Thomas Mann, l’antifasciste

Ce texte est un passage — critique, littéraire, historique — et la tentative de comprendre une transition.

En republiant le brillant hommage de Georg Lukács à l’engagement intellectuel de Thomas Mann contre le fascisme, nous ouvrons notre série de Noël sur le centenaire de La Montagne magique à un nouveau cycle de parutions de fin d’année qui seront un viatique vers 2025 : l’Europe face au fascisme.

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Le Grand Continent
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Dans ce texte, écrit en forme de recension du recueil d’essai de Thomas Mann sur ses maîtres en littérature (Leiden und Größe der Meister, 1935 ; traduction française : Les Maîtres, Grasset, Cahiers rouges, 1997) un an tout juste après sa parution allemande, le critique marxiste hongrois Georg Lukács entre en discussion intellectuelle avec l’auteur de La Montagne magique tout en reconnaissant son mérite politique contre la montée du fascime. Si, pour lui, leur auteur demeure un « humaniste bourgeois important », « il n’est absolument pas douteux que les essais de Thomas Mann sont antifascistes ».

L’originalité du texte présenté ci-dessous réside précisément dans cette convergence assumée par Lukács — dès 1936 alors que l’hitlérisme est en passe de gagner l’Europe — en faveur de Mann. « Ce combat pour l’humanisme et contre la barbarie est sans aucun doute un problème idéologique central de la lutte antifasciste, et Thomas Mann s’est acquis un grand mérite en engageant le combat précisément à cet endroit. »

Le combat pour l’héritage culturel est une des tâches idéologiques les plus importantes de l’antifascisme en Allemagne. Le national-socialisme utilisa la puissance gouvernementale, le monopole des publications légales, pour falsifier sans le moindre scrupule tout le passé politique et culturel de l’Allemagne. De l’université jusqu’à l’école primaire, depuis les gros livres « savants » jusqu’aux petites brochures populaires et grossièrement démagogiques, ce travail de falsification fut mené systématiquement et à grande échelle. La démagogie de la propagande de masse transforma simplement et sans aucune gêne chaque grande figure du passé en précurseur du national-socialisme. L’ignorance la plus criante, le goût le plus vil pour le mensonge caractérisent ce genre de littérature, dont nous pouvons citer comme exemple scolaire le livre de Fabricius sur Schiller. Cette littérature table sur le fait que les masses, dans leur ensemble, ne connaissent pas les grandes figures du passé et obtempèreront ainsi sans sourciller à la propagande officiellement fasciste.

Le type de falsification du passé « plus raffiné », « scientifique » est au moins aussi dangereux. À cette fin, le national-socialisme avait mobilisé toute la science universitaire et la littérature « libre » mise au pas. Ce faisant, cette orientation trouva un nombre non négligeable de chefs de file réellement volontaires qui, dès avant l’accession au pouvoir de Hitler, avaient accompli une telle interprétation réactionnaire du passé, répondant aux visées politiques du fascisme. Il suffit d’évoquer des écrivains comme Spengler, Klages, Baeumler, dont les successeurs réalisèrent un travail quantitativement considérable dans le sens de la falsification plus raffinée et plus dissimulée du passé. Chez de tels écrivains, il ne s’agit pas d’une rupture brutale avec les traditions de la littérature et de l’histoire littéraire des dernières décennies. Au contraire. Ils se rattachent consciemment aux théoriciens connus de la période impérialiste, à Dilthey, à Gundolf notamment. La falsification du passé allemand se travestit en réhabilitation de ce passé face à sa dépréciation « rationaliste » et « libérale » antérieure. Et la tendance réactionnaire ne se manifeste ouvertement comme calomnie ou comme oubli volontaire que dans quelques cas précis ; dans des cas où il s’agit de personnages si nettement révolutionnaires qu’il est impossible de les « interpréter » de façon réactionnaire (Heine). Là où les courants de l’époque, la langue, les particularités individuelles de certaines figures révolutionnaires permettent, ne serait-ce que dans une faible mesure, une « interprétation » dans le sens contraire, la critique littéraire fasciste oriente très énergiquement son travail vers l’annexion de telles figures, vers leur incorporation à la lignée des ancêtres du fascisme (Thomas Münzer, Hölderlin, Georg Büchner). Dans ces conditions le livre de Thomas Mann qui traite, dans une série d’essais, de Goethe, Richard Wagner, Cervantès, Platen et Storm (Grandeur et souffrances des maîtres, Berlin 1934) revêt une extrême importance. D’autant plus que le livre parut en Allemagne même, et non en émigration, de sorte que sa diffusion et son influence ne furent limitées par aucun obstacle policier. La matière du livre est elle aussi de la plus brûlante actualité. Goethe et Wagner surtout sont en effet des personnages qui jouent un rôle capital dans le mythe national-socialiste de la littérature allemande. Une analyse extérieure au fascisme, une analyse antifasciste de telles figures, la révélation de leur caractère véritable et de leur signification véritable dans l’histoire de la civilisation allemande ont, justement pour cette raison, une importance qui dépasse largement le domaine purement littéraire.

