Les perturbations successives des chaînes d’approvisionnement durant la décennie 2010 et les premières années de la décennie 2020 ont incité les décideurs politiques et économiques, notamment aux États-Unis et en Europe, à réfléchir à des moyens pour atténuer les risques associés à une forte dépendance vis-à-vis d’un nombre limité de fournisseurs, en particulier la Chine.

Cette dynamique, qui s’applique particulièrement aux secteurs stratégiques tels que la micro-électronique, l’aérospatial et l’industrie pharmaceutique, mais aussi à l’approvisionnement en ressources énergétiques et en minerais critiques, s’explique par des considérations liées à la nécessité d’assurer une indépendance stratégique dans un contexte de tensions géopolitiques accrues. Le risque d’instrumentalisation des chaînes d’approvisionnement à des fins géopolitiques a contraint les décideurs à intégrer le facteur de convergence politique dans leur réflexion sur la reconfiguration de ces chaînes, souvent au détriment des considérations de fiabilité opérationnelle, jusque-là prédominantes. L’embargo sur les terres rares imposé par la Chine au Japon en 2010, prétendument en raison d’un différend concernant les îles Senkaku/Diaoyu, ainsi que l’introduction de barrières tarifaires et de restrictions à l’exportation dans le cadre de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et du conflit en Ukraine, illustrent une tendance globale de fragmentation géoéconomique et le recours plus fréquent à des stratégies de « coercive economic statecraft ». La base de données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les restrictions à l’exportation des matières premières montre que celles-ci ont été multipliées par cinq depuis 2009 sur les matières critiques et que 10 % du commerce mondial des matières premières fait désormais l’objet d’au moins une mesure de restriction à l’exportation 1.

Cette réalité explique les débats au sein de l’Union européenne sur le « découplage » et le « dérisquage » des relations économiques avec certains partenaires extérieurs. La quête de convergence politique a été privilégiée dans le contexte européen, comme le montre le rapport de prospective stratégique 2022 de la Commission européenne 2. Ce rapport appelle notamment à « renforcer la résilience et l’autonomie stratégique ouverte dans les secteurs essentiels » aux transitions verte et numérique, ainsi qu’à « gérer de manière stratégique l’approvisionnement en matériaux critiques et produits de base, en adoptant une approche systémique à long terme afin d’éviter de tomber dans un nouveau piège de dépendance ».

La convergence politique est également l’un des principes fondamentaux derrière la formulation de la législation européenne sur les matières premières critiques 3. La stratégie précise que l’Union « intensifiera ses actions commerciales, notamment en créant un club des matières premières critiques pour tous les pays partageant les mêmes valeurs et désireux d’améliorer les chaînes d’approvisionnement mondiales ».

La convergence politique est l’un des principes fondamentaux derrière la formulation de la législation européenne sur les matières premières critiques.

 Sabrine Emran, Oussama Tayebi

Aux États-Unis, les frictions avec la Chine et le risque d’une instrumentalisation des chaînes d’approvisionnement à des fins géopolitiques sont également devenus un sujet majeur dans le débat politique et dans la formulation d’orientations en matière de sécurité nationale, de politique étrangère et économique, notamment en ce qui concerne la politique industrielle. La Secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a ainsi appelé dans un discours prononcé à l’Atlantic Council en avril 2022 à moderniser l’approche multilatérale utilisée jusque-là pour construire l’intégration commerciale 4. Janet Yellen a précisé que l’objectif devrait être de « parvenir à un commerce libre mais sûr » et qu’il ne fallait pas permettre à des pays « d’utiliser leur position sur le marché des matières premières, des technologies ou des produits clés pour avoir le pouvoir de perturber notre économie ou d’exercer une influence géopolitique indésirable ».

Pour ce faire, elle a encouragé le recours au « friend-shoring », c’est-à-dire une délocalisation vers des pays « amis ». Cette approche, selon Yellen, permettrait de continuer à étendre l’accès au marché en toute sécurité et de réduire les risques pour l’économie américaine ainsi que pour « les partenaires commerciaux de confiance ». Ces considérations s’appliquent également en partie à la promotion par l’administration Biden d’efforts en matière de relocalisation et de « nearshoring ». Cela est assez clair par exemple dans la croissance des échanges commerciaux avec le Mexique, devenu en 2023 premier partenaire commercial des États-Unis, devançant la Chine. Cette croissance, qui peut être également attribuée à une volonté des producteurs chinois de contourner les tarifs douaniers américains, s’est accompagnée d’un boom en matière d’investissements directs étrangers (IDE). Au Mexique, les investissements directs étrangers ont atteint un niveau record de plus de 36 milliards de dollars en 2023, dont 38 % en provenance des États-Unis, selon le ministère mexicain de l’économie 5.

