À peine investi pour un deuxième mandat, un élu trumpiste du Tennessee à la Chambre, Andy Ogles — qui, quelques jours auparavant, avait déposé une proposition de loi visant à autoriser le président à acheter le Groenland — souhaite déjà permettre à Trump de se présenter une quatrième fois en 2028.

  • Jeudi 23 janvier, Ogles a annoncé avoir introduit une résolution commune visant à modifier le 22e amendement de la Constitution, ratifié en 1951, qui impose une limite de deux mandats aux présidents américains 1.
  • La proposition d’Ogles pourrait ne pas être prise au sérieux par le leadership républicain de la Chambre, qui a la main sur les textes soumis ou non au vote. Au-delà de l’impact d’un tel changement de la Constitution sur la stabilité de la vie politique américaine, le GOP n’aurait aucune chance de faire aboutir la procédure sans soutien démocrate.
  • Les amendements à la Constitution sont de plus en plus rares, la dernière modification significative datant de 1971. Le vote des deux-tiers des deux chambres du Congrès et du trois-quart (38) des législatures des États est nécessaire pour tout amendement. 

Bien qu’âgé de 78 ans (il aura ainsi 82 ans à la fin de son deuxième mandat), Trump a laissé la porte ouverte à une troisième présidence durant la campagne. Quelques jours après son élection, en novembre, il avait déclaré aux élus républicains du Congrès : « Je pense que je ne me représenterai pas à moins que vous ne disiez : “Il est tellement bon que nous devons trouver autre chose” » 2. Quelques jours plus tard, l’élu démocrate de New York Dan Goldman introduisait une résolution visant à empêcher Trump d’effectuer un troisième mandat, mentionnant spécifiquement le président dans le texte 3.

La proposition d’Ogles n’est pas isolée. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, une cinquantaine de résolutions appelant à l’abrogation du 22e amendement ont été introduites au Congrès.

  • Selon le texte soumis par Ogles, l’amendement limitant à deux le nombre de mandats par président ne serait pas supprimé (comme la plupart des précédentes résolutions) mais ferait passer celui-ci à trois si les deux premiers mandats n’étaient pas consécutifs. Il vise ainsi à permettre à Trump de rejoindre Franklin D. Roosevelt parmi les présidents ayant été élus pour plus de deux mandats. Trump est par ailleurs le seul président ayant été élu pour deux mandats non-consécutifs depuis Grover Cleveland.
  • Dans le communiqué accompagnant la résolution, Ogles a cité le besoin « impératif de fournir au président Trump toutes les ressources nécessaires pour corriger la voie désastreuse tracée par l’administration Biden […] Il a prouvé qu’il était le seul personnage de l’histoire moderne capable d’inverser la décadence de notre nation et de restaurer la grandeur de l’Amérique, et il faut lui donner le temps nécessaire pour accomplir cet objectif » 4.
  • Des initiatives en ce sens avaient également été lancées pour permettre aux deux présidents démocrates ayant exercé deux mandats depuis 1951, Bill Clinton et Barack Obama, de se présenter une troisième fois 5. Celles-ci n’avaient pas recueilli de soutien significatif, la dernière enquête d’opinion sur la question témoignant d’une forte opposition à la levée des limites encadrant les mandats présidentiels : en 2013, 81 % des Américains y étaient opposés 6.

Les présidents américains ayant signalé voire œuvré en faveur d’une abrogation du 22e amendement depuis les années 1950 ont déclaré vouloir supprimer une limite perçue comme allant à l’encontre de la démocratie américaine pour leurs successeurs. En 1986, Ronald Reagan (l’un des 6 présidents ayant exercé deux mandats depuis l’imposition de la limite) avait notamment dit : « Aucun président ne peut se prononcer en faveur de l’abrogation du 22e amendement en pensant à lui-même » 7. C’est sur ce point que se situe la rupture fondamentale avec Trump, qui serait favorable à la suppression de la limite pour pouvoir se présenter à nouveau en 2028.