Le ministre des Affaires étrangères syrien Asaad al-Shaibani a annoncé à Davos un plan de privatisation de l’économie et la fin du socialisme d’État de l’époque des Assad. Comment imaginer l’insertion de la Syrie dans l’économie mondiale ? Comment un ancien mouvement djihadiste peut-il concrètement s’intégrer dans la mondialisation ? 

HTC n’était plus véritablement un mouvement djihadiste classique depuis 2017 et la lutte contre Al-Qaeda, dans la continuité de la lutte contre l’État islamique (EI) commencée en 2013. En 2017-2018, Joulani et HTC ont en effet mis en place un « Gouvernement du salut » à Idlib, à partir d’une situation absolument chaotique, ce qui a permis de former l’embryon du gouvernement qui est aujourd’hui en place à Damas et ne partait donc pas de zéro. 

La dimension technocratique du nouveau gouvernement syrien provient donc des années d’expérience d’administration et des relations avec le monde extérieur, que ce soit avec la Turquie, avec l’ONU ou avec les ONG présentes à Idlib. Le ministre du développement et des affaires humanitaires de ce Gouvernement du salut à Idlib, Mohammed al-Bachir, était alors en relation avec ces acteurs internationaux et est aujourd’hui le premier ministre syrien de la transition. Or c’est un technocrate qui n’a pas du tout le pedigree d’un djihadiste. J’avais passé deux heures avec lui à Idlib en 2023 et constaté sa grande technicité, sur la conformité aux règles internationales et la gestion des dossiers des déplacés internes, qui se comptaient par millions, et puis des sinistrés par le séisme de 2023 avec les acteurs internationaux. Les contacts extérieurs développés par Joulani et son «  Bureau politique  » pendant la gestion d’Idlib expliquent aussi pourquoi sa conquête du territoire syrien à l’automne n’a pas paniqué la communauté internationale. 

Le nouveau pouvoir syrien souhaite mettre en place un modèle économiquement libéral, qui s’oppose à la fois au dirigisme étatiste et baasiste des cinquante dernières années et au modèle économique panarabe socialiste qui a dominé la moitié du XXème siècle, et n’a apporté qu’échecs et désolation dans les pays où il a été appliqué. 

Joulani, ou de son vrai nom Ahmed Al-Charaa, cite comme exemples l’Arabie saoudite, également mentionnée par son ministre des Affaires étrangères au même titre que Singapour. Ce sont des pays conservateurs au niveau des mœurs et libéraux économiquement, ce qui n’est pas contradictoire, puisque l’économie dite « islamique », est en effet libérale. Convoquer de tels exemples vise aussi à convaincre les Syriens de la diaspora de revenir et de contribuer à la reconstruction du pays. Il existe des milliardaires syriens à l’étranger, des personnes qui ont très bien réussi dans différents domaines, une diaspora très active aux États-Unis, des grands chefs d’entreprise, etc. Al-Charaa veut les convaincre de réinjecter leur argent dans le pays. Il prend donc des exemples de grands succès économiques, comme les pays du Golfe, car on y trouve de nombreux réfugiés syriens et car ces modèles sont en opposition avec le modèle qui était celui du Baas.

La dimension technocratique du nouveau gouvernement syrien provient de l’expérience administrative menée à Idlib.

Wassim Nasr

Qui sont les personnages centraux de l’administration syrienne actuelle ?

Mohammed al-Bachir est central parce qu’il connaît les technocrates d’autres pays de la région et des institutions internationales. Toutefois, après Al-Charaa, la matière grise des changements de la Syrie est Asaad al-Shaibani, que j’avais longuement rencontré en 2023, mais qui avait souhaité que la rencontre reste secrète. Personne ne connaissait le visage de Shaibani, qui se faisait appeler Zaid al-Attar à l’époque. Toutefois, tout le monde savait qu’il était à la tête du bureau politique et orchestrait les changements d’HTC, main dans la main avec Al-Charaa, et son ouverture au monde. Il semblait avenant à Davos, avec Tony Blair notamment, mais il ne faut pas sous-estimer le personnage. Anas Khattab, le directeur des services de renseignement qui traite le dossier des jihadistes de l’EI et d’al-Qaïda depuis des années, et Ali Keda, le ministre de l’Intérieur, jouent également un rôle fondamental dans la structuration de la nouvelle administration syrienne. 

