Un sondage conduit par Ipsos pour le Corriere della Sera montre un recul de la cote d’approbation de la présidente du Conseil italien, qui descend, pour la première fois depuis le début de son mandat en octobre 2022, à 41 % 1.
Si des divisions internes au gouvernement et des scandales récents (affaires Delmastro 2, Osama Almasri Najim 3 et Santanchè 4) ont pu nuire à la cote d’approbation de la présidente du Conseil, ce premier recul depuis son entrée au Palais Chigi semble lié à son positionnement vis-à-vis d’une administration Trump de plus en plus agressive vis-à-vis de ses alliés à commencer par l’Ukraine.
- La présidente italienne avait fait de l’alignement et du dialogue constructif avec Bruxelles et Washington la clef de sa politique technosouverainiste, en obtenant par l’international une stabilité inédite à l’intérieur du pays.
- Son gouvernement est celui de plus longue durée depuis celui présidé par Matteo Renzi.
- Mais le changement radical à Washington et l’échec partiel de sa stratégie européenne aux élections du mois de juin et dans la nomination des top jobs, la placent aujourd’hui dans une position inconfortable.
- Meloni doit jongler avec la proximité affichée avec Elon Musk et Donald Trump, d’une part, et les tensions européennes provoquées par son administration, notamment sur la question de la défense et du soutien à l’Ukraine, d’autre part, tout en maintenant des relations avec les autres États membres et les institutions européennes.
Un positionnement qui se précise : le choix du grand large
Après le discours de Munich du vice-président américain J. D. Vance, Giorgia Meloni a dit partager les critiques de ce dernier sur la manipulation des principes démocratiques à des fins politiques en Europe : « La démocratie se base sur le free speech » 5.
- Elle a tenu un discours particulièrement dur lors de la dernière conférence conservatrice de Washington (CPAC).
- Face aux ingérences du propriétaire de X, le président de la République italien a à plusieurs reprises tracé des lignes rouges, jusqu’à dénoncer le 5 février à Marseille le risque d’une « vassalisation heureuse ».
Après la tentative d’humiliation du président ukrainien Zelensky dans le Bureau ovale le 28 février, l’Italie n’a pas pris ses distances de Donald Trump et s’est limitée à un soutien générique pour l’Ukraine.
- À l’exception de la Hongrie d’Orban, l’Italie de Meloni est le seul pays européen à ne pas avoir soutenu explicitement le président Zelensky hier, vendredi 28 février.
- À la veille du Conseil européen du jeudi 6 mars consacré à la défense, le premier ministre hongrois a pris définitivement parti pour le président américain, en menaçant l’unité européenne sur l’Ukraine et en essayant de faire dérailler sa préparation.
- La position de la présidente du Conseil n’est pas encore connue.
- Paolo Gentiloni l’avait d’ailleurs indiqué à la revue : « La décision de l’Italie de céder à la sirène de Trump, ou de soutenir une réponse unie dont les institutions européennes seront fondamentalement porteuses, est vraiment cruciale. »
Des sources proches du dossier indiquent que, depuis l’investiture de Donald Trump, la présidente du Conseil a cherché à défendre une position différente de celle du président Macron sur l’Ukraine, dans la tentative de devenir la « deal maker ».
- L’objectif de la diplomatie italienne serait d’éviter tout désengagement américain d’Europe et d’obtenir des garanties concrètes avec une dissuasion efficace.
- Meloni aurait ainsi suggéré à Zelensky d’envisager l’extension du bouclier de l’article 5 à Kiev après un cessez-le-feu, sans pour autant faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN.
- Elle aurait également proposé d’élargir une potentielle mission de paix internationale en Ukraine, y compris à des pays comme la Chine, afin de renforcer son rôle dissuasif.
À la tête d’un gouvernement dont les forces pro-russes sont particulièrement puissantes – notamment autour de la Ligue de Matteo Salvini, la présidente du Conseil cherche à accompagner le changement de position du gouvernement italien en mettant en avant les bénéfices de la paix.
- Le ministre de l’Environnement de tester une proposition : « Avec la paix signée par Trump, nous allons revenir au gaz russe et nous proposerons des réductions sur la facture aux ménages les plus modestes » 6.
Un sondage exclusif publié en décembre par le Grand Continent montrait que les Italiens figuraient parmi les pays européens les moins disposés à s’engager militairement davantage auprès de l’Ukraine pour la défendre face à la Russie en cas d’abandon de Donald Trump (31 %).
- Le même sondage indiquait toutefois que seulement 30 % des Italiens pensaient que Donald Trump aurait rendu le monde plus sûr.
Sources
- Sondaggio Ipsos | FdI scende al 27 %, il Pd frena e cresce il M5S. Ma è boom di astensionisti e cala la fiducia nella premier Meloni, Corriere della Sera, 1 marzo 2025.
- Andrea Delmastro, secrétaire d’État à la Justice, est accusé de violation du secret professionnel pour avoir divulgué des informations confidentielles sur un détenu à un collègue de Fratelli d’Italia, suscitant un scandale politique. Il a été condamné en première instance à huit mois de prison pour divulgation de secrets d’État ce 20 février 2025.
- Osama Almasri Najim est un criminel de guerre libyen présumé arrêté le 19 janvier à Turin que l’Italie a expulsé vers Tripoli le 21 janvier sur un avion affrété par l’État italien, malgré un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.
- La ministre du Tourisme Daniela Santanché est mise en cause pour des soupçons de gestion frauduleuse de ses entreprises, notamment des accusations de non-paiement de salaires et d’irrégularités dans les aides publiques. Le procès de la Ministre devrait commencer le 20 mars à Milan, bien que des fortes pressions pour sa démission agitent en ce moment les fragiles équilibres de la majorité du gouvernement.
- I dubbi di Meloni : Vance ? Lo condivido. Ora sarebbe corretta una risposta a 27, Corriere della Sera, 17 febbraio 2025.
- Pichetto Fratin : “Bollette scontate per i più fragili. Fatta la pace si torna al gas russo”, La Stampa, 22 février 2025.