Michele Bernardini et Roberto Tottoli (dir.), Mondi islamici, Einaudi
« Consacré aux « mondes islamiques », ce recueil vise à donner une vue d’ensemble d’une communauté religieuse qui rassemble près de deux milliards de personnes et est divisée en sociétés qui diffèrent en termes d’ethnies, de langues, de pratiques culturelles et de structures sociales. À partir d’un récit des origines du phénomène islamique et de son insertion dans les civilisations anciennes au travers d’une perspective religieuse nouvelle et originale, le volume esquisse un développement historique qui a connu des moments de confrontation, mais aussi d’échanges et de coexistence très significatifs avec l’ensemble de l’Europe, et qui est aujourd’hui présent sur tous les continents.
Les spécificités des principales réalités islamiques sont retracées, en commençant par l’Arabie, lieu de naissance de Muhammad, à partir duquel sa foi s’est répandue, avant d’aborder les vicissitudes séculaires des deux époques califales, celle des Omeyyades et celle, beaucoup plus longue, des Abbassides. D’autres chapitres décrivent successivement ces différentes réalités : l’Iran qui, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, a joué un rôle fondamental dans l’histoire de l’Islam ; l’Espagne et les Balkans musulmans, lieux de la première expansion en Europe ; les peuples turcs et la naissance de l’Empire ottoman ; l’Asie centrale ; le contexte méditerranéen, centre de conflits et d’échanges économiques intenses ; la Chine et l’Inde, avec leurs spécificités et leurs complexités ; l’Afrique subsaharienne et la côte orientale de l’Afrique ; jusqu’aux développements les plus récents de l’Islam en Europe occidentale et aux États-Unis d’Amérique. »
Parution le 1er octobre
Adeline Blaszkiewicz-Maison, Albert Thomas. Une histoire du réformisme social, PUF
« Homme politique majeur de la IIIe République, Albert Thomas (1878 1932) est resté dans l’ombre de personnalités comme Jean Jaurès ou Léon Blum. Il faut dire que l’homme a des positions qui le placent en marge du mouvement socialiste, dont il se revendique pourtant jusqu’à son dernier souffle.
Ouvertement réformiste quand le marxisme révolutionnaire s’impose dans la gauche française, ministre de l’Armement pendant la Première Guerre mondiale au moment où la gauche européenne renoue avec le pacifisme, il devient aux yeux des socialistes et des communistes le « ministre des obus » et le fossoyeur de l’idéal de paix. Opposé à la Révolution russe de 1917, il défend un socialisme républicain, convaincu de l’importance de la voie législative et du dialogue social pour changer le monde. Premier directeur du Bureau international du travail, il est un ardent défenseur de la régulation du capitalisme par l’instauration d’un code du travail mondial.
Appuyé sur des archives inédites et variées, cet ouvrage retrace le parcours de ce précurseur de la social-démocratie à la française, et offre une plongée passionnante dans l’histoire de la IIIe République et dans celle des internationalismes du début du XXe siècle. »
Parution le 2 octobre
Xosé Fortes, En la piel de los héroes. Una conspiración democrática en el ejército franquista, Tusquets
« Au début des années 1970, l’armée espagnole était imperméable à l’aspiration à la liberté et à la démocratie qui s’exprimait déjà dans de larges pans de la société et apparaissait comme un bastion invincible de la dictature et de la répression. Malgré cela, une petite minorité d’officiers, dont le capitaine d’infanterie Xosé Fortes, ont défié leurs supérieurs en fondant l’Unión Militar Democrática (UMD) en septembre 1974.
Ce livre raconte comment ce groupe de soldats, encouragé par le triomphe, quelques mois plus tôt, de la révolution des œillets au Portugal, a risqué sa carrière et sa liberté pour introduire les idéaux démocratiques dans les forces armées et défendre les principes de la souveraineté populaire et les valeurs d’une société progressiste.
