Économie russe : le discours intégral de Poutine aux oligarques sur le retour des entreprises étrangères

« Il n’y aura aucun privilège, aucun traitement de faveur pour ceux qui souhaiteraient faire leur grand retour en Russie. »

Malgré une économie surchauffée et sous perfusion, Poutine veut montrer au monde que le vent tourne.

Devant la fine fleur de l’Union des industriels et des entrepreneurs de Russie, il se présente en justicier vengeur : les entreprises qui souhaitent désormais revenir dans le pays à la faveur d’une potentielle « normalisation » le pourront à terme — mais pas à n’importe quel prix.

Auteur
Guillaume Lancereau
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Le président russe Vladimir Poutine s'exprime lors du congrès annuel de l'Union russe des industriels et des entrepreneurs (RSPP) à Moscou, en Russie. © Kristina Kormilitsyna/SPU/SIPA

La semaine dernière, le 18 mars 2025, le président de la Fédération de Russie a prononcé une allocution devant les 1 300 participants du congrès annuel de l’Union des industriels et des entrepreneurs de Russie, qui s’étend des principaux oligarques du pays aux représentants des petites et moyennes entreprises. À l’ordre du jour figuraient quatre questions fondamentales  : les facilités offertes par le gouvernement russe au libre développement des affaires, la question des sanctions internationales visant la Russie, l’hypothèse d’un retour des entreprises occidentales sur le marché russe et, enfin, l’intensification des rapports économiques entre la Russie et les BRICS, évoquée plus en détail dans la récente Déclaration de Kazan.

L’allocution présidentielle confirme que, si le keynésianisme de guerre mis en place par la Russie est appelé à se poursuivre dans un futur proche, le gouvernement et la Banque centrale du pays n’ignorent pas les risques d’inflation excessive et de surchauffe du système  : d’où les appels de Vladimir Poutine à planifier le refroidissement progressif d’une économie sous perfusion et la diversification d’une offre susceptible d’être écoulée sur les nouveaux marchés que les entrepreneurs russes ouvrent en Afrique ou en Asie. 

La question du retour des entreprises étrangères en Russie doit, quant à elle, être abordée dans le cadre plus large de la vision poutinienne du droit international et de la concurrence. À ses yeux, les autorités occidentales ont multiplié les sanctions illégitimes et gelé illégalement les actifs russes à l’étranger, tout en menaçant leurs propres entreprises de représailles si elles ne quittaient pas le territoire russe après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Pour Vladimir Poutine, les règles n’existent donc en Occident que dans la stricte mesure où elles servent les intérêts des élites occidentales.

Quoi que l’on pense de l’hypocrisie supposée des adversaires de la Russie, force est de reconnaître qu’elle a des effets réels puisque Vladimir Poutine s’apprête à mettre en place un système punitif envers les entreprises étrangères qui auraient quitté le pays sans grande considération pour leurs partenaires locaux et souhaiteraient maintenant s’y réimplanter à la faveur de la potentielle levée des sanctions états-uniennes et européennes.

Cher Alexandre Nikolaïevitch [Chokhine, président de l’Union des industriels et des entrepreneurs de Russie, ministre de l’Économie en 1994, aujourd’hui sous sanctions personnelles de 27 pays], chers amis, chers collègues. La Constitution russe accorde de vastes pouvoirs au président. Mais en l’absence même de tout pouvoir constitutionnel, le travail que vous accomplissez est d’une importance capitale pour le pays. Le sort de milliers et de milliers de travailleurs est lié à votre activité. Le bien-être social et matériel de millions de personnes dépend de vous. 

Je suis heureux de saluer aujourd’hui tous les participants à la séance plénière d’une organisation regroupant les principales entreprises nationales. Il s’agit, à n’en pas douter, des véritables leaders du marché, y compris à l’échelle mondiale.

Je souhaiterais, pour commencer, adresser tous mes remerciements aux membres de l’Union des industriels et des entrepreneurs de Russie pour leurs efforts en direction du développement économique du pays, leur contribution active à l’élaboration des mesures propres à renforcer notre économie et notre souveraineté. Je remercie tous ceux qui rendent le climat des affaires et des investissements plus favorables dans notre pays, plus adapté aux besoins de ses entreprises. Grâce à ces démarches, les entreprises russes et les employés ont une meilleure compréhension des perspectives de travail à long terme et de plans de développement à mettre en œuvre au bénéfice d’entreprises concrètes ou de secteurs entiers de l’économie.

