Points clefs
  • La tendance générale au renforcement de la droite radicale a été relativement homogène dans les États membres. La droite radicale n’a perdu du terrain qu’en Finlande, en Italie et en Pologne.
  • Le glissement vers la droite des parts de voix des groupes se reflète dans la composition du nouveau Parlement européen. L’eurodéputé médian est désormais membre du groupe du Parti populaire européen (PPE), alors qu’il était auparavant membre de Renew.
  • Près de la moitié des communes européennes de notre jeu de données (soit 42 363 communes) sont remportées par la droite radicale en 2024 — un nombre tiré à la hausse notamment par le grand nombre de très petites municipalités en France.
  • Mais si l’on pondère les communes par le nombre de votants, le PPE prend la première place avec 31 % de communes remportées. Une analyse approfondie reflète les pertes importantes des Verts et des libéraux et le succès des droites, mais ne soutient pas l’hypothèse d’une « hégémonie de l’extrême droite ».

Quelles leçons tirer des élections européennes de juin dernier pour la séquence politique qui s’ouvre en Europe ? Six mois après le scrutin et alors que l’Allemagne, la France, la Roumanie, l’Autriche, la Belgique et la Bulgarie font face au même moment à des incertitudes politiques, un retour sur les résultats du vote révèle quelques-unes des tendances majeures de la politique continentale.

Depuis quelques semaines seulement, les résultats finaux du scrutin sont connus dans tous les États membres. À l’issue d’un travail de collecte et de classification inédit, le Bulletin électoral de l’Union européenne (BLUE) publie aujourd’hui BLUE_EP, le tout premier jeu de données couvrant les résultats des élections européennes de 2024 et 2019 à l’échelle municipale dans tous les États de l’Union européenne. Couvrant environ 100 000 communes et plus de 500 partis pour le seul scrutin de 2024, BLUE_EP est à ce jour le plus vaste ensemble de résultats locaux jamais publié traitant d’un seul événement électoral avec 5,3 millions de data points 1.

Pour identifier les grandes tendances européennes, les résultats des partis nationaux et régionaux sont principalement étudiés au niveau des sept groupes politiques du Parlement européen : le groupe de la Gauche GUE/NGL, des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE), des Socialistes et démocrates (S&D), Renew Europe (RE, centristes et libéraux), du Parti populaire européen (PPE, centre-droit), des Conservateurs et réformistes européens (CRE, national-conservateurs), des Patriotes pour l’Europe (PfE, droite radicale populiste) et Europe des Nations souveraines (ESN, ultranationaliste). Pour faciliter les comparaisons entre États, les membres des sept groupes politiques, mais aussi les partis non affiliés à un groupe, sont par ailleurs  regroupés en quatre familles politiques plus larges : « Gauche » (dont GUE/NGL, Verts/ALE et S&D) ; « Centre-droit » (dont RE et PPE) ; « Droite radicale » (dont CRE, ID/PfE et ESN) et « Autres ».

Cet article est également disponible dans le dossier spécial consacré par BLUE aux élections européennes de juin 2024. 

1 — Un glissement à droite et l’érosion des scores des Verts et des libéraux

Les élections européennes de 2024 ont vu le Parlement se déplacer vers la droite tant en termes de voix que de sièges, une évolution qui avait été largement anticipée. Ce glissement vers la droite est principalement dû aux pertes subies par les Verts et les libéraux, les parts de voix des groupes Verts/ALE et Renew Europe (RE) diminuant respectivement de 32 % (3 pp) et de 26 % (3 pp) tandis que la part des voix recueillie par les partis d’extrême droite s’accroissait (+25 %).

Le groupe de gauche GUE/NGL et le groupe de droite CRE ont été les seuls à augmenter leur part de voix, tandis que le groupe d’extrême droite Patriotes pour l’Europe (PfE, anciennement ID) a accusé des pertes du fait de la formation d’un groupe plus petit dirigé par l’AfD, L’Europe des nations souveraines (ESN). Dans le même temps, les parts de voix des groupes traditionnels de centre-gauche (S&D) et de centre-droit (PPE) sont restées relativement stables.

Calculée au niveau des trois grandes familles politiques européennes, la part des votes de gauche a diminué de 43 % à 37 % entre 2019 et 2024 (-6 pp), tandis que la part des votes de centre-droit s’est légèrement contractée, de 33 % à 31 %. Sur la même période, la part des votes de droite radicale a augmenté de 22 % à 27 % (+5 pp). Alors qu’après l’élection de 2019, l’électeur médian de l’Union était un électeur du groupe libéral Renew Europe, il est désormais un électeur du PPE, un changement susceptible d’avoir des conséquences institutionnelles importantes.