Dénoncés, arrêtés et condamnés à de lourdes peines pour incitation à la rébellion, les membres de l’UMD ont encore eu la force de dénoncer et de mettre en garde contre la menace grandissante d’un coup d’État militaire au début de la Transition. Ce n’est qu’avec le temps que ces véritables héros ont été un tant soit peu réhabilités et honorés à juste titre par la démocratie espagnole qu’ils ont tant contribué à consolider. »
Parution le 2 octobre
Alain Ruscio, La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852, La Découverte
« La « première guerre d’Algérie » commença le 14 juin 1830 à 4 heures du matin, lorsque le premier soldat français posa le pied à Sidi-Ferruch. Les conquérants furent d’emblée confrontés à une force de résistance qu’ils n’avaient pas imaginée, dont la figure emblématique reste l’émir Abd el-Kader. S’ensuivirent deux décennies d’affrontements d’une intensité et d’une violence extrêmes.
Le maréchal Bugeaud et bien d’autres officiers appliquèrent et souvent amplifièrent sur le terrain la politique répressive décidée à Paris par François Guizot, Adolphe Thiers, Jean-de-Dieu Soult, etc. Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités… En 1852, Hugo décrivait cette armée française, « faite féroce par l’Algérie ». Pourtant, cette politique de terreur fut approuvée et même justifiée par de grands intellectuels de l’époque, comme Tocqueville et Lamartine. D’autres, très minoritaires, dénoncèrent la conquête, au nom de critères plus pragmatiques qu’éthiques ou politiques.
Prélude à cent trente-deux années de présence française, la conquête de l’Algérie constitue un moment décisif dans l’émergence de l’esprit colonial – et racial – qui marqua durablement la société hexagonale, et produit encore aujourd’hui ses effets délétères. »
Parution le 3 octobre
Mario Prignano, Antipapi. Una storia della Chiesa, Laterza
« Du IIIe siècle après J.-C. à la fin du Moyen Âge, l’élection du pape s’est souvent déroulée dans un climat très conflictuel, qui a donné lieu à des oppositions et à des querelles. Le plus souvent, celles-ci aboutissaient à la présence simultanée de deux pontifes, dont l’un était qualifié d’antipape. Dans notre imaginaire, ces personnages sont souvent présentés comme des individus corrompus, avides de pouvoir, ennemis de l’Église et de l’unité des chrétiens. En réalité, loin d’être des créatures obscures complotant dans l’ombre, nombre d’entre eux sont des ecclésiastiques dévoués qui sont devenus antipapes parce qu’ils défendaient des positions théologiques qui ont été rejetées par la suite ou pour une série de raisons fortuites.
Cette histoire des « perdants » de la tradition officielle de l’Église nous fera ainsi découvrir que sur la trentaine d’antipapes, l’un est vénéré comme saint et martyr et que d’autres sont morts en odeur de sainteté. Que pendant de longs siècles, le Saint-Siège a préféré ne pas se prononcer sur nombre d’entre eux et que sur certains, il reste encore prudent, admettant qu’ils puissent être considérés comme des papes légitimes. On découvrira également que certains personnages que l’historiographie traditionnelle a considérés comme des marionnettes aux mains du pouvoir séculier, ont contribué de manière décisive à la définition des règles qui sous-tendent la papauté et, pour cette raison, de manière totalement inattendue, à l’histoire et à la conscience de soi de l’Église elle-même. »
Parution le 4 octobre.
Georges Didi-Huberman, Gestes critiques, Klincksieck
« La critique constitue sans doute l’activité primordiale de toute pensée émancipatrice. Or elle se doit d’être — philosophiquement — aussi délicate que radicale. Elle fera tout autre chose, par exemple, que seulement récriminer, dire du mal, chercher noise, vouer aux gémonies, exiger le dernier mot.
Ainsi nul ne saurait lui prescrire une forme unique. Comment pourrait-elle devenir conforme à un modèle unique, elle dont la tâche est justement de déconstruire tous les conformismes ? La critique sera donc plurielle, faite de différents gestes possibles. Il y a le geste socratique, que Platon nommait une « technique critique » ou discriminante. Il y a le geste de la lecture philologique, celle qui aura permis à Lorenzo Valla ou à Spinoza de mettre en question, de façon aussi incisive que minutieuse, l’autorité religieuse attachée à certains dogmes. Il y a l’invention de la critique sensuelle par Diderot et, naturellement, ce geste des Lumières effectué par Kant qui, cependant, distinguait bien la critique de tout système. Il y a, chez les Romantiques allemands, cette façon de critiquer en poètes et, chez Marx, le grand combat critique destiné à transformer le monde. Il y a chez Walter Benjamin un geste critique destiné à nous faire saisir tout à la fois le « courage du poète » et, sur le plan politique, une certaine « organisation du pessimisme ». Il y a le geste d’inservitude selon Michel Foucault : le geste à faire pour n’être pas gouverné.