Économie russe et sanctions internationales 

Nous avons effectivement de nombreux sujets à aborder, à commencer par l’amélioration du cadre réglementaire de l’économie réelle, la suppression des entraves inutiles aux activités économiques et, plus généralement, l’amélioration de l’environnement réglementaire pour les entreprises. Vous avez tout à fait raison de pointer du doigt ces aspects problématiques et je suis certain que nos collègues du Gouvernement travailleront étroitement avec vous pour résoudre ces difficultés dans les meilleurs délais, et dans les intérêts de l’État et de la communauté des affaires.

Au cours de ces dernières années, le monde des affaires a fait face, en Russie, à une série de défis de taille. Vous le savez aussi bien que moi. Parmi ces défis, il faut insister sur la pression massive qu’ont représentée les sanctions, à commencer par les diverses restrictions qui ont visé les transactions internationales et les opérations sur les marchés étrangers. Ces pratiques et d’autres analogues sapent évidemment la liberté du commerce et des investissements dans l’économie mondiale, et je souhaiterais profiter de cette occasion pour en dire un mot.

L’enseignement majeur de cette période récente est que les entrepreneurs russes ont désormais appris à travailler dans un environnement débordant de sanctions. Ils s’y sont adaptés, ils ont inventé et mis en œuvre des mécanismes alternatifs de coopération avec leurs partenaires étrangers — ceux d’entre eux qui avaient choisi de poursuivre leur coopération avec nous. Jusqu’à un certain point, ces sanctions ont même servi à catalyser des transformations structurelles positives de notre économie, notamment dans les sphères de la finance et de la technologie, ainsi que dans de nombreux secteurs de première importance. 

Je sais bien que les milieux d’experts discutent activement, en ce moment même, de l’avenir des sanctions illégitimes qui ont visé la Russie, ses entreprises et ses citoyens  : seront-elles maintenues, levées, renforcées  ? Pour ma part, je propose, chers amis, chers collègues, de prendre pour point de départ les postulats suivants, qui n’ont rien de mystérieux. 

Tout d’abord, les sanctions ne sont pas des mesures temporaires et ciblées, mais les instruments d’une pression systémique et stratégique à l’encontre de notre pays. Quelles que doivent les évolutions à venir du système des relations internationales, nos concurrents s’efforceront toujours d’endiguer la Russie, d’entraver son potentiel économique et technologique.

Là où les soi-disant « élites » occidentales s’attachaient, jusqu’à récemment, à donner un air de légalité à cette confrontation, force est de constater qu’elles ne s’embarrassent même plus de cette fausse légalité, qu’elles ont renoncé à respecter les formes. Elles ne se contentent pas de menacer régulièrement la Russie de nouvelles sanctions  ; elles les multiplient sans compter. On a effectivement le sentiment que les auteurs de ces sanctions ont eux-mêmes perdu le compte des restrictions mises en place et des acteurs visés. Or, notre ministère des Finances a fait ce calcul. Je peux donc l’avancer avec certitude  : au total, 28 595 sanctions ont été imposées contre des personnes physiques et morales en Russie. Ce nombre est largement supérieur à la somme des sanctions imposées à l’ensemble des autres nations de la planète. 

Dans ces conditions, même si le camp adverse décidait de faire un geste en notre direction en levant ou en assouplissant certaines mesures, tout nous porte à croire qu’il trouverait d’autres moyens de nous entraver, de nous mettre des bâtons dans les roues, comme on l’a vu avec l’amendement Jackson-Vanik. Cet amendement est resté en vigueur longtemps après la disparition de l’Union soviétique, contre laquelle il avait été adopté, et alors même que les relations entre la Russie et les États-Unis étaient au beau fixe. Lorsque son abrogation a finalement été décrétée, cette décision s’est accompagnée d’une nouvelle restriction à l’encontre de la Russie. Vous vous en rappelez  ? Dès que cet amendement a été annulé, on en a profité pour introduire immédiatement de nouvelles sanctions.

L’amendement Jackson-Vanik (section 402 du Trade Act de 1974) établissait un certain nombre de règles à respecter pour qu’un pays fasse l’objet de « relations commerciales normales » avec les États-Unis. En l’espèce, il visait l’URSS de Brejnev et les obstacles discriminatoires qu’elle faisait à l’émigration des Juifs.