La tendance générale au renforcement de la droite radicale a été relativement homogène dans les États membres. La droite radicale n’a perdu du terrain qu’en Finlande, en Italie et en Pologne — trois pays actuellement ou récemment gouvernés par au moins un parti d’extrême droite —, tandis que la gauche ne réalisait des gains significatifs qu’en Finlande et en Suède. La situation du centre-droit est plus contrastée, avec quelques succès majeurs (Slovaquie, Slovénie, Allemagne, Malte) mais aussi des contre-performances importantes (Lituanie, Espagne, Autriche).

2 — Une participation électorale stable malgré des disparités nationales notables

Au niveau européen, la participation globale est stable, à 50,74 % en 2024 contre 50,66 % en 2019 (+0,08 pp). Toutefois, ce chiffre masque d’importantes disparités nationales, tant en termes de niveaux que de tendances.

Comme en 2019, le taux de participation a été le plus élevé en Belgique (89 %), au Luxembourg (82 %) et à Malte (73 %). À l’autre extrémité du spectre, seuls 21 % des électeurs croates inscrits et 29 % des électeurs tchèques et lettons se sont rendus aux urnes.

Une participation en nette hausse a été observée en Hongrie (+15 pp), à Chypre (+14 pp), en Slovénie (+13 pp) et en Slovaquie (+11 pp). De manière générale, les cas de participation très faible sont devenus plus rares : le nombre de pays où moins d’un tiers des électeurs se sont rendus aux urnes est passé de cinq en 2019 à seulement deux en 2024 (la Lituanie et la Croatie). Dans le même temps, plusieurs États membres ayant un taux de participation relativement élevé en 2019 ont vu la participation décroître fortement en 2024. C’est le cas de la Lituanie (-24 pp), de la Grèce (-18 pp) et de l’Espagne (-15 pp). Dans les trois cas, l’élection de 2019 avait été organisée en même temps que des élections locales ou nationales, alors que celle de 2024 ne l’a pas été. Les scrutins belge, hongrois et roumain ont coïncidé avec d’autres élections en 2024, et ont connu pour cette raison une évolution inverse.

3 — Une nouvelle arithmétique de coalition : le PPE, roi et faiseur de roi

Le glissement vers la droite des parts de voix des groupes se reflète dans la composition du nouveau Parlement européen. L’eurodéputé médian est désormais membre du groupe du Parti populaire européen (PPE), alors qu’il était auparavant membre de Renew. Le PPE est non seulement resté le groupe numériquement le plus important, avec 188 sièges, progressant même légèrement (+11 sièges par rapport au parlement sortant), mais il est également devenu le groupe central de la nouvelle assemblée européenne. Les Verts (53 sièges, -19) et les libéraux (77 sièges, -24) sont passés respectivement de la troisième et quatrième place à la cinquième et sixième place derrière les groupes de la droite radicale PfE (84 sièges, +18) et CRE (78 sièges, +12), ce qui constitue une lourde défaite symbolique pour le centre politique. La gauche radicale a enregistré des gains limités avec 46 sièges (+9) tandis que le nouveau groupe ultranationaliste ESN détient 25 sièges.

Comme prévu avant le vote, le PPE peut désormais s’appuyer sur deux majorités parlementaires différentes selon les textes : la coalition centriste traditionnelle qui l’associe aux S&D et au RE, étendue éventuellement au groupe des Verts/ALE, qui a soutenu la nouvelle Commission von der Leyen ; et une nouvelle coalition informelle avec les forces d’extrême droite, activée une première fois en octobre lorsque le Parlement a adopté plusieurs amendements budgétaires proposés par le groupe ESN. Contrairement à la précédente législature, la coalition gauche-libérale associant GUE/NGL, Verts/ALE, S&D et RE est désormais assez loin de la majorité absolue des sièges, ce qui devrait réduire son influence sur des questions clés telles que le droit de l’environnement. La perte de cette combinaison prive du même coup les libéraux de leur rôle de faiseurs de roi au sein du Parlement.