En reprenant il y a cinquante ans la formule de Marx — « critique de la politique » —, Miguel Abensour n’a-t-il pas créé une collection exemplaire de ces gestes critiques ? Or son pluralisme n’a rien d’éclectique : c’est bien plutôt un éventail ouvert sur l’extraordinaire fécondité de l’activité critique dans la longue durée de l’histoire. Toute une bibliothèque de la liberté, en somme. Une ouverture aux mille façons possibles de mettre en pièces les conformismes de la pensée, politique notamment. Ayant introduit en France les textes majeurs de la Théorie critique, cette collection a également réuni, sous sa fameuse couverture rouge, des lignes de pensées qui vont d’Étienne de La Boétie à Ernst Bloch, de Karl Marx et Pierre Leroux aux surréalistes, de Hegel à Simmel, Benjamin, Arendt ou Kracauer… Elle n’a pas craint non plus de toujours donner la parole à de patients et radicaux chercheurs contemporains.
Il fallait s’interroger, ce que tente ce livre, sur la cohérence et l’exigence propres à Miguel Abensour, tant dans sa politique éditoriale que dans son œuvre personnelle, car les deux sont indissolublement liées. On découvre alors que ce défenseur des « guetteurs de rêves », qui a repensé la notion d’utopie — donc d’espérance politique —, n’a cheminé en tous sens que pour éprouver la fécondité de ce qu’on devra, en fin de compte, nommer une constellation de l’imagination critique. »
Parution le 4 octobre
Pierre Rosanvallon, Les Institutions invisibles, Le Seuil
« Autorité, confiance, légitimité. Le sentiment spontané de leur centralité dans le fonctionnement des sociétés voisine avec le flou de leur caractérisation. En retraçant l’histoire longue de leur appréhension, ce livre propose de les comprendre comme des institutions invisibles. Institutions, car elles ont une fonction de production du commun et
d’inscription dans la durée des rapports économiques, sociaux et politiques. Mais invisibles, car elles ne sont pas définies par des règles et des statuts ni dotées d’une capacité de contrainte. Elles sont en effet constituées par la nature et la qualité des relations entre individus, ou entre individus et organisations. Autorité, confiance et légitimité s’entrelacent sur ce mode pour faire système.
Cette conceptualisation permet d’élargir le cadre d’analyse des sociétés contemporaines tout en l’inscrivant dans une histoire comparative renouvelée. Elle ouvre simultanément des perspectives pour agir en vue de surmonter la perplexité des intelligences et l’assèchement des imaginations qui nourrissent aujourd’hui le fatalisme résigné à l’ombre duquel prospèrent les mirages populistes. »
Parution le 4 octobre
Denis Crouzet, Paris criminel, 1572, Les Belles Lettres
« Lorsque, le 24 août 1572, Charlotte Arbaleste se réveille vers 5h00 du matin et regarde à sa fenêtre, que voit-elle ? Les rues avoisinantes sont remplies de gens qui vont et viennent. Le massacre de la Saint-Barthélemy a en effet commencé depuis deux ou trois heures avec l’assassinat de l’Amiral de Coligny et la tuerie des capitaines huguenots présents dans la capitale. Sans doute s’étend-il déjà à la population protestante de la ville.
Les Parisiens sont sortis de chez eux pour se faire les spectateurs-acteurs d’une immense tragédie, dont Denis Crouzet réévalue le nombre des victimes : au moins 4 000, peut-être plus. Il démontre que cette tragédie n’a été possible que parce que le « peuple » a pris part, tant activement que passivement, à une grande euphorie collective aspirant à réitérer le massacre biblique des adorateurs du Veau d’or. C’est toute une ville qui a tué ou laissé tuer les « hérétiques » dans le cours d’un atroce crime de masse que l’on peut rapprocher des grands pogroms de l’histoire passée.