Pour parer aux risques liés à cette nouvelle géopolitique des chaînes d’approvisionnement, Washington a également encouragé l’établissement de partenariats et projets conjoints avec certains pays. Les États-Unis et le Japon ont signé en mars 2023 un accord portant sur les matériaux nécessaires à la fabrication des batteries de voitures électriques. En 2023, les discussions entre les États-Unis et l’Arabie saoudite ont porté sur la sécurisation des matières premières critiques en Afrique, essentielles aux transitions énergétiques des deux pays. Un projet saoudien, soutenu par l’État, prévoit d’acquérir pour 15 milliards de dollars de parts dans des actifs miniers en Afrique, notamment en République démocratique du Congo (RDC), en Guinée et en Namibie. Cet accord accorderait aux entreprises américaines des droits sur une partie de la production 6. Cette stratégie permettrait à l’Arabie saoudite de renforcer sa position dans la compétition mondiale pour l’accès au cobalt, au lithium et à d’autres matières premières critiques indispensables à la fabrication de batteries et de semi-conducteurs. D’autres pays du Golfe manifestent également un intérêt croissant pour le secteur minier, attirés par les opportunités qu’offre le continent africain. C’est le cas de l’entreprise émiratie International Resource Holding qui a fait l’acquisition de 51 % des parts de la mine de cuivre de Mopani 7 et qui envisageait de faire l’acquisition d’une participation dans la mine de Vedanta avant de retirer l’offre 8. Les Émirats arabes unis se sont également engagés aux côtés des États-Unis à investir dans des chaînes d’approvisionnement responsables et résilientes dans le cadre de l’initiative PACE, y compris dans des pays tiers 9.

Certains pays du Golfe manifestent un intérêt croissant pour le secteur minier, attirés par les opportunités qu’offre le continent africain.

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Les tendances actuelles en matière de reconfiguration des chaînes d’approvisionnement — malgré les craintes de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) quant à une possible fragmentation économique mondiale en deux blocs distincts 10 — présentent une opportunité significative pour les pays africains.

Certains peuvent ainsi attirer des investissements dans divers secteurs et accroître leurs revenus grâce à une exploitation plus efficace des ressources naturelles, notamment par une transformation locale accrue des matières premières, en particulier minérales. La Banque mondiale estime que les pays d’Afrique subsaharienne ne perçoivent en moyenne que 40 % des recettes potentielles provenant de leurs ressources naturelles 11. La bauxite brute, par exemple, ne coûte que 65 dollars la tonne ; une fois transformée en aluminium, elle atteint la somme considérable de 2 335 dollars la tonne, selon les prix en vigueur à la fin de l’année 2023 12. Les ambitions en matière de transformation locale des ressources pourraient non seulement contribuer à diversifier les économies nationales, mais aussi à accélérer l’intégration régionale sur le continent. Les possibilités offertes par la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), notamment en réduisant les barrières tarifaires et en faisant émerger un marché de grande envergure, pourraient faciliter la mise en place de chaînes de valeur régionales compétitives. L’agrégation des minerais et la fabrication au niveau régional favoriseraient ainsi, à terme, le développement de plusieurs secteurs industriels liés aux technologies vertes. 

Les opportunités offertes par les changements dans les stratégies d’approvisionnement sont particulièrement importantes dans le contexte de la transition verte et de la croissance exponentielle de la demande en minerais critiques. Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le marché des minerais essentiels pour la production et l’alimentation des technologies propres (véhicules électriques, éoliennes, panneaux solaires, etc.) a doublé au cours des cinq dernières années 13. L’AIE estime également que la demande en minerais pour les technologies énergétiques propres pourrait doubler d’ici 2030 dans le Scénario des politiques déclarées (STEPS). Cette demande pourrait presque tripler d’ici 2030 et quadrupler d’ici 2040 dans le Scénario de zéro émission nette (NZE), atteignant près de 40 millions de tonnes​​ 14.