En 2012, l’abolition de cet amendement, qui devait du même coup normaliser les échanges commerciaux avec la Russie, s’est accompagnée de la promulgation de la « loi Magnitski » créant de nouvelles interdictions de visas et sanctions financières contre les représentants des autorités russes qui se seraient rendus coupables de violations des droits de l’Homme. 

Je le répète  : les sanctions et autres restrictions sont la trame de fond réelle de l’étape de développement de l’économie mondiale que nous vivons aujourd’hui. La compétition s’est accentuée à l’échelle globale  ; elle devient chaque jour plus sophistiquée, plus implacable. Nous voyons se dessiner devant nos yeux une nouvelle spirale de concurrence économique. Dans ce contexte, il est même devenu inopportun de rappeler à tous les acteurs les normes et les règles de l’Organisation mondiale du commerce — ces normes et règles que l’Occident a tout fait, autrefois, pour promouvoir à l’échelle planétaire. Autrefois, c’est-à-dire au moment où ces règles lui étaient favorables. Dès qu’elles ont cessé de l’être, le système s’est renversé. De ce fait, toutes les négociations en cours piétinent, puisqu’elles ne sont utiles à personne.

Il est évident, comme je l’ai signalé plus d’une fois, que le monde tel que nous le connaissions n’existe plus. Il ne faut plus espérer un quelconque retour à la liberté totale du commerce, des paiements et des flux de capitaux, pas plus qu’il ne faut compter sur les instruments occidentaux de défense des droits des investisseurs et des entrepreneurs. 

Tous les masques sont tombés. Personne ne s’illusionne plus, d’ailleurs, sur la valeur réelle des « hautes cours » de justice des capitales européennes, des juridictions occidentales où beaucoup ont cherché refuge ou dissimulé des affaires en douce. Tout cela est bel et bien fini. 

L’environnement mondial de l’économie russe

Dans ces conditions, il est essentiel pour les entreprises russes de faire preuve de flexibilité, de rechercher et de conquérir de nouveaux marchés, de développer leurs propres outils technologiques et de stimuler la coopération avec des partenaires fiables, qui sont en nombre largement suffisant de par le monde. 

La Russie renforce sa souveraineté dans l’ensemble des domaines qui assurent le bon fonctionnement de ses entreprises, y compris à travers de nouvelles infrastructures logistiques, de transport et financières. Seules les nations capables de garantir une souveraineté pleine et entière se montrent véritablement inébranlables face aux pressions extérieures et capables d’un développement soutenu, harmonieux, dans l’intérêt de leur peuple.

Nous voyons bien que la plupart des pays européens se sont aliéné leur propre souveraineté. Nous voyons de même l’ensemble des difficultés que cela entraîne sur le plan économique ou encore en matière de souveraineté. Économiquement, ils affichent tous une croissance presque nulle, lorsqu’ils ne sont pas déjà en train d’entrer en récession. À l’inverse, les pays des BRICS et les autres États désireux de rejoindre notre alliance saisissent tout l’intérêt qu’il y a à mettre en commun leur potentiel économique. Ces pays sont devenus les véritables piliers de la croissance mondiale, ceux qui créent le plus haut niveau de dynamisme économique.

Je rappelle seulement qu’en 2024 la croissance de la zone Euro a été de 0,9 % tandis qu’elle a plafonné à 1,9 % pour l’ensemble du G7 — aussi ne voit-on pas très bien à quel titre ces « sept » seraient « grands ».

Vladimir Poutine ironise sur l’appellation russe du G7, la bol’šaja semërka, autrement dit « le grand groupe des sept ». Cette ironie n’a de sens qu’en russe  : le « G » de « G7 » ne signifie ni great, ni grand, ni grande dans aucune langue, mais, plus sobrement  : « groupe ».

Pendant ce temps, la croissance des BRICS a été de 4,9 %  ; celle de la Russie a atteint les 4,1 % au cours des deux années passées (Applaudissements). Je sais, c’est impressionnant, je vais en reparler. Mais d’abord, je tiens à souligner que c’est vous-mêmes que vous avez applaudi. Ce sont là vos résultats, alors merci à vous. D’ailleurs, je vais même vous applaudir moi aussi (Applaudissements).