Comprendre comment le pouvoir royal, à contre-sens du rêve de paix civile qui l’animait, a pu être pris au piège d’un imaginaire eschatologique commandant à chaque « bon catholique » de prendre part à un grand massacre qui exprimait une intense foi en Dieu, tel est le projet de ce livre qui s’apparente à une enquête policière oeuvrant dans l’obscurité des jours et des nuits d’épouvante. »
Parution le 4 octobre
Fredric Jameson, The Years of Theory. Postwar French Thought to the Present, Verso
« Fredric Jameson présente ici les grands thèmes de la French Theory : existentialisme, structuralisme, poststructuralisme, sémiotique, féminisme, psychanalyse et marxisme.
Il replace cette période effervescente de la pensée dans le contexte de ses conjonctures politiques les plus significatives, notamment la Libération de Paris, la guerre d’Algérie, les soulèvements de mai 68 et la création de l’Union européenne.
Les débats philosophiques de l’époque prennent vie à travers des anecdotes et des lectures approfondies d’ouvrages de Sartre, Beauvoir, Fanon, Barthes, Foucault, Althusser, Derrida, Deleuze, de groupes comme Tel Quel et les Cahiers du Cinéma, et de penseurs contemporains comme Rancière et Badiou. Éclectiques, perspicaces et inspirés, les séminaires de Jameson fournissent un aperçu essentiel d’un moment intellectuel comparable en importance à l’âge d’or d’Athènes, historiquement fascinant et d’une pertinence persistante. »
Parution le 8 octobre
Brice Gruet, Le saint, le sang et le volcan. Se protéger des désastres à Naples, CNRS Éditions
« Les Napolitains, face au danger, se tournent depuis des siècles vers Saint Janvier (San Gennaro), patron de la ville. Ses reliques seraient capables de repousser les éruptions du Vésuve et d’autres calamités. Son sang en particulier, contenu dans deux petites fioles de verre, est paré de vertus miraculeuses : il se liquéfie au moins deux fois par an à l’occasion de fêtes consacrées au saint.
Si tout ceci peut sembler relever de la superstition, cela fait pourtant sens pour toute une population, y compris hors de Naples, puisque des millions de fidèles dans le monde entier continuent à révérer saint Janvier. Au fil des ans, des relations très étroites se sont nouées entre les habitants, le Vésuve et leur saint protecteur.
Ce livre s’attache à comprendre la nature de ces relations, et pose ainsi la question de notre rapport au danger et à ce qui peut nous en protéger. »
Parution le 10 octobre
Gabriele Ranzato, Eroi pericolosi. La lotta armata dei comunisti nella Resistenza, Laterza
« Dans de nombreux écrits sur la Résistance, les « partisans » sont désignés comme les auteurs d’attentats contre les Allemands ou les victimes de leurs rafles, sans autre précision. Mais dans la plupart des cas, il s’agit de partisans communistes, dont la connotation politique est souvent restée secrète par la suite. Après la guerre, c’est leur propre parti qui les a intégrés dans sa vision de la guerre de libération comme une « guerre populaire » menée par un large front antifasciste, presque indifférencié. Et ce, encore plus après l’effondrement de l’URSS, lorsque la forte empreinte communiste sur la lutte armée anti-allemande est apparue comme une tâche capable d’en effacer les mérites.
Ce livre n’est pas un simple plaidoyer en faveur de ces mérites. Il en illustre quelques-uns, dont surtout la création ex nihilo du noyau essentiel de l’« armée de partisans », les Brigades Garibaldi, œuvre de quelques militants, capables cependant d’attirer de nombreux volontaires désireux de se battre contre les nazi-fascistes. A côté de leurs exploits, il faut cependant considérer leurs limites, qui tiennent aux objectifs politiques de leur groupe dirigeant, déterminé à leur attribuer, malgré leur caractère de guérilla, les tâches d’une véritable armée régulière capable de tenir des garnisons dans de vastes « zones libres ». Mais après les dures épreuves du dernier hiver de la guerre, les formations communistes ont apporté la principale contribution à la libération des villes du Nord avant l’arrivée des Alliés, un objectif symbolique important partagé par toutes les forces de la Résistance. »
Parution le 18 octobre
Tatjana Tönsmeyer, Unter deutscher Besatzung. Europa 1939-1945, C. H. Beck
« Au plus fort de la montée en puissance de l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, 230 millions de personnes vivaient sous la domination allemande, de la Norvège à la Grèce et de la France à l’Union soviétique. Tous ont dû s’accommoder de l’occupant et ont fait des expériences dont les effets se font encore sentir aujourd’hui. Dans leur vie quotidienne, sur leur lieu de travail, dans leurs relations avec les autorités et les militaires. Et chaque contact avec l’occupant pouvait se transformer en violence. Tatjana Tönsmeyer a écrit la première histoire de l’Europe occupée par l’Allemagne qui adopte le point de vue de l’occupé et non celui de l’occupant – et met ainsi à jour un sombre héritage qui est toujours présent de manière subliminale dans les relations entre les voisins européens et l’Allemagne.
