nous allons assembler un coronavirus de chauve-souris qu’on va rendre aussi dangereux que possible ». Et cela ne dit pas qu’ils le feront dans des conditions sûres.

Lorsqu’on regarde leurs messages Slack, ils disent qu’en théorie, cela devrait être fait dans des conditions P4, mais qu’en réalité, c’est beaucoup moins cher de le faire en Chine. C’est insensé. C’est la catastrophe parfaite. 

Ils avaient en fait un plan pour résoudre le problème du coronavirus des chauves-souris. Cela impliquait des oursons en gélatine.

Des quoi ? !

Des petits bonbons. Je n’invente rien, je le jure devant Dieu. Quand je m’en rappelle maintenant, tout cela me semble tellement ridicule, mais je sais que je ne l’ai pas lu dans un rêve. Vous pouvez aller lire ce document. C’est absolument vrai. En gros, cela disait : « on va aller dans les grottes des chauves-souris, on va y mettre des oursons en gélatine dans lesquels il y aura du vaccin ; les chauves-souris vont les manger ; cela va guérir toutes les chauves-souris — et c’est comme ça qu’on va résoudre le problème ». 

C’est complètement fou.

Essayons de résumer ce que vous essayez de nous dire : pour vous, le Covid-19 serait dû à la bureaucratie ?

J’ai un point de vue amusant sur la question.

Dans une autre vie, je suis informaticien et entrepreneur. J’ai cette chose qui s’appelle Urbit, sur laquelle je travaille depuis vingt ans. C’est très ambitieux, et je traite régulièrement avec des investisseurs en capital-risque. Je viens d’ailleurs d’obtenir le financement d’Andreessen-Horowitz pour ce projet — ce qui a été très difficile. Marc Andreessen ne vous donne pas d’argent juste parce que vous êtes son ami. Cela ne marche pas ainsi.

Lorsqu’on est un technicien qui cherche à lever de l’argent dans la Silicon Valley et qu’on dit « j’ai une idée avec un vrai apport scientifique », c’est en fait très décevant au début parce que les investisseurs ne s’intéressent même pas à la science. Pas du tout. Ils préfèrent largement regarder les vêtements que vous portez parce qu’ils veulent savoir quel genre de personne vous êtes. 

Quoi qu’il en soit, si l’on avait présenté cette demande de subvention à un investisseur en capital-risque totalement profane en matière de la virologie, il aurait dit : « c’est de la folie. Sortez de mon bureau. » 

En 2020, le problème est qu’il n’y avait personne pour arrêter les virologues. 

Ainsi allait le système : les virologues vont s’occuper de la virologie ; les chimistes vont s’occuper de la chimie ; les chercheurs sur la maladie d’Alzheimer vont s’occuper de la recherche sur la maladie d’Alzheimer, etc.

Je discutais récemment avec un ami qui travaille à l’intersection entre la physique et l’informatique. Il m’expliquait comment la théorie des cordes en physique était devenue très à la mode et comment elle avait pris le contrôle de tout le domaine. Il m’expliquait qu’on n’avait pas idée de la gravité de la situation. Les gens écrivent des articles dont le contenu n’a rien à voir avec la théorie des cordes, puis ils le recouvrent d’un peu de théorie des cordes pour que ce soit nominalement de la théorie des cordes. Ensuite, ils vont à un colloque sur la théorie des cordes où tous les articles sont censés porter sur cela, mais n’ont en fait rien à voir. Mais il faut faire comme si c’était de la théorie des cordes.

C’est ce qui se passe après quatre-vingts ans ou cent ans si vous laissez la science se gouverner elle-même. 

Cela nous ramène à la question de Thomas Hobbes : « quis interpretabitur » ? Pensez-vous qu’il faut gouverner la science ?

Exactement.

Et après la pandémie, le monde était mûr : le moment était venu pour la monarchie. Nous avions besoin d’un monarque.

Après le Covid, le monde avait besoin d’une personne capable de dire « non » aux virologues…

La deuxième partie de cet entretien paraîtra samedi prochain et portera sur la théorie de l’autorité et du pouvoir de Curtis Yarvin. Pour la recevoir en avant-première, abonnez-vous au Grand Continent

Sources
  1. En 1945, avec la fin de la grande alliance et le début de la guerre froide, le « browderisme » est attaqué par le reste du mouvement communiste international. En avril 1945, la revue théorique du Parti communiste français, Les Cahiers du communisme, publie un article du dirigeant français du parti, Jacques Duclos, déclarant que les convictions de Browder sur un monde d’après-guerre harmonieux sont « des conclusions erronées qui ne découlent en aucune façon d’une analyse marxiste de la situation ». Les communistes américains prennent ensuite conscience que la lettre de Duclos a été initiée par la Russie, qui était largement coupée du monde depuis qu’elle avait liquidé le Komintern en 1943. Ils ont aussi estimé que Duclos n’avait aucune raison de critiquer l’activité d’un parti frère. De plus, Duclos citait directement la lettre Foster-Darcy, un document connu seulement d’une poignée de hauts dirigeants du parti américain, dont une copie avait été envoyée à Moscou.
  2. Lawrence Auster (1949-2013) est un essayiste américain conservateur, qui s’auto-décrit comme racialiste et préoccupé par « la cause de la race blanche ». Voir par exemple : « The cause of the white race will not go away », Lawrence Auster, View from the Right, 5 mars 2009.
  3. Sur son blog View from the Right, Lawrence Auster définissait l’« unprincipled exception » comme  « une valeur ou une affirmation non libérale, non explicitement identifiée comme non libérale, que les libéraux utilisent pour échapper aux conséquences gênantes, personnellement préjudiciables ou suicidaires de leur propre libéralisme sans remettre en question le libéralisme lui-même. »« The Unprincipled Exception defined », Lawrence Auster, View from the Right, 14 juin 2006.
  4. Thomas P. Peacock et al., « The furin cleavage site in the SARS-CoV-2 spike protein is required for transmission in ferrets », Nat Microbiol 6, 899–909, 2021.
  5. « Project DEFUSE : Defusing the Threat of Bat-borne Coronaviruses », EcoHealth Alliance, Mars 2018.