Il n’est absolument pas douteux que les essais de Thomas Mann sont antifascistes. (À l’exception de l’étude consacrée à Cervantès, qui vit le jour en 1934, ils furent toutefois écrits avant l’accession au pouvoir de Hitler, dans les années 1932 et 1933.) L’aspiration fondamentale de tous ces essais est antifasciste : la ligne générale de Thomas Mann est, dans ce livre également, la défense de l’humanisme contre la barbarie. Les grands personnages du passé ne sont pas grands aux yeux de Thomas Mann principalement à cause de leur maîtrise formelle, mais à cause de leur prise de position large et résolue en faveur du maintien et de la continuation des tendances humanistes, à cause de leur combat contre toutes les tentatives de barbarisation. Thomas Mann ne fait pas la moindre concession au courant fasciste dominant qui transforme mensongèrement le troisième Reich en une époque qui ne serait plus bourgeoise, qui découvre partout dans le passé de telles aspirations à dépasser « l’esprit bourgeois » (au sens du fascisme). Il fait en particulier découler l’humanisme de Goethe de sa nature bourgeoise, de sa façon de vivre et de son idéologie bourgeoises. Et aussi à propos des grands écrivains du XIXe siècle qu’il analyse, il lutte contre le dénigrement réactionnaire et fasciste des importantes aspirations et réalisations artistiques de la bourgeoisie au XIXe siècle.

Ce combat pour l’humanisme et contre la barbarie est sans aucun doute un problème idéologique central de la lutte antifasciste, et Thomas Mann s’est acquis un grand mérite en engageant le combat précisément à cet endroit. L’efficacité et la force de persuasion de son combat pour le sauvetage de l’humanisme sont cependant diminuées par la confusion très profonde de sa position centrale. Thomas Mann ne voit pas le lien indissoluble entre l’humanisme bourgeois et la révolution bourgeoise.

L’humanisme bourgeois a vu le jour dans la période héroïque de l’émancipation de la classe bourgeoise, et, avec l’extinction de la flamme de cet enthousiasme révolutionnaire, l’humanisme bourgeois dut aussi perdre son éclat et sa chaleur. La grande importance historique des écrits en prose de Heine, de son analyse de la philosophie et de la religion en Allemagne, consiste précisément en ceci, qu’il a donné très clairement et très résolument la place centrale à ce lien entre l’humanisme et la révolution.

Il serait naturellement exagéré et injuste d’affirmer que Thomas Mann n’a rien vu de ce rapport. Mais il commet la faute funeste, et très étroitement liée à l’évolution de l’idéologie allemande, de nier ce rapport pour l’Allemagne, pour la littérature allemande. Thomas Mann voit dans l’humanisme révolutionnaire de Schiller quelque chose de français, tandis qu’il conçoit l’humanisme de Goethe comme typiquement allemand. À partir de ce point de vue, Thomas Mann trace alors un parallèle entre Goethe et Schiller qui est si important pour sa conception fondamentale, que nous devons le citer de façon détaillée. « C’est le caractère de l’esprit littéraire français qu’il [Schiller] transcrit en peu de mots, ce mélange singulier d’élan humanitaire et révolutionnaire, de foi généreuse en l’humanité et de pessimisme très profond, très amer et même très sarcastique en ce qui concerne l’homme pris en particulier. Il définit la passion abstraite, politique et humanitaire par opposition au réalisme sensible dont les sympathies vont à l’individu. Il est le patriote de l’humanité à l’esprit humanitaire et révolutionnaire… » Selon Thomas Mann on peut donc appeler Goethe « un non-patriote foncièrement allemand », Schiller étant par contre « un patriote international ». Il représente l’idée bourgeoise au sens politique, démocratique, tandis que Goethe la représente au sens spirituel, culturel.

Malgré toutes les fines remarques de détail que contient ce parallèle, il traduit une ligne dangereuse qui conduit par nécessité objective, et souvent contre l’intention de Thomas Mann, à un jugement faux sur l’évolution culturelle de l’Allemagne, car à partir de ces postulats Thomas Mann doit aboutir à une apologie spirituelle du conservatisme de Goethe et, à travers cela, d’une certaine nuance de conservatisme en général. Thomas Mann poursuit ainsi : « Goethe défendait la société au sens conservateur qui est inhérent à la notion de défense. On ne peut pas être apolitique, on ne peut être qu’antipolitique, c’est- à-dire conservateur, alors que l’esprit de la politique est humanitaire et révolutionnaire en soi. » 1 Il y a donc dans tout cela, d’une part, une sous-estimation des éléments progressistes dans la conception d’ensemble de Goethe, que Thomas Mann souligne d’ailleurs à d’autres endroits avec une inconséquence digne d’éloges. D’autre part Thomas Mann est contraint d’apercevoir dans le conservatisme et le nationalisme allemands ultérieurs une « excroissance » de cette tendance « foncièrement allemande » justifiée, de la tendance fondamentale de Goethe ; il se prive donc lui-même de la possibilité de critiquer délibérément et à bon droit les tendances réactionnaires de la deuxième moitié du XIXe siècle qu’il distingue assez clairement.