4 — La majorité affaiblie de la coalition centriste

Le soutien électoral recueilli par la coalition centriste composée des S&D, de Renew et du PPE a diminué depuis 2019. Les partis de la coalition restent forts dans la péninsule ibérique (à l’exception de la Catalogne et du Pays basque), dans les pays nordiques, au Benelux (à l’exception de la Flandre), dans les régions germanophones (à l’exception de l’Allemagne de l’Est), en Slovénie et en Croatie. Toutefois, même dans ces bastions historiques, la part totale des voix obtenues par la coalition a régressé, parfois de manière spectaculaire.

Après le départ du Fidesz de Viktor Orbán du PPE pour le nouveau groupe d’extrême droite PfE, la suspension du Smer-SD de Robert Fico des S&D et le passage de l’ANO d’Andrej Babiš de Renew aux PfE, l’essentiel de la Hongrie, de la Slovaquie et de la République tchèque ont quitté le giron centriste. Le centre a également perdu sa majorité en Lettonie, où les partis de droite radicale progressent. Certes, dans certaines régions où la présence centriste était faible en 2019, les parts de voix de la coalition ont légèrement augmenté (Catalogne, Pologne orientale, Italie). Mais en France et dans l’est de l’Allemagne, où elle était déjà très affaiblie, les poches de soutien restantes se sont encore réduites.

En moyenne, les régions où les trois groupes centristes bénéficient d’un faible soutien tendent à se caractériser par une opinion moins positive de l’Union européenne au sein de leur électorat. Ainsi, dans l’enquête post-électorale européenne de 2024, les taux les plus bas d’opinions positives globales vis-à-vis de l’Union ont été mesurés en République tchèque, en France et en Grèce, trois États membres où les partis centristes sont faibles. La part des opinions positives en Belgique, en Pologne, en Lettonie et en Slovaquie était égale ou légèrement inférieure à la moyenne de l’Union. Dans le même temps, certains États membres affichent à la fois des taux élevés d’euroscepticisme et un niveau comparativement élevé de soutien aux partis centristes, comme c’est le cas en Slovénie ou en Autriche.

5 — La nouvelle domination géographique de l’extrême droite

La croissance de l’extrême droite est particulièrement évidente lorsque l’on compare les groupes vainqueurs des élections dans chaque commune en 2019 et en 2024.

Lors de ces deux élections, le RN français, le Fidesz hongrois et l’ANO tchèque (PfE) ont remporté la majorité des municipalités de leurs États membres respectifs. Les partis de droite radicale ont également gagné dans la plupart des municipalités flamandes, polonaises et italiennes, le parti FdI de Meloni remplaçant la Lega de Salvini en tant que force politique de droite dominante en Italie. En 2024, le RN français, l’AfD allemande et le FPÖ autrichien ont tous accru leur domination territoriale, une écrasante majorité de municipalités françaises, est-allemandes et du sud-est de l’Autriche plaçant désormais les listes PfE en tête.

Conséquences de cette évolution, 48 % des communes de notre jeu de données (soit 42 363 communes) sont remportées par les PfE en 2024, 21 % (soit 18 772) par le PPE, 9 % (soit 7 637) par les CRE, et seulement 7 %, 2 % et 0,2 % pour le S&D, Renew et les Verts/ALE respectivement. En 2019, la part des communes remportées par le groupe ID s’établissait à 33 %, celles du PPE à 27 %, celle de Renew à 18 % et celle des S&D à 12 %. En 2024, pour la première fois, plus de la moitié des communes de l’Union ont vu la victoire des candidats de droite radicale.

Toutefois, il convient de garder à l’esprit que le nombre de communes dominées par la droite radicale est tiré à la hausse par le grand nombre de très petites municipalités en France (un bastion des PfE) et par la domination des groupes CRE, PfE et ESN dans de nombreuses zones rurales peu denses.

6 — La population vote, pas le territoire : pourquoi l’extrême droite n’est pas hégémonique

La carte ci-dessous présente une visualisation différente de la répartition des vainqueurs au niveau municipal, chaque commune étant cette fois représentée par un carré proportionnel à son nombre de votants lors de l’élection européenne de 2024. On indique sur cette carte toutes les aires métropolitaines dont la population dépasse un million d’habitants.