L’Afrique détient 30 % des réserves de minerais critiques, essentiels pour les technologies renouvelables et à faible émission de carbone, notamment pour l’énergie solaire, les véhicules électriques (voir ci-dessous) et le stockage des batteries, selon la Fondation Mo Ibrahim 15. La conjonction de ces facteurs souligne l’urgence pour les gouvernements africains de développer des politiques qui capitalisent sur l’alignement de ces facteurs favorables pour réduire leur dépendance aux matières premières​​.

L’opportunité d’une réduction de la dépendance économique aux matières premières : l’exemple de la République démocratique du Congo

Le cas de la République démocratique du Congo illustre comment certains pays africains cherchent à tirer parti des dynamiques de reconfiguration des chaînes d’approvisionnement et du contexte de transition verte pour transformer leurs économies et valoriser localement leurs ressources. Conscientes du rôle prééminent que jouent certaines ressources minières, largement disponibles en RDC, dans le processus de décarbonation des économies, les autorités congolaises ont lancé plusieurs initiatives visant à attirer des investissements, notamment dans le secteur des batteries.

Parmi ces ressources, le cobalt occupe une place centrale. Sur les 7,6 millions de tonnes des réserves mondiales de cobalt, 3,5 millions sont détenues par la RDC 16. En 2022, la production de cobalt de la RDC atteignait environ 130 000 tonnes, soit 70 % de la production mondiale 17. Ce volume élevé de production a entraîné une augmentation significative des exportations au cours de la dernière décennie (voir figure 4). En 2021, l’exploitation minière représentait environ 95 % des recettes d’exportation de la RDC et constituait une part substantielle des recettes publiques du pays 18.

Sur les 7,6 millions de tonnes des réserves mondiales de cobalt, 3,5 millions sont détenues par la République démocratique du Congo.

 Sabrine Emran, Oussama Tayebi

Le modèle économique de la RDC repose largement sur les exportations minières, avec une priorité accordée au secteur extractif, souvent au détriment du développement des autres secteurs de l’économie. Le cuivre et le cobalt représentent 40 % du PIB de la RDC, tandis que toutes les autres exportations n’en représentent que 5 % 19.

Cette faible diversification économique rend le pays particulièrement sensible aux fluctuations des prix des matières premières, comme en témoigne la baisse significative des exportations après la chute des cours du cuivre en 2015.

Cependant, la RDC pourrait aujourd’hui valoriser davantage ses ressources minières au niveau local en développant des capacités de transformation, notamment dans le raffinage du cuivre et la production de batteries pour véhicules électriques, afin de maximiser la valeur ajoutée. Ces initiatives visent à réduire la dépendance aux fluctuations des prix internationaux des matières premières, à créer des emplois locaux et à stimuler le développement économique du pays. Cette stratégie de valorisation locale prend encore plus de sens dans le contexte de la croissance exponentielle du marché des véhicules électriques. Ce marché est en passe d’atteindre une valeur de 8,8 trillions de dollars en 2025, et de 46 trillions de dollars d’ici 2050. L’essor de la demande pour les batteries rechargeables, stimulé par l’utilisation des smartphones et les besoins de stockage d’énergie renouvelable, offre d’immenses opportunités pour le continent africain de propulser son développement dans le cadre de la transition vers une énergie propre 20.

La RDC a pris conscience de la nécessité de maximiser les bénéfices tirés de ses ressources en cuivre et en cobalt et a formulé l’ambition, en collaboration avec la Zambie, de produire des batteries pour véhicules électriques.

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Ces dynamiques renforcent l’attractivité de la RDC pour les investisseurs étrangers. Des acteurs américains et surtout chinois ont déjà largement investi dans le secteur minier du pays et de nouveaux acteurs, notamment le Japon et les pays du Golfe, ont également exprimé leur intérêt. Cette attractivité est en grande partie due aux incitations offertes par Kinshasa. Le pays a en effet établi une zone économique spéciale pilote à Maluku, couvrant une superficie de 244 hectares. Formée dans le cadre d’un partenariat public-privé, elle offre des avantages fiscaux et réglementaires aux investisseurs et entrepreneurs, incluant une exonération fiscale de cinq à dix ans 21.

