Le déficit commercial des États-Unis avec le reste du monde s’est davantage creusé en 2024 par rapport à l’année précédente (+17 %), atteignant 918,4 milliards de dollars. Ces chiffres reflètent aussi bien l’appétence des consommateurs américains pour les biens importés que la force du dollar américain, qui a pesé sur la croissance des importations.
- En excluant les services, le déficit américain de biens avec la Chine représente un quart du déficit total du pays. En 2024, celui-ci s’est établi à 295,4 milliards de dollars, un chiffre considérable mais bien inférieur aux années 2012-2022.
- Cette baisse par rapport au pic atteint en 2018 est due aux mesures douanières mises en place par Trump lors de son premier mandat puis maintenues par Biden, qui ont provoqué une réorientation des importations américaines en provenance de Chine vers d’autres pays, comme le Mexique ou le Vietnam.
- Selon l’analyste au Council on Foreign Relations Brad Setser, l’accélération du déficit observée en décembre ne serait pas liée à une anticipation de la mise en place de tarifs douaniers par Trump 1. Cette tendance devrait toutefois se refléter dans les données de février 2025.
Il n’existe pas de consensus parmi les économistes quant à l’impact réel du déficit commercial sur l’économie américaine.
- En 2016, l’influent conseiller de Trump Peter Navarro, présent à la Maison-Blanche lors de son premier mandat et nommé Conseiller pour le commerce et l’industrie manufacturière le 20 janvier dernier, écrivait dans un rapport ayant contribué à modeler la politique commerciale de Trump : « Les problèmes structurels de l’économie américaine liés au commerce se sont traduits par un ralentissement de la croissance, une diminution du nombre d’emplois et une augmentation de la dette publique » 2.
- Navarro est l’un des plus fervents partisans des tarifs douaniers à Washington, et dispose de l’oreille du président. Au-delà d’un rééquilibrage qui contribuerait à régler ces problèmes structurels, il considère également que les recettes générées par les tarifs pourraient devenir la première source de revenus pour le gouvernement fédéral, détrônant l’impôt sur le revenu. Cette manne financière pourrait par ailleurs être utilisée pour financer l’agenda législatif du président, et notamment l’extension du Tax Cuts and Jobs Act de 2017.
- À cet effet, Trump a signé dès le 20 janvier un mémorandum demandant aux secrétaires au Trésor, Commerce et à la Sécurité intérieure d’étudier la mise en œuvre d’un External Revenue Service destiné à collecter les droits de douane 3. Dans le même temps, Elon Musk a laissé entendre que DOGE allait conduire un audit de l’IRS, l’agence chargée de la collecte des taxes et impôts 4.
Or, plusieurs économistes considèrent que le déficit commercial américain témoigne avant tout d’une économie forte dans laquelle les consommateurs dépensent et importent plus. Lorsque l’on regarde les services, les États-Unis ont par ailleurs enregistré un excédent de 293 milliards de dollars pour 1 100 milliards d’exportations sur l’année 2024.
En inscrivant le déficit commercial dans un narratif consistant à regarder avec quels pays la balance commerciale des États-Unis est positive ou négative, Trump espère pouvoir présenter les concessions obtenues des partenaires commerciaux de l’Amérique comme une victoire : peu importe les conséquences réelles de l’utilisation de tarifs comme un outil de coercition, le président américain revendique faire « progresser les intérêts de l’Amérique dans le monde entier ».
Sources
- Publication de Brad Setser sur X, 5 février 2025.
- Peter Navarro et Wilbur Ross, Scoring the Trump Economic Plan : Trade, Regulatory, & Energy Policy Impacts, 29 septembre 2016.
- America First Trade Policy, Maison-Blanche, 20 janvier 2025.
- Publication d’Elon Musk sur X, 4 février 2025.