La « troisième voie » de HTC était en gestation dès 2017-2018 à Idlib. Lors de ma première rencontre avec Shaibani, il m’avait dit : « Je ne comprends pas pourquoi vous voulez me parler, en tant que spécialiste du djihadisme, alors que nous ne sommes plus des djihadistes ». Je lui ai répondu : « Mais qui mieux qu’un spécialiste des djihadistes pourrait dire que vous ne l’êtes plus ? ». Shaibani était l’interlocuteur de plusieurs ONG internationales et de représentants de pays occidentaux. L’insertion internationale réussie du gouvernement syrien n’est pas surprenante pour ceux qui ont connu ces épisodes.

Après Al-Charaa, la matière grise des changements de la Syrie est Asaad al-Shaibani.

Wassim Nasr

Quels sont les principaux débats qui traversent aujourd’hui la société et le pouvoir syrien ? 

La priorité d’Al-Charaa est de stabiliser le pays. Il a ainsi décerné des grades, pour le moment sans postes à pourvoir, à des combattants étrangers qui ont contribué à la révolution syrienne. C’est une manière de les récompenser mais aussi de les cadrer et de supprimer toute tentation de retour au djihadisme international. Au lieu de les laisser en groupe constitué, il leur donne un cadre et il leur donnera peut-être la nationalité syrienne tel qu’il l’a laissé entendre lors de notre rencontre en décembre dernier, pour ne pas les lâcher dans la nature.

Il faut garder à l’esprit que toutes les décisions que prend Al-Charaa sont coûteuses. Quand son gouvernement avait ouvert les centres commerciaux à la mixité à Idlib, avec de la musique dans les rayons, des djihadistes venaient pendant la nuit tirer à la mitraillette sur les vitrines. Il doit trouver un équilibre permanent entre les combattants islamistes les plus radicaux — et maintenant avec la prise du pouvoir même les laïcs, les Syriens qui vivaient à l’étranger — et les minorités de la mosaïque syrienne. 

Les Européens parlent d’ailleurs en permanence des minorités. La Syrie sort de 54 ans de dictature baasiste et de 14 ans de guerre civile. Est-ce qu’on a constaté un exode massif des minorités depuis la chute de Bachar el-Assad ? Est-ce qu’il y a des crimes de masse ? Non. Il y a en effet des exactions et des vengeances, mais il s’agit d’actes commis par des individus isolés et pas d’une politique du nouvel État. En fait, en Syrie, c’est la majorité sunnite de la population qui a le plus subi le régime précédent : ceux qui se sont exilés, ceux qui ont traversé les mers à la nage, ceux qui sont morts noyés ou sous la torture en prison. Les opposants politiques au régime d’Assad, communistes, libéraux, laïcs, ont tous pu revenir en Syrie ces dernières semaines sans être inquiétés. Dans ce contexte, l’insistance des Européens sur la place des minorités dans le nouveau régime est difficilement audible pour la majorité des Syriens, moins de deux mois après le renversement de la dictature. À force, elle pourrait même s’avérer contreproductive.

Les opposants politiques au régime d’Assad, communistes, libéraux, laïcs, ont tous pu revenir en Syrie ces dernières semaines sans être inquiétés.

Wassim Nasr

Un dicton levantin dit qu’il faut étendre son tapis à la longueur de ses jambes, c’est-à-dire avoir des ambitions réalistes. Dans un pays où la moitié de la population a été chassée, torturée, ou éparpillée dans le monde, les villages brûlés, les priorités du nouveau gouvernement sont la levée des sanctions, le redressement de l’économie, la mise en place d’infrastructures de base, le bon fonctionnement du système de santé.

Quels rôles les réfugiés syriens à l’étranger pourraient-ils jouer dans la constitution d’une nouvelle administration syrienne ?

Tant que l’économie syrienne ne sera pas remise sur pied, les gens ne reviendront pas. Prenons l’exemple des réfugiés syriens au Liban. Certains préfèrent rester au Liban pour l’instant car d’une part leur village d’origine est complètement détruit, d’autre part parce que dans un camp de réfugiés au Liban, ils sont soutenus par l’ONU. Comment inciter ces gens à rentrer ? Il faut à tout le moins reconstruire leurs lieux d’habitations et mettre sur pied un système de soutien similaire à celui dont bénéficie les réfugiés. 