Par ailleurs, le gouvernement congolais soutient des initiatives majeures pour renforcer son secteur minier, telles que le projet de construction d’une raffinerie de cuivre et de cobalt dans la province du Lualaba. Ce projet, d’un coût estimé à 350 millions de dollars et développé par l’entreprise Buenassa Sarl, vise à structurer et moderniser l’exploitation minière artisanale dans la région. Le soutien financier du gouvernement, à hauteur de 3,5 millions de dollars via le Fonds de promotion de l’industrie, illustre l’engagement de Kinshasa à promouvoir ces initiatives stratégiques 22. Les prévisions pour la première phase tablent sur une production annuelle de 30 000 tonnes de cathodes de cuivre et 5 000 tonnes de sulfate de cobalt. L’objectif est de créer une chaîne de valeur intégrée autour du traitement des batteries et des véhicules électriques, avec l’engagement du gouvernement de la RDC à promouvoir une industrialisation responsable et un développement économique régional vert, créant ainsi un impact positif sur les communautés locales. Cela est en accord avec la vision de la RDC, mise en avant par le président Félix Tshisekedi, qui encourage la valorisation locale et l’ajout de valeur aux minerais critiques dont le pays est richement doté 23. Dans le même cadre, la Commission Économique pour l’Afrique (CEA), le Bureau Sous-Régional pour l’Afrique australe (BSR-AA) et Afreximbank, en collaboration avec le ministère du Commerce et de l’Industrie, examinent l’étude de préfaisabilité pour la mise en œuvre d’une Zone économique spéciale transfrontalière pour l’industrie des batteries et des véhicules électriques entre la RDC et la Zambie. L’initiative des batteries et véhicules électriques (BEV), visant à établir une chaîne de valeur dans le secteur des batteries électriques et de l’énergie propre, est soutenue au plus haut niveau politique dans les deux pays. 

La RDC a pris conscience de la nécessité de maximiser les bénéfices tirés de ses ressources en cuivre et en cobalt et a formulé l’ambition, en collaboration avec la Zambie, de produire des batteries pour véhicules électriques. En avril 2022, les deux pays ont en effet signé un accord de coopération visant à développer la chaîne de valeur dans le secteur des batteries électriques et de l’énergie propre. Cet accord prévoit la création d’un cadre de gouvernance commun, nommé « Conseil de la Batterie de la RDC-Zambie », ainsi qu’un comité technique chargé du suivi et de l’évaluation du projet. Les deux pays ont également prévu l’établissement de Zones économiques spéciales transfrontalières à Kipushi, en RDC, et Ndola, en Zambie, dédiées à la production de précurseurs de batteries pour véhicules électriques 24.

Cette initiative a été suivie, lors du sommet des dirigeants États-Unis-Afrique en décembre 2022, par la signature d’un mémorandum tripartite entre la RDC, la Zambie et les États-Unis 25. Ce protocole d’accord vise à renforcer la coopération entre les participants pour promouvoir les opportunités d’investissement offertes par l’initiative conjointe RDC-Zambie auprès du secteur privé américain et à identifier les possibilités de cofinancement pour les investissements liés à la chaîne de valeur des véhicules électriques. Le soutien des États-Unis à l’initiative RDC-Zambie pour le développement d’une chaîne de valeur de batteries démontre concrètement les opportunités significatives offertes par l’adoption de nouvelles stratégies dans les chaînes d’approvisionnement en minerais critiques.

En créant une chaîne de valeur intégrée pour les véhicules électriques et les batteries, la RDC pourrait se positionner, aux côtés d’autres pays comme la Zambie, comme acteur — pour ne pas subir les fluctuations des prix mais contribuer également à leur formation. La demande continuera effectivement à être le principal moteur des mouvements de prix du cobalt — et l’accélération des transitions énergétiques contribuera également à cette augmentation de la demande. Cependant, même s’il faut considérer les principaux acteurs tels que les États-Unis, la Chine et d’autres qui sont dans la course pour sécuriser leur approvisionnement en minerais critiques, il est crucial de renforcer l’offre africaine non seulement en améliorant les conditions d’investissement dans le secteur minier, mais aussi en mettant sur le marché un produit de plus grande valeur, plutôt que d’exporter uniquement des minerais bruts et de ne pas bénéficier de la hausse de la demande et du retour positif que cela pourrait avoir sur l’économie domestique. Cela peut conduire à la création d’opportunités de travail équitables et éthiques, à l’augmentation des revenus d’exportation et à la contribution à l’afflux d’investissements directs étrangers en RDC.