De droite à gauche  : Mikhail Gutseriev, président du groupe Safmar  ; Andrey Guryev, vice-président de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs (RSPP), président de la commission RSPP sur la responsabilité sociale des entreprises et le développement durable, président du comité RUIE sur la responsabilité sociale des entreprises et le développement durable  ; Andrey Kostin, président du conseil d’administration de PJSC VTB Bank  ; Oleg Deripaska, membre du bureau du conseil d’administration de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs (RSPP) lors de la réunion du congrès. © Dmitry Azarov/Kommersant Photo

Il a également été question d’un ralentissement de l’économie russe. Il est clair qu’il faut agir ici avec une extrême prudence. Ce ralentissement est inévitable, sans aucun doute. Le Gouvernement et la Banque centrale se sont exprimés à ce propos et il existe, dans l’ensemble, un consensus à ce propos. Il faut cependant que tout se déroule, sur le terrain, conformément à nos prévisions, afin d’éviter tout ralentissement superflu. Il ne s’agit pas de placer l’économie dans une chambre cryogénique. Tout doit se faire progressivement. 

Une chose est sûre  : l’effondrement de la domination occidentale et le surgissement de nouveaux centres de développement mondial sont une tendance de long terme. Nous n’ignorons absolument pas les atouts dont disposent nos soi-disant « partenaires » occidentaux, tant au niveau des technologies de pointe que de l’organisation de la production. Ils ont accompli de grandes choses, cela ne fait aucun doute. Malgré tout le respect que doivent donc nous inspirer ces accomplissements, nous devons aussi savoir en retirer ce qu’il y a de meilleur, sans jamais céder à la tentation d’une imitation servile.

Il faut aussi comprendre que ces variations de croissance entre les différentes régions du monde sont appelées à durer au cours des décennies à venir. En définitive, le fait que la Russie ait dû se tourner vers d’autres espaces (ce qui, soit dit en passant, n’était pas de son fait) était peut-être une bonne chose. Nous nous tournons vers des marchés extrêmement prometteurs. Et nous obtiendrons ce dont nous avons besoin, quoi qu’il arrive.

Le sort des entreprises occidentales en Russie

J’aimerais à présent, chers collègues, aborder un autre point important, qui est une source d’inquiétude pour le monde des affaires en Russie, et qui touche à ses relations avec l’étranger  : il s’agit du possible retour en Russie des entreprises étrangères qui avaient quitté notre marché à partir de l’année 2022.

J’ai déjà souligné que les entreprises russes avaient su tirer parti de cette opportunité en occupant les niches créées par ces départs, en y investissant de nouvelles ressources, en créant des emplois et en consacrant le temps et l’énergie nécessaires au développement des technologies correspondantes.

Aujourd’hui, certaines des entreprises qui ont quitté le territoire russe envisagent d’y revenir. Nous le savons — et je n’entrerait dans le détail pour ne pas interférer dans ce processus. 

Les entreprises russes qui ont pris leur place se trouvent à des stades très différents de leur cycle d’investissement  : certaines ont déjà commencé la production quand d’autres en sont encore à la première phase de leur projet et se sont lancées dans des constructions en dépit des taux d’intérêt élevés. Il est clair que, dans un cas comme dans l’autre, nous n’avons pas le droit de réduire ces plans à néant, d’anéantir toutes les forces et les ressources qui y ont été investies.

Notre priorité reste et restera toujours les intérêts des entreprises, des entrepreneurs et des travailleurs russes. C’est depuis ce point de vue que nous allons examiner la question du retour des entreprises étrangères sur notre marché.

Parmi les entreprises étrangères qui ont quitté la Russie sous l’effet de pressions politiques des soi-disant « élites » de leur pays d’origine, certaines ont maintenu leur personnel et leurs technologies en transférant simplement la gestion à des équipes russes. Dans les faits, elles ont continué à travailler sur notre marché, mais sous une autre appellation. Nous avons bien conscience des risques considérables qu’ont pris ces investisseurs, qui ont dû faire face aux réprimandes et aux menaces de leurs propres gouvernements. Ils ont fait un choix indépendant, responsable, et nous n’avons, à l’évidence, que du respect pour ce type de choix, ce type de partenaires. À l’inverse, d’autres compagnies ont claqué la porte bruyamment. Elles ont voulu se débarrasser au plus vite de leurs filiales en Russie, quitte à subir de fortes décotes au passage. 

L’entreprise Starbucks, qui a revendu ses filiales à deux entrepreneurs russes en 2022, s’apprêterait effectivement à racheter ses restaurants — qui opéraient depuis en Russie sous le nom de Stars Coffee — pour une somme de 270 millions de dollars, soit dix fois plus que le prix de vente.

