Depuis son lancement en juillet 2006, Twitter (renommé X par Elon Musk à l’été 2023) s’est construit la réputation d’un réseau social « de niche » en comparaison des mastodontes américains et chinois Facebook, YouTube, Instagram, Snapchat ou TikTok. Si la plateforme revendique relativement peu d’utilisateurs par rapport à ses concurrents, elle concentre néanmoins un nombre important d’universitaires, de journalistes et de personnalités politiques.
Le Parti communiste chinois (PCC), dont le secrétaire général Xi Jinping a appelé début 2017 les médias à « amplifier leur voix sur la scène internationale », a progressivement investi Twitter au cours des dernières années 1.
- Le PCC perçoit la plateforme comme l’un des principaux « champs de bataille » d’Internet pour combattre les idéologies libérales américaine et européenne et offrir aux publics occidentaux un contre-narratif via la voix de ses propres médias.
- Les grands titres et chaînes chinoises (CGTN, China Daily, Xinhua…) tournés vers l’international ont dépensé des millions de dollars dans les années 2017-2019 via des campagnes de publicité, des achats d’armées de « bots » (des programmes gonflant artificiellement les statistiques des comptes et publications) et des services d’entreprises de communication publique pour s’imposer sur Twitter 2.
- Ces médias ont également développé leurs formats et supports de communication afin de adapter à un public occidental initialement peu réceptif à leurs codes culturels 3.
CGTN revendique aujourd’hui près de 13 millions d’abonnés sur son compte X, soit bien plus que les grands journaux européens : Le Monde, Bild, El País ou le Corriere della Sera. Maintenant que le PCC y est bien implanté, la plateforme connaît l’un des plus grands exodes de son histoire suite aux changements mis en place par Elon Musk — notamment en matière de régulation de contenu — et l’élection de Donald Trump 4.
L’un des principaux points de chute pour ces millions d’utilisateurs a été Bluesky, un réseau social construit sur le modèle de Twitter et ouvert au public depuis février 2024.
- Le nombre d’inscrits sur Bluesky a doublé entre octobre et novembre. La plateforme affiche aujourd’hui plus de 22,5 millions d’inscrits, soit un chiffre bien inférieur à ses concurrents Twitter (environ 590 millions d’utilisateurs actifs par mois) et Threads (275 millions) mais qui semble néanmoins inquiéter Meta en raison de sa croissance 5.
- Contrairement à Twitter, dont l’algorithme de suggestion et de mise en avant de contenus a été considérablement modifié depuis la reprise du réseau par Musk fin 2022, Bluesky laisse plus de choix à ses utilisateurs pour choisir les contenus qui apparaîtront dans leurs fil d’actualité — limitant ainsi la portée des efforts du PCC à s’imposer.
La victoire de Trump suivie de l’annonce de la nomination de Musk et Vivek Ramaswamy à la tête d’un département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE) a renforcé la promotion croissante sur Twitter de contenus conservateurs, traditionalistes voire conspirationnistes déjà observée à l’été 2024. Une étude publiée au début du mois de novembre montre comment Elon Musk a artificiellement promu son compte et ceux de personnalités républicaines afin de suggérer leurs contenus à plus d’utilisateurs en manipulant l’algorithme de la plateforme 6.
Sources
- « China Focus : One year on, Xi’s speech injects vitality into media », Xinhua, 19 février 2017.
- « China’s propaganda machine is spending over $1 million to buy influence on foreign social media », Quartz, 21 août 2019.
- Whipling, As Bluesky takes flight, China has got a Twitter problem, Too Simple, Sometimes Naive, 22 novembre 2024.
- Dani Di Placido, « The X (Twitter) Exodus To Bluesky, Explained », Forbes, 20 novembre 2024.
- Sara Fischer, « Exclusive : Threads adds 35M new signups this month », Axios, 26 novembre 2024.
- GRAHAM, Timothy et ANDREJEVIC, Mark, « A computational analysis of potential algorithmic bias on platform X during the 2024 US election », 2024.