Si l’on tient compte du nombre de votants, la domination de l’extrême droite peut être nuancée et en partie relativisée. Bien qu’ils soient de loin la force la plus puissante dans les zones rurales et les villes de France, de l’est de l’Allemagne, de Hongrie, d’Italie, de Pologne, de République tchèque ou de Flandre. Les partis de droite radicale dominent peu d’aires urbaines : seules Budapest, Marseille et Nice ont été remportées par le groupe PfE, tandis que les CRE ont gagné à Rome, Prague et Anvers. Parmi les 15 municipalités européennes de plus d’un million d’habitants, 4 ont été remportées par les Verts/ALE (Berlin, Hambourg, Munich, Cologne), 4 par les S&D (Paris, Milan, Barcelone, Vienne), 2 par le PPE (Madrid, Athènes), 2 par d’autres coalitions centristes (Bucarest, Sofia), 2 par les CRE (Prague, Rome), et une seule par les PfE (Budapest). Les 47,6 % de municipalités remportées par le PfE au niveau européen ne regroupent que 17,17 % des votants.

Si l’on pondère les communes par le nombre de votants, le PPE prend la première place avec 31 % de communes remportées (+3 pp par rapport à 2019), suivi par les PfE (17 %, +0,3 pp), les S&D (12 %, -7 pp), les CRE (12 %, +7 pp), Renew (6 %, -9 pp), et les Verts/ALE (4 %, -3 pp). Ces résultats reflètent les pertes importantes des Verts et des libéraux et le succès des droites, mais ne soutiennent pas l’hypothèse d’une « hégémonie de l’extrême droite ».

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Si l’on tient compte du nombre de votants, la domination de l’extrême droite peut être nuancée et en partie relativisée. Bien qu’ils soient de loin la force la plus puissante dans les zones rurales et les villes de France, de l’est de l’Allemagne, de Hongrie, d’Italie, de Pologne, de République tchèque ou de Flandre. Les partis de droite radicale dominent peu d’aires urbaines : seules Budapest, Marseille et Nice ont été remportées par le groupe PfE, tandis que les CRE ont gagné à Rome, Prague et Anvers. Parmi les 15 municipalités européennes de plus d’un million d’habitants, 4 ont été remportées par les Verts/ALE (Berlin, Hambourg, Munich, Cologne), 4 par les S&D (Paris, Milan, Barcelone, Vienne), 2 par le PPE (Madrid, Athènes), 2 par d’autres coalitions centristes (Bucarest, Sofia), 2 par les CRE (Prague, Rome), et une seule par les PfE (Budapest). Les 47,6 % de municipalités remportées par le PfE au niveau européen ne regroupent que 17,17 % des votants.

Si l’on pondère les communes par le nombre de votants, le PPE prend la première place avec 31 % de communes remportées (+3 pp par rapport à 2019), suivi par les PfE (17 %, +0,3 pp), les S&D (12 %, -7 pp), les CRE (12 %, +7 pp), Renew (6 %, -9 pp), et les Verts/ALE (4 %, -3 pp). Ces résultats reflètent les pertes importantes des Verts et des libéraux et le succès des droites, mais ne soutiennent pas l’hypothèse d’une « hégémonie de l’extrême droite ».

7 — Au niveau local, un continent aux multiples nuances politiques

Malgré des résultats contrastés, tous les groupes politiques au Parlement européen ont obtenu des parts de voix élevées dans leurs bastions historiques. Le tableau ci-dessous indique les parts de voix les plus élevées obtenues dans les communes de plus de 1 000 habitants par chacun des groupes. Ces records sont généralement obtenus par les partis représentant des minorités linguistiques ou ethniques (AR, DPS, SFP, UDMR, LLRA-KŠS…).

Parmi les électeurs inscrits sur les listes françaises, les partis de gauche obtiennent leurs meilleurs résultats dans la banlieue parisienne (LFI), chez les Français installés en Europe du Nord (EÉLV) et en Bretagne (PS-PP). La liste macroniste obtient ses scores les plus élevés outre-mer et en Corse, la première commune hexagonale (Le Touquet) arrivant en neuvième position seulement. Les LR ont leurs parts de voix les plus élevées en Corse et dans les banlieues aisées d’Île-de-France. Le RN obtient ses meilleurs résultats outre-mer (Polynésie française, Mayotte) et dans de petites communes du Nord et du Nord-Est de l’hexagone. Enfin, la liste Reconquête recueille des scores record parmi les Français installés à Bangkok et en Andorre (sur fond de participation faible), à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), ainsi que dans certaines zones périurbaines d’Île-de-France et du Sud-Est.

8 — Le fossé grandissant entre les communautés urbaines et rurales

Pour la première fois, le jeu de données BLUE_EP fournit des chiffres directement exploitables sur le comportement électoral de communes de différentes tailles au niveau européen.

