L’IA va-t-elle réinventer les applications de rencontre ?

L’apparition de Tinder en 2012 a provoqué une révolution dans l’économie des applications. Concomitamment au développement des smartphones et à l’utilisation croissante des outils technologiques dans la vie quotidienne, l’application a connu une croissance phénoménale jusqu’en 2020, année marquée par la pandémie de coronavirus, avant de stagner.

Depuis, le remplacement de la génération des milléniaux par les Gen Z parmi les principaux utilisateurs des applications de rencontre inquiète les acteurs du secteur quant à la pérennité du modèle développé il y a plus d’une décennie — resté largement inchangé depuis ¹.

• Tinder a perdu près d’un quart de ses utilisateurs entre 2020 et 2024. Si le public qui télécharge des applications de rencontre reste stable depuis le Covid-19, il s’est tourné vers d’autres alternatives, comme Bumble ou Hinge, qui représentaient près de 40 % du marché l’an dernier — soit deux fois plus qu’il y a quatre ans.
• Le modèle de Tinder a, depuis ses débuts, été perçu comme étant particulièrement superficiel. En 2013, le Guardian décrivait l’application comme étant « un phénomène étrange, mais aussi une évolution naturelle de ce à quoi ressemble déjà la scène des rencontres pour la génération des milléniaux » ².
• Tinder a connu un succès retentissant car l’application avait été pensée pour répondre aux attentes ainsi qu’aux codes culturels d’une génération. Si les Gen Z rencontrent moins et sont plus solitaires que les milléniaux, leurs attentes ont également changé.

Dans son rapport annuel paru en février 2024, Hinge soulignait que les Gen Z sont 30 % plus susceptibles que les milléniaux de croire qu’il existe « une âme sœur pour chaque personne » et 39 % plus susceptibles de se considérer comme « idéalistes sur le plan romantique » ³. La nouvelle génération est à la recherche de connexions plus profondes et hésite à faire le premier pas de peur d’être rejeté (56 %), ce qui les conduit à adopter une posture de résilience contre laquelle les développeurs d’applications de rencontre espèrent pouvoir lutter en développant des outils d’intelligence artificielle.

• Dans sa feuille de route pour 2025, Grindr a annoncé six nouveaux produits de personnalisation alimentés par l’IA. L’application permettra ainsi aux utilisateurs d’accéder à des « résumés » des détails abordés lors des conversations précédentes, suggérer des matchs à « plus fort potentiel » et générer des profils en fonction des préférences des utilisateurs ⁴.
• L’an dernier, la fondatrice de Bumble, Whitney Wolfe Herd, suggérait que l’IA pourrait permettre aux utilisateurs d’utiliser des « concierges numériques » qui répondraient et lanceraient des conversations prospectives. Elle déclarait : « Il existe un monde où votre concierge pourrait aller draguer pour vous avec d’autres concierges » ⁵.
• L’IA est déjà utilisée par les applications de rencontre, notamment Tinder qui permet aux utilisateurs de choisir les meilleures photos à mettre sur son profil. Une autre fonctionnalité, qui permettra des recommandations « plus personnalisées et attrayantes », devrait être implémentée en 2025 ⁶.

Si les développeurs commencent à créer des applications d’IA pour faciliter les rencontres et ainsi attirer plus d’utilisateurs sur leurs plateformes, l’intelligence artificielle est déjà utilisée par des arnaqueurs pour qui la génération Gen Z, globalement plus isolée et vulnérable, constitue une cible de choix.

Si ce phénomène n’est pas nouveau, les Nations unies notent que des groupes criminels en Asie du Sud-Est ont de plus en plus recours à l’IA pour « créer de fausses identités et de faux profils en ligne convaincants et générer des scripts personnalisés pour tromper les victimes tout en engageant des conversations en temps réel dans des centaines de langues » ⁷.