Pour la première fois depuis février 2022, un président américain en fonction a eu un appel téléphonique direct avec Vladimir Poutine.
- À plusieurs reprises au cours des mois précédents, avant même son élection fin novembre, Trump a suggéré qu’il avait entretenu des contacts avec Vladimir Poutine.
- Le Kremlin avait quant à lui refusé de les confirmer ou de nier, entretenant un flou quant à l’avancée des négociations entre Washington, Moscou et Kiev pour aboutir à un accord de cessez-le-feu en Ukraine.
Donald Trump a publié un long post pour annoncer s’être entretenu avec le maître du Kremlin sur son réseau social Truth Social. Nous le traduisons :
Je viens d’avoir un long entretien téléphonique très productif avec le président russe Vladimir Poutine. Nous avons discuté de l’Ukraine, du Moyen-Orient, de l’énergie, de l’intelligence artificielle, de la puissance du dollar et de divers autres sujets. Nous avons tous deux réfléchi à la grande histoire de nos nations et au fait que nous avons combattu ensemble avec tant de succès pendant la Seconde Guerre mondiale, en nous rappelant que la Russie a perdu des dizaines de millions de personnes et que nous en avons également perdu tant ! Nous avons tous deux évoqué les forces de nos nations respectives et les grands avantages que nous aurons un jour à travailler ensemble. Mais tout d’abord, comme nous en avons tous deux convenu, nous voulons mettre fin aux millions de morts dans la guerre avec la Russie et l’Ukraine. Le président Poutine a même utilisé ma devise de campagne très forte, « LE BON SENS ». Nous y croyons tous deux très fortement. Nous avons convenu de travailler ensemble, très étroitement, notamment en visitant nos nations respectives. Nous avons également convenu que nos équipes respectives entameraient immédiatement les négociations et nous commencerons par appeler le président Zelensky, d’Ukraine, pour l’informer de la conversation, ce que je vais faire sur le champ. J’ai demandé au secrétaire d’État Marco Rubio, au directeur de la CIA John Ratcliffe, au conseiller à la sécurité nationale Michael Waltz et à l’ambassadeur et envoyé spécial Steve Witkoff de mener les négociations qui, j’en suis convaincu, seront couronnées de succès. Des millions de personnes sont mortes dans une guerre qui n’aurait pas eu lieu si j’avais été président, mais elle a eu lieu, elle doit donc prendre fin. Plus aucune vie ne doit être perdue ! Je tiens à remercier le président Poutine pour le temps et les efforts qu’il a consacrés à cet appel, ainsi que pour la libération, hier, de Marc Fogel, un homme merveilleux que j’ai personnellement salué hier soir à la Maison Blanche. Je crois que ces efforts mèneront à une conclusion heureuse, bientôt, je l’espère ! 1.
Depuis l’élection du mois de novembre, le Kremlin se disait prêt à négocier d’égal à égal avec Donald Trump, tout en évacuant une présence ukrainienne ou européenne autour de la table.
- Dans un entretien avec la Pravda paru le 10 janvier, le conseiller de Poutine, Nikolaï Patrushev, annonçait la position de la Russie : le partage de l’Europe. « J’estime que les négociations relatives à l’Ukraine doivent avoir lieu entre la Russie et les États-Unis — sans qu’y interviennent d’autres pays occidentaux. Nous n’avons rien à débattre avec Londres ou Bruxelles ».
- Cette position a été reprise par Vladimir Poutine. Dans un entretien avec le journaliste Pavel Zarubin publié le 28 janvier le président russe se disait sûr de l’inévitable vassalisation européenne : « Trump mettra rapidement de l’ordre là-dedans. Vous verrez, cela arrivera très vite. Et bientôt, les élites européennes se jetteront aux pieds de leur maître en agitant doucement la queue. Vous verrez que chaque chose sera très vite à sa place ».
Dans la journée, à la suite des propos de Pete Hegseth à Bruxelles – que vous pouvez lire dans nos pages –, plusieurs comptes proches du régime avaient fait circuler la rumeur d’un appel téléphonique imminent entre Trump et Poutine, ce qui a contribué à donner une force particulière à la définition de cette ligne.
Plusieurs points ressortent du communiqué, qui confirment un alignement américain avec les conditions de Patrushev et pourraient augurer d’un tournant significatif dans la guerre.
- Trump annonce une potentielle visite en Russie et une potentielle venue de Poutine aux États-Unis.
- Il confirme le plan de Patrushev : une négociation au plus haut niveau entre Moscou et Washington impliquant le département d’État, la CIA et la Maison Blanche — sans l’Ukraine ni les Européens.
- Le président américain annonce appeler « sur le champ » le président ukrainien pour l’informer du début des négociations avec la Russie de Poutine sur le futur de l’Ukraine.
L’appel direct entre Trump et Poutine, qui n’avait pas fait l’objet d’une annonce, s’inscrit dans le style de négociation du président américain — s’entretenir personnellement avec les « hommes forts », en évacuant les intermédiaires — mais semble également traduire une absence de progrès depuis son investiture quant aux négociations de cessez-le-feu.
- Keith Kellogg, l’envoyé de Trump pour la Russie et l’Ukraine, censé être en charge des négociations, n’est pas mentionné dans le compte-rendu de l’appel, tandis que Steve Witkoff, en charge du Moyen-Orient, apparaît aux côtés de Marco Rubio, Ratcliffe et le conseiller Waltz.
- Or, c’est Kellogg qui était censé rencontrer une délégation ukrainienne lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, qui s’ouvre vendredi 14 février. Dans ses dernières déclarations, Kellogg laissait entendre que les négociations étaient au point mort : « Nous allons avoir des discussions approfondies avec les hauts responsables de l’environnement européen et nous ferons part de nos conclusions au président des États-Unis, puis nous partirons de là ».
- Si l’appel de Trump avec Poutine confère l’idée que le président américain souhaite prendre personnellement les choses en main et obtenir un cessez-le-feu le plus rapidement possible, tout accord négocié sans participation ukrainienne active semble être voué à l’échec — l’armée ukrainienne occupe toujours à ce jour plusieurs centaines de kilomètres carrés de territoire russe dans l’oblast de Koursk.
Sources
- Donald Trump, Truth Social, 12 février 2025.