En créant une chaîne de valeur intégrée pour les véhicules électriques et les batteries, la RDC pourrait se positionner, aux côtés d’autres pays comme la Zambie, comme acteur — pour ne pas subir les fluctuations des prix mais contribuer également à leur formation.

 Sabrine Emran, Oussama Tayebi

Cependant, la concrétisation de ces ambitions doit s’accompagner d’actions visant à relever plusieurs défis, notamment en matière d’infrastructures énergétiques. Le développement d’une chaîne de valeur des batteries nécessite un accès à une électricité fiable et abordable, ce qui représente un défi majeur en RDC, où le taux d’électrification est l’un des plus bas et où les disparités régionales sont importantes. Pour y remédier, le gouvernement, avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et du fonds d’équipement des Nations Unies (UNCDF), a élaboré une Politique nationale de l’Énergie et prévoit de réhabiliter le réseau électrique existant ainsi que de développer de nouveaux projets hydroélectriques, tels que le mégaprojet Inga, capable de répondre à 40 % des besoins énergétiques de l’Afrique 26. Cette initiative permettrait non seulement de répondre aux besoins de l’industrie des batteries, mais aussi de fournir de l’électricité à la région et aux pays voisins.

Le défi des infrastructures implique également la réhabilitation et la modernisation des infrastructures routières, portuaires et ferroviaires. Bien que les données actualisées ne soient pas disponibles au moment de la rédaction , la meilleure estimation en date du déficit en infrastructures de la RDC évaluait le besoin de financement à environ 4 milliards de dollars par an 27. Ce manque d’infrastructures entrave la croissance dans des secteurs essentiels tels que l’exploitation minière et l’agriculture. La renégociation récente du contrat minier sino-congolais a pris en compte la nécessité d’augmenter l’enveloppe budgétaire allouée aux infrastructures. Ce cinquième avenant prévoit l’octroi de 7 milliards de dollars pour la construction de près de 6 000 kilomètres de routes nationales, dont 3 000 kilomètres doivent être réalisés dans les cinq prochaines années 28. Le lancement en 2022 des travaux de construction du port en eaux profondes de Banana vient aussi répondre au déficit d’infrastructures portuaires. Une fois opérationnel, le port contribuera au renforcement des capacités d’exportation du pays et à lui donner un accès abordable aux marchés internationaux 29.

Par ailleurs, la réalisation des ambitions de la RDC en matière de création d’un écosystème de batteries électriques et de transformation locale des ressources nécessite de relever un défi crucial : celui du capital humain. Pour atteindre cet objectif, les pouvoirs publics doivent impérativement investir dans la formation des compétences nécessaires. Il s’agit de développer des programmes adaptés dans les universités, les instituts techniques et les centres de formation professionnelle afin de préparer une main-d’œuvre qualifiée capable d’opérer tout au long de la chaîne de valeur. Ce renforcement des compétences locales est également essentiel pour accroître l’attractivité du pays. C’est par exemple l’idée derrière le lancement, en avril 2022 à Lubumbashi, du Centre d’excellence pour la recherche avancée sur les batteries 30.

Les autorités congolaises devraient également se concentrer sur l’adhésion à diverses initiatives et partenariats internationaux visant à diversifier les chaînes d’approvisionnement des minerais critiques. Ces adhésions permettraient à la RDC de se prémunir contre les risques liés au « protectionnisme vert ». Dans ce contexte, la RDC a signé avec l’Union européenne un protocole d’entente établissant un partenariat pour des chaînes de valeur durables des matières premières critiques et stratégiques. Ce protocole prévoit, entre autres, le développement de projets conjoints et la mobilisation de fonds pour améliorer les infrastructures nécessaires. La signature d’un protocole d’accord entre la société d’État Japan Oil, Gas and Metals National Corp (JOGMEC) et l’entreprise publique Générale des Carrières et des Mines (Gécamines), facilitée par le Mineral Security Partnership s’inscrit également dans cette démarche 31.