Cette conception erronée de l’évolution allemande au XIXe siècle a naturellement ses racines sociales profondes. La grande époque de floraison de la littérature et de la philosophie allemandes est une période de préparation de la révolution bourgeoise, c’est-à-dire une période dans laquelle les conditions objectives de la révolution n’étaient pas encore réunies. Le subjectivisme fougueusement impatient, parfois même aveugle et dogmatique de quelques-unes des grandes figures de cette période n’est donc nullement une importation de France, mais au contraire le produit nécessaire de cette situation allemande. Et, faisant pendant à cela, les aspirations conservatrices d’autres grands personnages de cette période (en premier lieu Goethe et Hegel) sont des tentatives répétées pour faire adopter par des voies non révolutionnaires le contenu social et culturel de la révolution bourgeoise, l’humanisme de cette période. En classant tout bonnement Goethe parmi les conservateurs, Thomas Mann fait une concession inconséquente et inadmissible aux idéologies régnantes de son temps.

Ces idéologies reposent sur la défaite de la révolution de 1848, causée par la trahison de classe de la bourgeoisie allemande à l’égard de sa propre révolution, ainsi que sur la solution réactionnaire apportée à la question centrale de la révolution bourgeoise en Allemagne, à savoir l’établissement de l’unité nationale par la Prusse de Bismarck. La bourgeoisie allemande, qui a approuvé l’évolution politique de l’Allemagne après 1870, devait de ce fait se créer une idéologie qui se séparât de plus en plus fortement de l’humanisme révolutionnaire de la période précédant 1848. Ainsi se creuse un profond fossé dans l’évolution culturelle allemande, et les représentants les plus résolus de l’humanisme révolutionnaire essaient d’en tirer les conséquences sous les formes les plus diverses. Je renvoie seulement à un exemple, celui de Heinrich Mann, le frère de Thomas Mann qui, pour rester fidèle à son radicalisme politique et culturel, a cherché l’héritage actuel de l’Allemagne dans l’évolution littéraire de la France, en se rattachant aux traditions sociales, politiques et culturelles de l’évolution allant de Voltaire à Zola et à Anatole France.

Dans sa critique de l’idéologie allemande régnante, Thomas Mann ne va jamais aussi loin que son frère. C’est pourquoi sa position quant aux questions centrales de l’évolution historique, qui déterminent le choix et l’évaluation de l’héritage décisif, est également plus hésitante et plus contradictoire que celle de Heinrich Mann. Cette contradiction s’exprime directement en ceci que Thomas Mann considère le caractère bourgeois des grands écrivains du XIXe siècle comme le fondement de leur originalité. Mais sa conception justifiée et exacte souffre de ce que sa notion de caractère bourgeois est extrêmement contradictoire. C’est un trait important de l’humanisme de Thomas Mann qu’il conçoive que la société bourgeoise puisse ne pas être la forme définitive de l’évolution humaine. Il a également raison de faire ressortir chez le Goethe de la vieillesse des traits qui se rencontrent avec certaines aspirations des grands utopistes, et de mettre les efforts de Goethe pour une littérature universelle en rapport avec ces aspirations sociales. Lorsque nous soulignons l’importance de ces conceptions de Thomas Mann, nous mettons l’accent sur cette aspiration à dépasser l’horizon bourgeois et nous ne considérons pas si nous pouvons être d’accord avec ses analyses quant au fond et à la méthode. Citons à ce propos un passage important de son livre « Dans les théories utopiques techniques et rationnelles, l’esprit bourgeois débouche sur l’universalisme, débouche, si l’on veut bien prendre le terme en un sens assez large et non dogmatique, sur le communisme… Le bourgeois est perdu et perd le contact avec le monde nouveau en pleine gestation, s’il ne se résout pas à se séparer des facilités criminelles et des idéologies hostiles à la vie qui le dominent encore, et à prendre hardiment le parti de l’avenir. Le monde nouveau, le monde social, le monde organisé, centralisé et planifié, dans lequel l’humanité sera libérée des souffrances inhumaines, inutiles et qui blessent le sens de l’honneur de la raison, ce monde viendra… Il viendra, car il faut qu’un ordre extérieur et rationnel, correspondant au niveau atteint par l’esprit humain, soit créé ou bien que, dans le pire des cas, il s’établisse par un bouleversement violent, pour que les valeurs de l’âme puissent alors obtenir à nouveau le droit de vivre et une bonne conscience à l’échelle humaine. »

Par de telles façons de voir, Thomas Mann représente le meilleur héritage de l’humanisme allemand. Malheureusement il ne reste pas partout fidèle à ces façons de voir. Son jugement sur l’évolution d’après 1848 et sur les représentants principaux de celle-ci le conduit à une notion tout à fait différente de l’esprit bourgeois, à des concessions très scabreuses à l’idéologie réactionnaire de la période impérialiste.

