Nouveaux équilibres pour la 21e législature du Bundestag

Le mardi 25 mars aura lieu la séance inaugurale du 21e Bundestag. Le doyen (Alterspräsident) de l’assemblée sera Gregor Gysi, le dirigeant historique du Parti du socialisme démocratique (PDS), héritier du parti socialiste unifié (SED) de RDA, et devenu à son tour en 2007 le parti Die Linke. 

  • Depuis 2017, le doyen n’est plus désigné en fonction de son âge, mais en fonction du nombre d’années d’exercice comme député. Cette modification du règlement intérieur a notamment été adoptée pour éviter que le rôle de doyen n’échoie à un membre de l’AfD.
  • Le doyen préside donc le Bundestag pour sa première séance, jusqu’à l’élection du président, et il peut donc tenir un discours de la durée de son choix. Gregor Gysi a pour sa part déjà annoncé qu’il tiendrait un discours particulièrement long mardi prochain 1.

Les nouveaux groupes parlementaires qui ont pu se rassembler hors du Bundestag dès le lendemain de l’élection, vont devoir s’arranger pour élire le nouveau présidium et constituer les différentes commissions parlementaires, dont celles des finances, des affaires étrangères et de la défense qui jouent un rôle de contrôle réel de la politique du gouvernement dans le système politique outre-Rhin.

  • Selon la tradition parlementaire, il revient au premier groupe parlementaire de proposer le ou la présidente du Bundestag, qui est protocolairement le deuxième personnage de l’État, après le président fédéral et avant le chancelier. 
  • Friedrich Merz souhaite voir nommée à la tête de la chambre basse Julia Klöckner, ex-ministre de l’agriculture (2018-2021) sous Angela Merkel. 
  • Originaire d’une famille de vignerons de Rhénanie-Palatinat, Klöckner représente l’aile plutôt libérale et conservatrice du parti. « [Elle] apporte des années d’expérience au Bundestag, au gouvernement, en politique locale et dans l’opposition. Elle représente la force parlementaire et une bonne culture du débat démocratique. C’est avec une grande confiance que nous la désignons pour le poste de présidente du Bundestag — et nous sommes sûrs qu’elle sera à la hauteur de ce défi ».
  • Mais depuis la diffusion, le 25 février, de la photo surprenante d’une réunion, à la Konrad Adenauer Haus de Berlin, des six « hommes forts » de l’Union CDU/CSU autour de Friedrich Merz et de Markus Söder, sans aucune femme à la table, s’est ouvert au sein du parti un débat plus large sur les inégalités de représentation que la nomination de Klöckner ne suffit pas à apaiser. Le groupe d’intérêt des femmes au sein de la CDU, la Frauen-Union, a ainsi demandé une répartition paritaire des postes au sein du groupe parlementaire et du gouvernement. Le chef de file du groupe parlementaire et proche allié de Friedrich Merz, Thorsten Frei, a rejeté cette idée 2

Conflits sur la politique financière et migratoire

Suite à la publication le 8 mars du document préliminaire qui fixe les grandes lignes du prochain gouvernement, le travail de détail se poursuit à Berlin en toute confidentialité. Depuis le jeudi 13 mars, dix jours ont été consacrés aux négociations de détail par thème et en groupes. Des premiers résultats doivent être présentés demain, lundi, 24 mars, avant qu’un groupe de coordination de haut niveau ne prenne la suite pour réaliser les arbitrages. 

  • Les équipes de négociateurs doivent se tenir à une stricte discipline, ayant notamment l’interdiction de réaliser des selfies, un changement notable par rapport à la mise en scène des négociations gouvernementales en 2021, qui avaient démarré par une photo regroupant les dirigeants des Verts, Annalena Baerbock et Robert Habeck, et du parti libéral-démocrate (FDP) Christian Lindner et Volker Wissing.
  • Grâce au fonds spécial pour les infrastructures, les négociateurs disposent d’une marge de manœuvre plus élevée pour les investissements. Cependant, le groupe de travail sur les finances reste l’un des principaux terrains de confrontation entre la CDU/CSU et le SPD, et concernerait à la fois les baisses d’impôt et les plans de réduction des dépenses publiques. Dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), le secrétaire général de la CDU Carsten Linnemann a ainsi proposé de supprimer un poste sur dix au sein des administrations centrales et des ministères pour contrer l’importante augmentation du nombre d’employés sous le gouvernement précédent 3

Le thème de la politique migratoire, qui a fait l’objet d’un épisode parlementaire particulièrement tendu à la fin du mois de janvier, lors duquel la CDU/CSU a accepté les voix de l’AfD pour un projet de loi finalement rejeté semble aussi constituer un sérieux point d’achoppement, même si le document préliminaire aux négociations du 8 mars annonçait une politique plus restrictive en la matière. 

  • En effet, les négociateurs du SPD seraient opposés aux plans de la CDU/CSU de systématiser les refoulements aux frontières et les expulsions des demandeurs d’asile déboutés 4.
  • Lors d’une rencontre avec des lecteurs du quotidien conservateur FAZ, vendredi 21 mars, Friedrich Merz a quant à lui réitéré la centralité de la question migratoire pour son mandat à venir, en soulignant à ce sujet son entente avec le président français : « Si nous ne résolvons pas ce problème, alors nous n’aurons pas rempli notre mission gouvernementale. J’ai eu mardi soir un long dîner avec Emmanuel Macron. Nous pensons tous les deux que nous devons aller ensemble vers une politique migratoire bien plus stricte. Si nous ne trouvons pas de solution à ce problème, nous aurons déroulé le tapis rouge aux populistes de droite dans ce pays. Je n’ai pas l’intention de faire cela ». 
Sources
  1. Jan Sternberg, Bundestag : AfD plant Protest bei Gysis Eröffnungsrede als Alterspräsident, RedaktionsNetzwerk Deutschland, 20 mars 2025.
  2. Gabriele Dunkel et Sarah Frühauf, Aufstand der Unions-Frauen : Eine Bundestagspräsidentin reicht ihnen nicht, Tagesschau, 20 mars 2025.
  3. Dietrich Creutzburg, Linnemann in den Koalitionsverhandlungen : Wer stoppt das Wachstum des Regierungsapparats ?, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 23 mars 2025.
  4. Migration : SPD blockiert in Koalitionsverhandlungen Merz-Pläne, Die Welt, 20 mars 2025.