Sources
  1. Kowalski, P. et C. Legendre (2023), « Raw materials critical for the green transition : Production, international trade and export restrictions », Policy paper de l’OCDE sur la politique commerciale, n° 269, Éditions OCDE, Paris.
  2. Rapport de prospective stratégique 2022 : Garantir le couplage des transitions verte et numérique dans le nouveau contexte géopolitique », Commission européenne, 29 juin 2022.
  3. Règlement UE 2024, 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) n° 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1724 et (UE) 2019/1020.
  4. Transcript : US Treasury Secretary Janet Yellen on the next steps for Russia sanctions and ‘friend-shoring’ supply chains, Atlantic Council, 13 avril 2022.
  5. México registra cifra histórica de Inversión Extranjera Directa al cierre de 2023, con más de 36 mil millones de dólares, Gouvernement du Mexique, 14 février 2024.
  6. « US, Saudi Arabia in talks to secure metals in Africa, Wall Street Journal reports », Reuters, 10 septembre 2023.
  7. Joyce Abaño, « International Holding Company’s IRH Completes 51 % Stake Acquisition Of Zambia’s Mopani Copper Mines », Forbes, 22 mars 2024.
  8. Felix Njini, « UAE’S IHC unit withdraws offer for Vedanta’s Zambian copper mines over price », Reuters, 3 juillet 2024.
  9. UAE-US Partnership for Accelerating Clean Energy (PACE), Ambassade des Émirats arabes unis aux États-Unis, janvier 2023.
  10. DG Okonjo-Iweala : turning away from open trade risks price volatility, weaker growth, OMC, 26 août 2023.
  11. James Cust et Albert G. Zeufack, Africa’s Resource Future : Harnessing Natural Resources for Economic Transformation during the Low-Carbon Transition, Banque mondiale, 2023.
  12. Wenjie Chen, Athene Laws et Nico Valckx, Harnessing Sub-Saharan Africa’s Critical Mineral Wealth, FMI, 29 Avril 2024.
  13. Critical Minerals Market Review, Agence internationale de l’énergie, décembre 2023.
  14. Critical Minerals Market Review Outlook 2024, Agence internationale de l’énergie, 2024.
  15. Ben Chandler, Africa’s critical minerals : Africa at the heart of a low-carbon future, Mo Ibrahim Foundation, octobre 2022.
  16. Mineral Commodity Summaries 2022 : “Cobalt”, USGS, janvier 2022.
  17. Democratic Republic of Congo Overview : Development news, research, data | World Bank, Banque mondiale, octobre 2024.
  18. Democratic Republic of the Congo – Market Overview, USTR, mars 2024.
  19. Democratic Republic of the Congo : 2024 Article IV Consultation, Sixth Review Under the Extended Credit Facility Arrangement, Request for a Waiver of Nonobservance of Quantitative Performance Criterion, and Financing Assurances Review-Press Release ; Staff Report ; and Statement by the Executive Director for Democratic Republic of the Congo, FMI, juin 2024.
  20. Zambia and DRC to implement an Innovative transboundary battery and Electric vehicle Special Economic Zone, UNECA, 15 avril 2024.
  21. Buenassa plans to build $350m copper-cobalt smelter in Congo, Investment monitor, Mining technology, 27 septembre 2023.
  22. Zambia and DRC to implement an Innovative transboundary battery and Electric vehicle Special Economic Zone, UNECA, 15 avril 2024.
  23. BEV Initiative : the DRC government and Buenassa company to set up a cobalt and copper refinery in Lualaba, UNECA, 3 mai 2024.
  24. La Zambie et la RDC signent un accord de coopération pour la fabrication de batteries électriques | Nations Unies Commission économique pour l’Afrique, UNECA, 29 avril 2022.
  25. The United States Releases Signed Memorandum of Understanding with the Democratic Republic of Congo and Zambia to Strengthen Electric Vehicle Battery Value Chain, U.S. Department of State, 18 janvier 2023.
  26. Jacquemot, P. (2017), « En République démocratique du Congo, Inga, le plus grand barrage hydroélectrique du monde, encore à l’état de projet », Afrique contemporaine, n°261-262(1), 252-253.
  27. DRC Infrastructure Sector Overview, ICED, 2018.
  28. Signature du 5ème avenant du ‘contrat minier chinois’ en présence du Président Tshisekedi, Présidence de la République démocratique du Congo, 14 mars 2024.
  29. « RDC : début effectif des travaux au Port en eaux profondes de Banana », Desk Eco, 12 décembre 2022.
  30. CEA lancement officiel du centre d’excellence pour la recherche avancée sur les batteries en RDC », UNECA, 22 avril 2022.
  31. US State Department The Minerals Security Partnership Announces Collaboration in Minerals Exploration, Production, and Processing Between GECAMINES in the Democratic Republic of the Congo and JOGMEC in Japan, U.S. Department of State, 5 février 2024.