Mann aperçoit très clairement bien des aspects discutables du personnage de Richard Wagner. Mais il ne se résout nulle part à critiquer sans ménagements l’attitude de son héros après 1848. Il cherche partout non seulement des excuses, mais même des raisons de sublimer la capitulation de Richard Wagner, qui, en 1848, était un révolutionnaire et participa aux combats sur les barricades de Dresde, devant le régime triomphant des Hohenzollern. « Wagner était suffisamment fin politique pour lier sa cause à celle du Reich bismarckien : il voyait un succès sans pareil, il y associa le sien, et l’hégémonie européenne de son art est devenu l’accessoire culturel de l’hégémonie politique de Bismarck. »

Cela semble n ‘être pour l’instant que la constatation de certains faits. Mais Thomas Mann y ajoute malheureusement une théorie de son invention. Il dit de Wagner : « Il a suivi la voie de la bourgeoisie allemande ; de la révolution à la désillusion, au pessimisme et à une vie de l’esprit résignée, sous l’égide du pouvoir. » Cette « vie de l’esprit sous l’égide du pouvoir » est l’essai d’accorder l’héritage culturel de la période ascendante de la bourgeoisie allemande avec le régime bismarckien, avec la capitulation devant le régime bismarckien et ses successeurs. A travers le mot « pouvoir », on reconnaît d’une part tacitement que la forme donnée par Bismarck à la fondation du Reich Allemand ne répond ni politiquement ni socialement aux vieux idéaux de la bourgeoisie allemande ; mais d’autre part on fait devant cette idéologie qui approuve sans réserve la nouvelle ère une courbette qui n’est pas que terminologique. (Idéologie de l’« État fort » chez Treitschke, dans l’école de Ranke, etc.) La réduction de l’héritage culturel à cette « vie de l’esprit » toute intérieure caractérise, quant à elle, le penchant à conserver seulement de l’héritage du classicisme allemand ce que l’on peut accorder avec l’individu isolé, retiré de la politique, de l’action sociale, et donc avec la capitulation de la bourgeoisie devant le régime bismarckien, avec la trahison de la bourgeoisie vis-à-vis de sa propre révolution bourgeoise. L’approbation d’une telle « vie de l’esprit sous l’égide du pouvoir » est le côté faible de toute la conception de la culture chez Thomas Mann et cela s’oppose violemment à sa large perspective sur l’évolution future que nous avons déjà analysée. Une telle position ouvre la porte à tout compromis avec le pouvoir régnant à quelque époque que ce soit, à toute capitulation devant lui, à un renouvellement présent de la « misère allemande ».

Naturellement, Thomas Mann a parfaitement raison quand il ne veut pas faire le procès de l’évolution de Richard Wagner après 1848 en quelques formules sarcastiques et tranchantes, comme bien des partisans fanatiques de Nietzsche ont l’habitude de le faire. Méthodologiquement il ne prend cependant pas le bon chemin quand il tente d’expliquer les faiblesses de l’idéologie de Wagner à la fin de sa vie, sa capitulation devant la religion chrétienne et devant le nationalisme des Hohenzollern, par le fait que des éléments de pensée religieuse et nationaliste sont perceptibles chez Wagner même avant 1848. Que le Wagner extrémiste en politique et disciple de Feuerbach ait encore porté en lui, avant la Révolution de 1848, de forts éléments d’idéologie religieuse qu’il n’avait pas surmontés, ou bien qu’il ait aussi glorifié dans son art, en même temps que la capitulation devant le régime bismarckien, la religion catholique, cela est en effet fondamentalement différent. Que le révolutionnaire Wagner, même de façon très imprécise, ait parlé avec des accents patriotiques de la question centrale de la révolution bourgeoise en Allemagne, celle de l’unité nationale, ou bien que ce patriotisme se soit mis après 1870 au service de la monarchie des Hohenzollern, il y a là également une différence de principe. Cette façon de défendre une figure historique importante mais tragiquement brisée doit nécessairement conduire à des évaluations théoriquement fausses sur l’évolution historique d’ensemble, dès que la ligne d’une telle défense est approfondie et généralisée théoriquement, comme malheureusement Thomas Mann le pratique. Pour expliquer Wagner à la fin de sa vie, il se fonde sur le fait historiquement incontestable que le théâtre et le drame ont une origine religieuse. Mais dans son ardeur à défendre Wagner, il se fonde sur le fait historiquement incontestable que le théâtre et le drame ont une origine religieuse. Mais dans son ardeur à défendre Wagner, il retourne complètement le sens de l’évolution. Il déclare : « Je crois que l’aspiration secrète, l’ambition dernière de tout théâtre est le rite, dont il est issu chez les païens comme chez les chrétiens. L’art scénique, c’est déjà en soi le baroque, le catholicisme, l’église ; et un artiste qui, comme Wagner, était habitué à manier des symboles et à brandir des ostensoirs, devait croire finalement qu’il était frère du prêtre, et même prêtre. »