On voit dans le discours d’Al-Charaa la volonté de gracier les personnes qui n’étaient pas directement impliquées dans la répression et la torture de la population. Comment concrètement mettre en place ces mesures ? 

Quand Al-Charaa dit qu’il ne faut pas mener de vendetta personnelle, c’est une déclaration lourde de conséquences. Il doit ensuite convaincre les familles décimées par le régime qu’il est juste de ne pas se venger, que la justice est un meilleur moyen de résoudre le conflit, alors même que les Syriens ont connu une justice corrompue pendant les décennies du régime d’Assad. Empêcher que justice soit rendue est très difficile. 

De ce point de vue, il semble délicat que la communauté internationale s’implique dans le jugement des responsables du régime de Bachar el-Assad tant que les sanctions ne sont pas levées. En effet, même si les dirigeants syriens pourraient comprendre l’utilité d’une médiation internationale en la matière, la population risque de voir cela comme une ingérence susceptible de protéger les membres du régime d’Assad.

Quand Al-Charaa dit qu’il ne faut pas mener de vendetta personnelle, c’est une déclaration lourde de conséquences.

Wassim Nasr

La réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union ce lundi a prévu un allégement progressif des sanctions. Comment voyez-vous les choses ? 

Il faut absolument lever les sanctions. Aujourd’hui, 90 % de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté. Le pays est un désert de gravats. J’ai traversé le pays, les villes et les villages ne sont pas seulement en ruines : ils sont désossés. Il faut tout reconstruire. Pour cela, il faut lever les sanctions pour réinjecter de l’argent dans l’économie. 

Par exemple, le nouveau gouvernement essaye de mettre fin au trafic de captagon qui était poussé par le régime d’Assad. C’est une économie qui faisait tenir le système Assad mais aussi une partie de la population. S’il n’y a pas d’autres alternatives, les gens vont se diriger à nouveau vers les économies parallèles. Remettre rapidement sur pied l’économie, l’industrie, l’agriculture est crucial. 

Concernant les sanctions, il y a deux grands blocs : celles qui ont été mises en place contre Hafez el-Assad pour les relations militaires entre la Syrie et la Corée du Nord, le soutien à des entités terroristes comme le FPLP ou d’autres, le Hezbollah. Ces sanctions n’ont plus aucune raison d’être. Ensuite il y a les sanctions qui sont venues après la révolution de 2011. Pour schématiser, le problème est que l’administration Biden, avant de partir, a mis en place des garde-fous pour éviter qu’une nouvelle administration puisse trop facilement se réconcilier avec le régime d’Assad. Ces garde-fous font que la levée des sanctions américaines implique désormais des processus légaux, qui de fait deviennent des obstacles à une levée rapide des sanctions.

Il faut absolument lever les sanctions. Aujourd’hui, 90 % de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté. Les villes et les villages ne sont pas seulement en ruines : ils sont désossés.

Wassim Nasr

Enfin, pour le peuple syrien, il semble injuste de continuer à subir les sanctions prises contre un dictateur qu’ils viennent de renverser. Si les sanctions sont maintenues pour mettre sous pression le nouveau pouvoir, qu’est-ce que cela dit de l’utilité des sanctions aujourd’hui ? Il est tout à fait envisageable de lever les sanctions qui concernent le régime de Bachar el-Assad et d’en remettre en place à l’avenir si le nouvel État syrien faisait des choses répréhensibles.

Si les Européens traînent trop des pieds, le gouvernement syrien risque aussi de se retourner vers les anciens sponsors du régime : les Iraniens et les Russes. Les Russes soutenaient les Talibans en Afghanistan avant même le départ des Américains. Selon l’agence de presse russe d’État TASS, le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov et l’envoyé spécial du président russe pour la Syrie, Alexandre Lavrentiev, ont été dépêchés à Damas ce mardi 28 janvier.