Le graphique ci-dessous présente la différence de comportement électoral entre les zones urbaines et rurales dans 22 États membres. Il s’agit des 22 États pour lesquels des données complètes sont disponibles au niveau des unités administratives locales (LAU) définies par la Commission européenne. Dans 18 États membres, les partis de gauche et de centre gauche obtiennent plus de voix dans les zones urbaines que dans les zones rurales, avec des écarts allant jusqu’à 13 points en Allemagne ou 12 points en Finlande. De même, dans 18 États membres, les partis de droite radicale obtiennent plus de voix dans les zones rurales, la différence atteignant 12 points en Hongrie et 10 points en France. On n’observe pas de tendance homogène pour les partis de centre-droit et l’abstention.

Dans l’ensemble, l’écart de vote entre les zones urbaines et rurales s’est creusé entre les élections de 2019 et celles de 2024 dans 15 des 22 États membres (tous sauf la Bulgarie, l’Espagne, la Croatie, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg et la Pologne). En particulier, l’écart de vote en faveur de la droite radicale a augmenté dans 18 États membres, conséquence de la progression plus forte de la droite radicale dans les zones rurales. Les données empiriques disponibles confirment l’affirmation selon laquelle l’écart de vote d’extrême droite entre les électeurs urbains et ruraux s’est creusé au cours de la dernière législature.

9 — Le réalignement des partis nationalistes européens

À la suite des élections de juin 2024, le paysage partisan à l’extrême droite s’est considérablement réorganisé.

Le groupe Identité et Démocratie (ID), dominé par le RN, a été rebaptisé Patriotes pour l’Europe (PfE) et a accueilli dans ses rangs le Fidesz d’Orbán (ex-PPE, ensuite non-inscrit) et l’ANO de Babiš (ex-Renew). Les deux leaders populistes se sont ainsi rapprochés officiellement de leurs plus proches alliés nationalistes, après des années passées à s’opposer au courant pro-européen dominant de leurs anciens groupes. Les PfE ont également été rejoints par les six eurodéputés de Vox (ex-CER), auparavant considérés comme de proches alliés de Meloni.

Le groupe ID/PfE, favorable à un rapprochement avec la Russie, a vu les Vrais Finlandais le quitter au profit du groupe atlantiste CRE en 2023. Les CRE ont également accueilli l’unique eurodéputé du LVŽS letton (anciennement Verts/ALE) et se sont renforcés grâce aux bonnes performances de plusieurs de leurs partis membres, en particulier les Frères d’Italie (FdI) de Meloni, qui en est désormais la première force politique.

L’AfD, expulsée du groupe ID à la suite d’une série de scandales, a créé son propre groupe Europe des nations souveraines (ESN), avec quelques autres forces ultranationalistes. Ce groupe est le plus petit du parlement actuel. Seuls l’AfD, la Konfederacja polonaise et le parti bulgare Văzrazhdane y détiennent plus de 3 sièges.

Un nombre limité d’autres partis nationalistes n’ont rejoint aucun groupe, parmi lesquels le Smer-SD (Slovaquie) et Se Acabó La Fiesta (Espagne).

10 — Une redistribution du pouvoir parlementaire entre les délégations des États membres

L’élection du bureau du Parlement et des présidences et vice-présidences de commissions a révélé un nouvel équilibre des pouvoirs entre les délégations des États-membres.

En 2024, comme en 2019, les groupes PfE et ESN ont été exclus de la répartition des mandats électifs en application de la politique du « cordon sanitaire », ce qui n’est pas le cas du groupe CRE.

L’Italie, la Pologne, la Roumanie, l’Espagne et la Suède, cinq pays dotés de partis centristes puissants et (à l’exception désormais de l’Espagne) d’une forte composante CRE, ont obtenu les gains les plus importants en termes d’élus. Les pays à forte proportion de votes non centristes, tels que la France, la République tchèque et la Grèce, ont obtenu moins de sièges que leur part de la population totale. La France, qui compte une forte proportion d’électeurs radicaux de droite et de gauche, n’arrive qu’en sixième position par nombre d’élus, derrière l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Pologne et la Roumanie. Elle n’a gagné qu’un seul élu — ce qui représente une perte relative compte tenu du nombre plus élevé de rôles électifs disponibles par État suite au retrait du Royaume-Uni.

Sources
  1. Des divergences mineures peuvent exister entre les résultats présentés ci-dessous et ceux rapportés par les autorités électorales des États-membres. Le jeu de données BLUE_EP repose en effet uniquement sur des données locales et utilise une méthode standardisée pour calculer les parts de vote des différents partis, qui peut mener à des résultats différant légèrement des calculs nationaux.