Cette ligne d’évolution du drame est sans doute exacte pour Wagner personnellement et pour l’évolution de l’Allemagne après 1848 en général (Hebbel, Hauptmann, Hofmannsthal, Paul Ernst). Mais la tâche de Thomas Mann aurait justement dû être de découvrir et de dégager les raisons particulières qui ont déterminé cette évolution en Allemagne. La généralisation peu critique de cette ligne d’évolution allemande moderne le conduit à des conclusions historiquement fausses, car les deux plus grandes époques du théâtre, l’époque grecque et l’époque shakespearienne, suivent précisément la voie opposée. Elles vont de leurs origines religieuses et rituelles directement à l’irréligion et même jusqu’à la lutte dramatique ouverte contre les idées religieuses. Et cette tournure antireligieuse n’apparaît pas dans ces grandes époques seulement au terme de l’évolution ; mais au contraire, dès ses débuts, le drame véritable contient foncièrement de telles tendances ; que l’on songe seulement au Prométhée d’Eschyle ou à Marlowe.

De telles objections critiques contre la méthode de jugement et contre la conception de l’histoire de Thomas Mann ne signifient pas que son intention d’étudier avec compréhension et de ne pas rejeter en bloc des figures aussi importantes que Richard Wagner serait fausse. Nous répétons que nous sommes d’accord avec cette intention de Mann, que nous la considérons même comme très féconde pour l’analyse de l’héritage culturel. Mais pour réaliser cette intention de façon vraiment féconde, il est nécessaire de voir clairement cette situation objectivement tragique dans laquelle les écrivains importants de l’Allemagne, qui vécurent la Révolution de 1848 comme génération montante, se trouvèrent après sa défaite, après la trahison de la bourgeoisie allemande à l’égard de sa propre révolution. L’histoire de la littérature allemande de cette période contient toute une série de tragédies bouleversantes, de tragédies de grands écrivains qui échouèrent à cause de cette évolution, qui, à cause de cette cassure, n’atteignirent jamais les hauteurs dont ils auraient été capables et auxquelles ils auraient été appelés si l’on en croit leur talent. Outre Wagner, je renvoie à Hebbel, à Otto Ludwig ; Heine, à la fin de sa vie, subit aussi certaines modifications, la carrière de Gottfried Keller s’en trouve également modifiée. La grandeur de ces personnages ne recevrait l’éclairage exact que si la critique littéraire étudiait ces tragédies, les expliquait à partir des conditions objectives et des particularités subjectives de chaque écrivain, cela avec une compréhension aussi délicate et une pénétration aussi intime que celles de Thomas Mann quand il défend le déclin de Wagner. La conception de la « vie de l’esprit sous l’égide du pouvoir », l’idée selon laquelle, sur la base du compromis idéologique avec la monarchie des Hohenzollern, une grande littérature (ou une grande philosophie) serait possible, empêche Thomas Mann de dire ici des choses décisives, bien qu’il distingue clairement à travers quelques signes isolés les tendances décadentes de Wagner.

Les conséquences de cette conception de Thomas Mann pour le problème du réalisme sont particulièrement importantes quant au jugement sur la littérature elle-même. Une fois encore, l’intention est louable lorsque Thomas Mann compare constamment Wagner avec les réalistes importants de la deuxième moitié du XIXe siècle, surtout avec Zola et Ibsen. Il dépasse ainsi d’heureuse façon cette simplification vulgairement sociologique du problème du réalisme qui présentait des dangers, en particulier, pour l’appréciation de la littérature allemande, une conception qui niait tout réalisme chez tous les personnages représentant des tendances fortement irréalistes, voire antiréalistes. (Que l’on pense surtout au mot d’ordre « à bas Schiller », aussi bien dans le naturalisme allemand qu’à une certaine étape de l’évolution théorique en Russie.)

Thomas Mann a raison quand il souligne l’impossibilité de donner sa vraie valeur artistique à Wagner, même dans sa vieillesse, sans tenir compte de ces éléments réalistes de sa méthode créatrice. Malheureusement, la mise en œuvre de cette aspiration juste devient chez lui inconséquente à un double titre. D’une part il ne s’arrête pas aux conditions particulières de l’évolution de Zola et d’Ibsen et néglige ainsi la prédominance plus marquée des tendances réalistes chez eux en comparaison avec Wagner. Et cette prédominance plus marquée du réalisme n’est naturellement pas qu’un simple surcroît quantitatif, mais signifie au contraire des méthodes créatrices qualitativement différentes. D’autre part la comparaison de Thomas Mann s’appuie sur les faiblesses, les penchants mystiques et symboliques de la méthode créatrice de Zola et Ibsen. Comme il défend Richard Wagner et ne l’analyse pas en tant que victime tragique des circonstances particulières à l’Allemagne, ces côtés faibles et inconséquents du réalisme de Zola, par exemple, lui offrent momentanément des arguments efficaces, mais qui compliquent encore plus la ligne théorique fondamentale de ses analyses et l’amènent à tirer des conséquences fausses.