Il est certes naturel, dans des démocraties, de prendre le temps d’expliquer que lever les sanctions vis-à-vis d’un pays gouverné par d’anciens membres du Front al-Nosra est une bonne idée. Les ministres européens ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent sans prendre en considération les opinions publiques de leurs pays. Il y a toutefois un moment de grâce et d’optimisme en Syrie qu’il faut saisir. 

Est-ce que les Européens ont un rôle à jouer dans le contexte de l’imprévisibilité américaine ? 

L’idéal serait que les Européens trouvent des domaines de travail incontestablement positifs pour tous : faire des enquêtes en Syrie sur les responsabilités du régime dans les exactions et les crimes de masse ; mener des recherches sur les armes chimiques qui demeurent et les démanteler ; déminer le pays, qui est aujourd’hui entièrement miné — des étendues agricoles sont parfois complètement inaccessibles, car on n’a pas le plan des mines. 

Travailler dans ces domaines permettra de mieux connaître le nouveau pouvoir et de créer une dynamique positive. Personne ne reprochera aux Européens d’avoir aidé à déminer la Syrie : il y a suffisamment de terrains d’entente pour ne pas aborder les questions les plus contentieuses tout de suite.

Il y a un momentum en Syrie qu’il faut saisir.

Wassim Nasr

Qui plus est, il existe de nombreux domaines dans lesquels des relations commerciales pourraient être mutuellement profitables. Jusqu’ici les puces de téléphones, par exemple, étaient fabriquées en Iran. Les Syriens ne veulent plus les utiliser en raison des failles de sécurité que cela pourrait occasionner. La Syrie ne frappe pas sa monnaie, et des négociations sont en cours pour savoir si la Suisse pourrait s’en charger. De même pour le marché des télécom, le BTP, l’électricité. Tout est à refaire dans le pays ! Il ne s’agit donc pas de charité mais d’opportunité. 

Comment l’agenda néo-impérial de Donald Trump est-il perçu en Syrie ? 

Trump était l’un des principaux soutiens au retrait américain de Syrie, ce qui pourrait pousser les Forces Démocratiques (FDS) syriennes avec une dominante du YPG Kurde dans leur commandement à accepter un gouvernement d’union. Les FDS ont accepté d’utiliser le drapeau de la révolution pour la première fois — et n’oublions pas que la grande majorité des hommes en armes est en fait composée de populations arabes sunnites, dont la solde dépend des financements américains. 

Remarquons aussi que, lorsque HTC descendait vers Damas, l’armée américaine a frappé les milices chiites qui tentaient de rejoindre l’ouest syrien. Cette attitude des Américains est probablement aussi due aux contacts entre l’administration américaine et HTC à Idlib. Al Shaibani et d’autres ont dû convaincre les Américains qu’une victoire d’HTC ne serait pas une mauvaise chose. 

Ocalan, le fondateur du PKK, aujourd’hui en prison en Turquie pourrait apparemment être libéré en février prochain en échange d’un appel au PKK à abandonner la lutte armée. Les planètes sont-elles alignées pour un apaisement généralisé ?

Ce serait très positif. Il faut rappeler que toutes les richesses de la Syrie, minières, agricoles, gazières, se trouvent dans l’Est du pays, actuellement contrôlé par les FDS. On n’a pas les moyens aujourd’hui de maintenir un régime d’exception à l’Est sans les Américains. Par ailleurs, si jamais cette partie de la Syrie reste autonome, qu’est ce qui empêchera la Turquie de conserver une ceinture de sécurité dans le nord et la Jordanie ou Israël de conserver aussi une zone d’influence dans le sud ? Il faut que la Syrie cesse d’être morcelée, sinon nous marchons vers de nouveaux conflits. 

Personne ne reprochera aux Européens d’avoir aidé à déminer la Syrie : il y a suffisamment de terrains d’entente pour ne pas aborder les questions les plus contentieuses tout de suite.

Wassim Nasr

L’Arabie saoudite a envoyé son ministre des Affaires étrangères à Damas peu après la chute de Bachar el-Assad. Quel rôle Riyad compte-t-il jouer en Syrie ? 

