Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a reproché à son homologue slovaque Robert Fico de boycotter les efforts de l’Union pour se détourner du gaz russe, l’accusant d’être complice du chantage de Moscou et de chercher à tirer profit de la guerre d’agression que Poutine mène en Ukraine. Ces déclarations font suite à la visite surprise de Fico à Moscou dimanche 22 décembre.

L’approvisionnement en gaz russe est au cœur des discussions.

  • Le président ukrainien a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’allait pas renouveler l’accord de transit de gaz avec la Russie au-delà du 31 décembre 2024, mettant ainsi fin au contrat que Gazprom, l’un des principaux opérateurs énergétiques russes, avait signé avec Naftogaz en 2019.
  • La fin du contrat de transit du gaz russe via l’Ukraine affectera les importations de plusieurs pays européens dont l’Autriche, la Hongrie et la Slovaquie. 
  • Dans une déclaration publiée lundi 23 décembre sur X (Twitter), Zelensky a accusé le Premier ministre Fico de participer à des négociations commerciales « obscures » avec la Russie. Selon Zelensky, « Fico a même refusé des compensations pour faciliter la période de transition et se débarrasser de la dépendance, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’une question de sécurité. Il s’intéresse plus particulièrement au gaz russe, dont la valeur s’élève à 500 millions de dollars par an ».

Fico a confirmé sur sa page Facebook avoir discuté avec Poutine du transit de gaz. Dans son message, il justifiait son voyage à Moscou en faisant savoir que l’approvisionnement régulier en énergie bon marché constituait une question de sécurité nationale. Il a également indiqué que la Russie l’avait assuré qu’elle était prête à continuer de fournir du gaz, mais que cela serait pratiquement impossible si l’Ukraine n’y participait pas.

  • En 2023, la Slovaquie dépendait du gaz russe via l’Ukraine pour environ 65 % de ses approvisionnements.
  • Le Premier ministre Fico avait annoncé le 20 décembre que son pays pourrait envisager des mesures à l’encontre de l’Ukraine si celle-ci n’autorisait pas le transit du gaz russe vers l’Europe.
  • Le lendemain, son homologue hongrois a lui aussi annoncé qu’il était en discussion avec Moscou pour maintenir le flux du gaz russe transitant via l’Ukraine. Orban et Poutine auraient ainsi discuté d’une « astuce » : « et si le gaz, au moment où il pénètre sur le territoire de l’Ukraine, n’était plus russe, mais appartenait déjà aux acheteurs » 1.
  • Ni la Russie ni l’Ukraine n’ont déclaré être en faveur de cette solution, qui permettrait à Moscou de continuer à exploiter le territoire ukrainien pour financer sa guerre.

Si depuis 2022 les États membres ont drastiquement réduit leur dépendance du gaz russe transporter via gazoduc, l’Union continue à importer des volumes importants de gaz naturel liquéfié russe– entre janvier et novembre l’Union a importé 19 298 millions de m³ de GNL en provenance de Russie — soit plus qu’en 2022 (18 949 millions de m³) et 2023 (17 801).

  • Actuellement, le gaz russe transporté par gazoduc n’est acheminé vers certains États membres que par deux routes : le corridor ukrainien et TurkStream. 
  • Seul le point d’interconnexion de Veľké Kapušany en Slovaquie reste opérationnel pour les importations de gaz russe via l’Ukraine, les flux via la Hongrie (Bereg) et la Roumanie (Isaccea) ayant cessé. Bien qu’il existe des échanges de gaz entre l’Ukraine et la Pologne à Drozdovichi, ces flux résultant d’achats sur le marché ukrainien et non d’importations directes 2
  • La dépendance de l’Union vis-à-vis du gaz russe devrait faire l’objet de plus d’attention de la part des Européens à partir de 2025. 

Fico est le troisième dirigeant européen à rendre visite à Poutine depuis le début de la guerre, après Orban et le chancelier autrichien Karl Nehammer. Une source a indiqué au Grand Continent que Fico avait informé le président du Conseil européen, António Costa, de son voyage en Russie.

Sources
  1. Krisztina Than, « Hungary in talks on Russian gas shipments via Ukraine, PM Orban says », Reuters, 21 décembre 2024.
  2. Katja Yafimava, Transit of Russian gas across Ukraine : conditions for post-2024 continuation, Oxford Institute for Energy Studies, December 2024.