Il compare Zola et Wagner de la façon suivante : « Ce n’est pas seulement l’ambition du gigantisme, le goût artistique pour le grandiose et le massif qui les rapproche, ce n’est pas non plus seulement, au point de vue technique, le leitmotiv homérique, c’est avant tout un naturalisme qui atteint au symbolisme et culmine dans le mythe ; car qui pourrait méconnaître dans l’œuvre de Zola le symbolisme et le penchant mythique qui élèvent ses personnages au- dessus du réel ? Cette Astarté du Second Empire appelée Nana, n’est- elle pas un symbole et un mythe ? D’où tire-t-elle son nom ? C’est un son originel, un balbutiement antique et voluptueux de l’humanité ; Nana, c’était un surnom de l’Ishtar de Babylone. Zola l’a-t-il su ? Mais s’il ne l’a pas su, c’est d’autant plus remarquable et significatif. »

Cette conception de Thomas Mann n’est pas seulement très importante quant à la méthodologie de l’histoire littéraire, ne l’est pas seulement quant au jugement sur Wagner et ses contemporains, mais encore comme position de principe de Thomas Mann sur le problème d’ensemble du réalisme contemporain. Mann tire également toutes les conséquences de cette conception en considérant le mythe, la création et la mise en forme de mythes contemporains, comme un principe légitime et actuel du réalisme contemporain. Il combat l’idée selon laquelle le mythe et la psychologie seraient des principes incompatibles de la création réaliste et ramène ainsi, sans l’exprimer clairement, et même vraisemblablement sans en être conscient, les principes de création du réalisme à la psychologie. Sans esprit critique il se rallie ainsi dans ses théories à cet appauvrissement du réalisme moderne qui devint une tendance dominante dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

La propension à unir le mythe et la psychologie le conduit à faire, à travers la défense de la synthèse wagnérienne, de larges concessions aux pseudo-réalistes qui dominent aujourd’hui. Il déclare à propos de l’union de la psychologie et du mythe : « On veut nier leur compatibilité. La psychologie apparaît comme quelque chose de si rationnel que l’on pourrait se résoudre à n’y voir par exemple aucun obstacle insurmontable sur le chemin du pays des mythes. Elle passe pour l’opposé du mythe, comme elle passe pour l’opposé de la musique, bien que précisément ce complexe de psychologie, de mythe et de musique se présente à nos yeux aussitôt dans deux cas importants, celui de Nietzsche et de Wagner, comme réalité organique. »

Ce propos de Mann n’est pas une déclaration fortuite, c’est ce que l’on peut constater aussi nettement dans ses considérations sur le nouveau cycle romanesque mythique Joseph et ses frères 2 que dans son activité de critique. Lorsqu’il juge des contemporains importants, il succombe également à la faiblesse que nous dûmes constater dans son appréciation de Wagner. Dans l’article qu’il écrit pour saluer le soixante-dixième anniversaire de Gerhart Hauptmann, Thomas Mann s’aperçoit très clairement que Hauptmann s’est de plus en plus éloigné de la ligne de critique sociale qu’il suivit dans sa jeunesse. Mais Mann ne constate pas seulement ce fait, il le glorifie en même temps. Il parle de « l’aspect profondément et légitimement allemand et poétique » dans la nature de Hauptmann, « qui, malgré tout son républicanisme déclaré et malgré le socialisme naturaliste des « Tisserands » et des « Rats », est plus à son aise dans le monde de l’infini et du cosmique que dans le monde social… » C’est pour cela que la critique sociale, telle que la pratiquent dans les pays latins des écrivains du rang de Hauptmann, « dévie chez cet homme au regard quelque peu imprécis vers la métaphysique et le mythe. » « Mais, demande Thomas Mann, le germanisme métaphysique et la profession de foi sociale, est-ce que cela s’exclurait par hasard ? Et particulièrement chez Hauptmann ? » (Neue Rundschau, novembre 1932).

Cependant on a pu voir clairement où cette « légère déviation métaphysique » a conduit. Toutefois ce n’est pas l’erreur de Mann dans le cas de Hauptmann qui est ici déterminante mais son utilisation, malheureusement conséquente, de cette conception de l’histoire qui aperçoit déjà dans la lutte politique passionnée de Schiller pour la liberté une tendance « française », pas authentiquement allemande, et qui a approuvé sans véritable critique l’évolution allemande depuis 1848, la tournure mythique donnée aux problèmes sociaux et historiques.