L’Europe occupée par l’Allemagne s’étendait du nord de la Norvège aux îles grecques de la Méditerranée et de la côte atlantique française aux régions situées loin à l’intérieur de l’Union soviétique. Dans ces frontières, des millions de personnes ont vécu des bouleversements profonds dans leur vie quotidienne, leurs conditions de logement, leur approvisionnement et sur leur lieu de travail. Les occupants allemands édictèrent de nouvelles règles, divisèrent les sociétés et créèrent une atmosphère dans laquelle le recours à la violence était toujours une option – surtout pour les Juifs, qui étaient en outre exposés à une persécution génocidaire. Dans les territoires occupés, les victimes civiles dépassaient le nombre de soldats morts. Dans le même temps, ces populations occupées n’étaient pas une masse homogène de victimes passives. Ils avaient des options d’action qu’ils pouvaient utiliser pour refuser, pour s’opposer ou au contraire se mettre au service des occupants. Tatjana Tönsmeyer montre comment l’occupation allemande a changé la vie de millions d’Européens et ce que cela signifie de vivre sous un régime d’occupation. »
Parution le 10 octobre
Bastian Matteo Scianna, Sonderzug nach Moskau. Geschichte der deutschen Russlandpolitik seit 1990, C.H. Beck
« Depuis le 24 février 2022, la politique allemande à l’égard de la Russie est en lambeaux. Ses stratégies ont échoué. Ses convictions fondamentales sont ébranlées. Elle fait l’objet de vives controverses en Allemagne et sur la scène internationale. A-t-elle été ratée dès le départ ? Jusqu’où s’étendait l’influence de la Russie et de ses réseaux ? Quel rôle ont joué les intérêts économiques ?
Bastian Matteo Scianna a eu accès à des archives inédites en Allemagne et à l’étranger, notamment aux dossiers de la chancellerie sous Helmut Kohl, aux procès-verbaux du groupe parlementaire CDU/CSU au Bundestag ou à des transcriptions de conversations provenant de sources britanniques et américaines. Son analyse montre que l’histoire est bien plus complexe que ce qui est parfois présenté. Grâce à une approche comparative et contextualisée, il apparaît clairement que l’Allemagne était loin d’être seule à suivre sa voie en Europe et qu’elle n’était pas « aveugle et naïve », comme le prétendent certains critiques.
D’autres pays croyaient également au « changement par le commerce » et voulaient coopérer avec la Russie. Ailleurs aussi, on suivait ses propres intérêts tout en reconnaissant les limites de sa propre influence. Le fait que l’Allemagne soit traitée comme un souffre-douleur est malgré tout partiellement justifié : car elle ne s’est jamais préparée à une situation d’urgence. L’armée allemande a dépéri. L’Ukraine n’a pas été réarmée. Le dialogue, la détente et l’intégration ont été de nobles tentatives, mais sans dissuasion et en raison d’errements en matière de politique énergétique, elles ont mis en danger la sécurité de l’Europe. »
Parution le 12 octobre
Arnaud Macé et Paulin Ismard, La cité et le nombre. Clisthène d’Athènes, l’arithmétique et l’avènement de la démocratie, Les Belles Lettres
« Ce livre entreprend d’examiner à nouveau l’acte fondateur de la démocratie athénienne, à savoir la réforme de Clisthène. Mise en œuvre en 508/507 avant notre ère, celle-ci frappe encore l’imagination contemporaine par la sophistication de l’organisation de la vie communautaire qu’elle instaure, reposant sur le principe d’un brassage continu de la population.