Dans le pire des cas, ces entreprises ont même délibérément saboté leurs propres activités, mettant ainsi en difficulté des milliers de travailleurs vulnérables ainsi que leurs clients, fournisseurs et sous-traitants russes. Nous savons très bien de quelles entreprises il s’agit, puisque nous avons même été contraints d’en placer certaines sous administration provisoire.

En 2023, Vladimir Poutine avait répondu au gel des actifs russes à l’étranger par un oukase permettant l’administration provisoire des actifs possédés en Russie par les grands groupes étrangers. Il s’agissait surtout de groupes énergétiques, comme la compagnie Unipro, détenue en majorité par l’entreprise allemande Uniper SE, ou le groupe finlandais Fortum.

Je comprends que certains propriétaires occidentaux aient été pris de frayeur et n’aient pas trouvé en eux le courage de résister aux autorités de leurs pays  : d’où leur comportement. Nous savons en même temps que ces entreprises se sont laissé une porte de sortie avec des clauses qui leur laisseraient le droit de racheter leurs activités en Russie au cas où le vent tournerait en leur faveur. Je demande au Gouvernement de surveiller de près ces cas et les transactions qui pourraient avoir lieu, pour éviter que des propriétaires qui ont bradé leurs actifs en Russie avant de les abandonner à leur sort, ne puissent pas soudainement les racheter dans des conditions avantageuses. Les choses ne peuvent pas se passer ainsi. 

La configuration du marché n’est déjà plus la même. Ces entreprises se sont renforcées, elles ont accru leur capitalisation, elles ne sont simplement plus les mêmes qu’au moment de leur vente. Il est donc évident que chacune de ces transactions exige un examen rigoureux, au cas par cas.

Je le répète une fois de plus  : nous n’avons expulsé personne. Ceux qui ont abandonné notre marché l’ont fait de leur propre chef — sous la pression des élites de leurs pays, indépendamment de toute pression de notre part. Mais peu importe, la question n’est plus là. Dans tous les cas, il s’agissait de chefs d’entreprise expérimentés, pleinement conscients des risques qu’ils encouraient et des conséquences de leurs décisions. Si les niches laissées vacantes par les entreprises occidentales ont été occupées par des entreprises russes, alors, comme on dit chez nous, « le train est déjà parti », c’est trop tard. Il n’y aura donc aucun privilège, aucun traitement de faveur pour ceux qui souhaiteraient faire leur grand retour en Russie.

En même temps, nous restons un pays ouvert. Nous accueillons bien volontiers tous ceux qui veulent retravailler avec nous, mais dans un cadre de concurrence et de respect de notre législation. Je demande donc au Gouvernement de tenir à jour la liste des entreprises étrangères qui ont cessé leurs activités en Russie et d’établir une procédure de validation de leur retour comprenant des engagements stricts au niveau de leur conduite économique et sociale dans notre pays. Cette procédure doit être absolument transparente.

Mes chers collègues, la Russie s’est engagée dans un programme de développement à long terme et à grande échelle. Nous lançons de vastes projets d’infrastructure, des projets industriels, de transport, nous mettons en œuvre l’exploitation des territoires incroyablement étendus de l’Extrême-Orient, de la Sibérie, de l’Arctique et d’autres régions de notre pays, tout en renforçant les liens prometteurs, mutuellement profitables, avec les pays de la majorité mondiale. 

Le principal défi pour l’économie russe d’aujourd’hui est d’assurer la transition vers une croissance stable et équilibrée. J’insiste sur cette notion de trajectoire de croissance équilibrée. Nous devons mettre l’accent sur la qualité et l’intensification au niveau de l’économie réelle par une modernisation de la production, une augmentation de la productivité du travail — de préférence par l’introduction de nouvelles technologies, et non par l’intensification du travail humain — tout en élargissant la gamme des biens et des services mis sur le marché, de manière à constituer une véritable économie d’offre. Simultanément, nous devons éviter les déséquilibres entre les différents secteurs de l’économie et les distorsions entre les paramètres macroéconomiques. Cela suppose en particulier de juguler l’inflation et de maintenir un taux de chômage faible. Telle est le défi collectif qui se présente à la fois aux autorités et au monde des affaires, qu’il s’agisse des grandes entreprises représentées par l’URSE, ou encore des petites et moyennes entreprises.

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