Mais, lorsqu’il s’agit de défendre les grandes traditions de la philosophie humaniste et du réalisme littéraire contre la barbarie fasciste, contre le pseudo-réalisme et l’antiréalisme démagogiques des nationaux-socialistes, Thomas Mann se retrouve de la sorte dans une position difficile, parfois même extrêmement faible. Car le mythe, surtout sous la forme qu’il reçoit chez Wagner et Nietzsche, est précisément un des points capitaux de la justification « théorique » du mythe par les fascistes allemands. Quels que soient la haine et le mépris de Thomas Mann pour la fausseté et la duplicité, pour la barbarie décadente du fascisme allemand, il lui est donc impossible, à partir de ces points de vue théoriques, de combattre efficacement les points capitaux de la barbarie culturelle du fascisme. Pour toutes les questions politiques, culturelles et littéraires essentielles, il s’oppose résolument au fascisme ; mais sa conception de l’histoire et les conséquences de celle-ci pour sa conception des méthodes réalistes de création réduisent énormément la force de sa polémique.

Cela s’exprima clairement dans les discussions sur Joseph et ses frères, le roman de Thomas Mann qualifié de mystique. La critique fasciste flaira avec un instinct sûr les contradictions du fond et tenta de rabaisser autant que possible la nouvelle œuvre de Thomas Mann. Cependant, les défenseurs de Mann se retrouvèrent par force dans une position théoriquement fausse, car ils furent contraints d’opposer le « mythe » de Mann aux mythes fascistes, au lieu de démasquer sans ménagements le caractère mensonger de toute la conception fasciste du mythe. Un de ces critiques, E.H Gast, souligne ainsi que les critiques des fascistes montrent « à quel point la rencontre avec le vieux mythe dérange les inventeurs du nouveau, du « mythe du vingtième siècle ». » Et il conclut dans sa comparaison du mythe de Mann avec celui des fascistes, « qu’il y a entre eux les mêmes rapports qu’entre la mentalité ou « l’opinion » et l’inspiration, qu’entre ce qui est fabriqué et ce qui est créé ». (Die Sammlung, Amsterdam, janvier 1934.) Gast oppose donc d’une façon très éclectique au « bon » mythe de Mann le « mauvais » mythe de Rosenberg.

Dans cette position théoriquement faible de ses défenseurs, la responsabilité de Thomas Mann lui-même n’est pas entièrement nulle. La ligne d’évolution de la littérature allemande, qu’il trace dans ce livre, va de Goethe à Wagner et Nietzsche en passant par Schopenhauer. Et Nietzsche devient ainsi pour Thomas Mann, malgré les critiques de détail, le théoricien principal de l’évolution récente. Tant qu’il s’agit là d’une constatation des faits jalonnant l’évolution de la littérature et de la philosophie bourgeoises en Allemagne, Thomas Mann a raison. Nietzsche est effectivement le penseur et l’écrivain le plus influent des dernières décennies en Allemagne. La question est alors de savoir dans quelle direction l’influence de Nietzsche se fait sentir, qui sont les continuateurs conséquents et légitimes de son œuvre. Il n’est pas question ici du niveau intellectuel ou des capacités stylistiques de Nietzsche. Que l’on ne peut régler le cas de Nietzsche d’un geste de la main ou bien en quelques phrases, c’est ce que j’ai moi-même essayé de montrer (Nietzsche comme précurseur de l’esthétique fasciste, contribution à l’histoire de l’esthétique, édité par Aufbau-Verlag). Mais j’ai également montré que le point central de la philosophie nietzschéenne est la justification philosophique de cette barbarisation qui devint, à l’époque du fascisme, une terrible réalité politique et culturelle. La possession de l’héritage classique par Nietzsche ne lui servit qu’à barbariser cet héritage grâce à de puissants moyens intellectuels, qu’à couper radicalement les ponts entre l’humanisme révolutionnaire de la période classique de l’évolution humaine et l’idéologie impérialiste. Lorsque Thomas Mann cherche chez Nietzsche un support théorique pour ses aspirations humanistes, pour sa lutte contre la barbarie fasciste, il se tourne donc vers une source où il ne pourra trouver rien d’efficace pour les buts qu’il poursuit. Quant à l’esprit, à la culture, au talent, au discernement et à l’honnêteté, Thomas Mann est à cent pieds au-dessus de toute idéologie fasciste, mais de Nietzsche on pourra toujours tirer plus logiquement des conséquences fascistes qu’antifascistes.