Le gouvernement saoudien a bien compris que s’il ne se rapprochait pas de la Syrie, la Turquie allait rafler la mise. L’Arabie saoudite est donc rentrée dans le jeu, ce qui pourrait permettre à HTC de ne pas dépendre uniquement de la Turquie, comme c’était le cas à Idlib. L’ouverture de la Syrie aux pays du Golfe lui donne une force supplémentaire et crée un équilibre positif pour le pays. 

Une autre raison explique le rapprochement actuel de la Syrie et des pays du Golfe. Les Saoudiens et les Émiratis ont poussé pour accepter le retour de Bachar el-Assad dans la Ligue arabe en 2023 afin de l’éloigner des Iraniens et de permettre un rapprochement vis-à-vis d’Israël. Sauf qu’il est apparu que Bachar el-Assad n’avait pas de capacité d’action réelle indépendante du Hezbollah et de l’Iran. Le succès d’Al-Charaa a été de démontrer aux pays de la région, en 48 heures à travers la prise d’Alep, qu’Assad n’était pas vraiment souverain, qu’il ne pourrait pas couper ses liens avec l’Iran et encore moins œuvrer à une paix avec Israël, pour les pays signataires des accords d’Abraham. Les pays du Golfe, voyant que Bachar n’avait pas de marge de manœuvre, ont cessé rapidement de le soutenir. 

Cela fait quarante ans que l’influence iranienne pèse sur la Syrie. Aujourd’hui, cette influence a été détruite par les conséquences du 7 octobre. Chaque acteur régional tente donc de se positionner. La lutte contre le terrorisme avait conduit à un « aveuglement stratégique ». La priorité de la lutte contre l’État islamique a en effet permis, par ricochet, le renforcement de l’Iran, dont les milices chiites et l’influence se sont étendues de manière inédite entre l’Irak, la Syrie, le Liban et jusqu’au Yémen. Il est nécessaire de revenir à un jeu diplomatique et d’influence traditionnel. 

Le succès d’Al-Charaa a été de démontrer aux pays de la région, en 48 heures à travers la prise d’Alep, qu’Assad n’était pas vraiment souverain, qu’il ne pourrait pas couper ses liens avec l’Iran et encore moins œuvrer à une paix avec Israël.

Wassim Nasr

Vis-à-vis de la Turquie, il semble qu’il y ait une convergence d’intérêts autour de la question du retour des réfugiés syriens.

La Turquie, portant le poids de millions de réfugiés légaux et illégaux et pour des raisons internes, avait déjà commencé à renvoyer des réfugiés en Syrie vers les zones rebelles depuis des années. Maintenant que Bachar el-Assad est tombé, les Syriens aujourd’hui en Turquie auront beaucoup plus envie de rentrer que dans les conditions souvent brutales des retours forcés des derniers mois. Quand Erdogan négociait un rapprochement avec Assad, jusqu’au Sommet de la Ligue arabe du 11 novembre 2024 à Riyad, il ne se préoccupait pas de l’avis des Syriens, mais plutôt des intérêts de la Turquie

Par ailleurs, les relations entre la Turquie et HTC sont faites de rapports de force. En septembre, la Turquie avait envoyé ses chars pour contrer une avancée de HTC qui grignotait trop le territoire de l’armée nationale syrienne — et ce n’était pas la première fois. De même, L’armée nationale syrienne, administrée par la Turquie, n’est entrée dans la bataille d’Alep qu’au troisième jour, pour peser face à Al-Charaa qui avait déjà gagné la ville, et éviter que ce dernier ne devienne trop puissant. Tout cela est désormais caduc depuis la prise de Damas, mais il reste utile de le rappeler. 

Quel est l’état des relations entre la Syrie et le Liban ?

Le Liban a reconnu le nouveau gouvernement rapidement et a dépêché une importante délégation à Damas, avec le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Une coopération militaire entre les deux pays a été mise en place pour surveiller la frontière, avec un général chrétien du côté libanais qui traite directement avec l’état-major syrien, avec l’ambition de limiter les trafics illégaux qui passent par la frontière. Par ailleurs, l’élection du nouveau président libanais est une bonne nouvelle pour la stabilité du pays. Plus fondamentalement, la chute du régime de Bachar el-Assad est une bouffée d’air pour le Liban — même si la nouvelle relation entre la Syrie et le Liban reste à inventer.