C’est un trait particulier intéressant et significatif de Thomas Mann que son évolution s’accomplisse sans à-coups sous la forme d’une croissance organique. Nous devons à cette particularité ses œuvres réalistes importantes. Mais une fois déjà cette particularité l’a entraîné idéologiquement dans une situation dangereuse lorsque, à l’époque de la guerre mondiale, cette lente croissance organique ne put suivre le rythme de l’évolution tumultueuse de l’histoire, et que Thomas Mann ne retrouva le contact avec les courants démocratiques de son temps qu’avec un certain retard. Il nous semble que l’évolution de Thomas Mann est, aujourd’hui encore, menacée par un danger semblable. Le dépassement de ces éléments d’expérience et de connaissance, qui proviennent d’un passé plus ancien, s’accomplit chez lui très lentement, parfois à un rythme organique pratiquement végétal. Il tire les conséquences de la nouvelle situation mondiale beaucoup plus lentement sur le plan idéologique et critique que dans le domaine politique et dans celui de la création. Des signes d’une telle transformation, d’une telle refonte, sont certes également contenus dans ce livre. Nous avons cité précédemment le passage intéressant sur le développement de l’humanisme bourgeois au- delà des mœurs bourgeoises. Et dans son essai sur Cervantès, écrit après l’accession au pouvoir de Hitler, nous trouvons déjà un indice que Thomas Mann commence à prendre, en particulier à l’égard de Nietzsche, une position plus critique qu’il ne l’avait fait jusque-là. A la fin de l’essai, il compare Nietzsche à Don Quichotte, et cette comparaison pourrait à l’occasion conduire Thomas Mann à réviser toute son attitude vis-à- vis de Nietzsche et, en rapporte avec cela, vis-à-vis des problèmes de l’évolution allemande au XIX siècle. Dans l’essai lui-même, cette comparaison n’est qu’un aperçu. Mais précisément l’évolution organique de Thomas Mann peut donner au lecteur l’espoir qu’il n’en restera pas à cet aperçu.

Il est compréhensible, et même presque inévitable, que le combat antifasciste des humanistes bourgeois importants se soit d’abord presque toujours limité à une attaque contre l’activité politique immédiate des nationaux-socialistes. La barbarie hitlérienne était si inouïe, qu’en comparaison avec elle toute étape passée de l’évolution allemande apparaissait comme une époque hautement civilisée, que l’on croyait pouvoir déceler dans le fascisme la rupture radicale avec tout passé allemand. Mais un jour ou l’autre les penseurs importants du mouvement antifasciste ne se contentent plus de s’arrêter à la surface immédiate des manifestations du fascisme. Cette dernière attitude n’est en effet qu’une adaptation culturelle de la conception qui voit dans le Troisième Reich la domination sur la bourgeoisie et les travailleurs d’une couche barbare et brutale de petits-bourgeois entrée en fureur Mais dès que le caractère capitaliste et monopoliste du national-socialisme se révèle aux antifascistes honnêtes et clairvoyants, alors s’ouvre pour eux aussi sur le plan culturel la voie permettant de se faire une idée exacte des rapports entre le fascisme et les tendances réactionnaires du passé.

Ce processus a débuté ces dernières années. C’est pourquoi le grand mouvement antifasciste international commence à se lancer dans la critique de la culture capitaliste en général, de la culture de la période impérialiste en particulier. Ce faisant, on prend déjà parfois une position plus critique justement à l’égard de ces penseurs que l’on révéra autrefois aveuglément, chez lesquels on commence maintenant à apercevoir les tendances réactionnaires et celles conduisant au fascisme. Désormais les représentants les plus éminents du front antifasciste se soumettent à ce processus difficile et compliqué de la révision de leur propre bagage idéologique. Parmi eux, Thomas Mann. Que chez lui aussi la position tranchée quant aux questions directement politiques précède la révision du passé au point de vue philosophique et historique, voilà qui ne doit pas surprendre. On doit au contraire y voir une saine possibilité d’évolution. Car seule la position créatrice juste vis-à-vis du présent peut permettre de comprendre également de façon juste les tenants et aboutissants du passé.

Les écrits de Thomas Mann commentés ici doivent eux aussi être considérés comme produits d’une telle transition. Lorsque nous comparons leur méthode et leurs résultats aux déclarations politiques isolées et beaucoup plus avancées de leur auteur, nous n’en oublions pas pour autant que la plus grande partie de ces essais fût écrite avant la prise du pouvoir par Hitler et que Thomas Mann a parcouru depuis un long chemin. Nous souhaitons seulement, dans l’intérêt de l’efficacité du combat antifasciste, dans l’intérêt de la culture allemande, que Thomas Mann puisse lui aussi prendre de plus en plus conscience de ce décalage, que cette cohésion organique si belle de toutes les idées, qui est la sienne, puisse se parfaire en s’alignant sur ses points de vue les plus avancés.

Sources
  1. Présentation de Goethe à la jeunesse japonaise, 1932, in Les Maîtres, Grasset, cahiers rouges, Paris, 1997, page 84.
  2. Les Histoires de Jacob, le jeune Joseph, Joseph en Égypte, Joseph le nourricier, L’imaginaire Gallimard, Paris, 2001.
Crédits
Ce texte est la traduction de l’essai Thomas Mann über das literarische Erbe (1936). Il occupe les pages 69 à 82 du recueil Schicksalswende, Beiträge zu einer neuen deutschen Ideologie [Tournants du destin, Contributions à une nouvelle idéologie allemande] (Aufbau, Berlin, 1956). Il a été publié en français dans le recueil Thomas Mann, François Maspero, Paris, 1967, pages 157 à 170, dans une traduction de Paul Laveau.
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