Qu’une transformation aussi radicale de la vie civique se soit déroulée sans rencontrer de grandes difficultés demeure en partie mystérieux. Pour comprendre l’avènement de cette oeuvre collective, il faut porter l’attention sur un savoir traditionnellement négligé, un savoir du nombre, celui dont font preuve ceux qui comptent les hommes sur le champ de bataille, les moutons dans la colline ou les jetons des jeux dont la clameur emplit les tavernes. Ce savoir se distingue des spéculations mathématiques savantes que la tradition a attribuées à un Pythagore ou un Thalès.
Transmises de générations en générations par le biais d’un apprentissage collectif, ces mathématiques concrètes, dont les opérations étaient maîtrisées par une grande partie de la population offrent l’arrière-plan de la réforme de Clisthène. Celle-ci consistait en effet avant tout dans la maîtrise des processus de division et de recomposition de collectifs, soit un art du rangement et du classement des choses et des hommes, attesté dès l’époque d’Homère et appliqué à la résolution des crises politiques et sociales dans les cités grecques. Une autre histoire de la raison démocratique en Grèce ancienne s’en trouve éclairée. »
Parution le 18 octobre
Catherine Tatiana Dunlop, The Mistral A Windswept. History of Modern France, University of Chicago Press
« Chaque année, le mistral glacial souffle dans la vallée du Rhône, dans le sud de la France, à travers les zones humides de Camargue et jusqu’à la mer Méditerranée. Plus fort lorsque l’hiver se transforme en printemps, le vent renverse les arbres, fait dérailler les trains et détruit les récoltes. Pourtant, le mistral rend le ciel clair et bleu, tel qu’il apparaît souvent dans les représentations de la Provence. Ce vent légendaire est au cœur de l’identité régionale et a inspiré les artistes et les écrivains d’ici et d’ailleurs pendant des siècles.
Cette force de la nature est au cœur de l’ouvrage de Catherine Dunlop qui se penche sur le pouvoir du mistral et, en particulier, sur la manière dont il a remis en question les principes fondamentaux de la société européenne du XIXe siècle : l’ordre, la maîtrise et la prévisibilité. Alors que l’État en voie de modernisation cherchait à se libérer des réalités environnementales grâce aux progrès scientifiques, à l’aménagement territorial et à d’autres solutions technologiques, le vent a continué à souffler, écrasant littéralement les tentatives de contrôle et devenant de plus en plus partie intégrante des sentiments régionaux d’appartenance à un lieu et à une communauté. »
Parution le 22 octobre
Alessandro Aresu, Geopolitica dell’intelligenza artificiale, Feltrinelli
« L’intelligence artificielle est l’ultime invention de l’homme. Son apparition évoque le risque d’extinction de son créateur, car sa diffusion conduira peut-être à son dépassement. Ces visions apocalyptiques imprègnent désormais le discours public sur la technologie, dans un monde où le terme même d’« intelligence artificielle » est devenu omniprésent et obsessionnel. Ces thèmes sont loin d’être nouveaux en raison de leurs racines philosophiques profondes et des pionniers qui, dans divers domaines, les ont nourris tout au long du XXe siècle ; cependant, quelque chose d’important s’est déjà produit et nous sommes les spectateurs de connexions dont nous ne saisissons pas pleinement la signification.
Le débat sur l’intelligence artificielle remet alors en question un certain nombre de concepts clés, parmi lesquels l’origine de l’intelligence elle-même, ce que nous savons et ignorons du cerveau et de la pensée ; l’idée d’une intelligence « générale » appliquée aux machines ; les limites quantitatives et qualitatives du calcul ; le problème de l’adéquation de la technologie à nos besoins et à nos valeurs. Mais quelles sont les entreprises qui alimentent ces processus ? Et quelles sont leurs implications dans un monde radicalement divisé, déchiré par la guerre technologique entre les États-Unis et la Chine sur les infrastructures et les usages de l’intelligence artificielle, et par la course aux ressources, tant économiques que matérielles, nécessaires à son développement continu ? »
Parution le 22 octobre
Jocelyne Dakhlia, Harems et Sultans. Genre et despotisme au Maroc et ailleurs, XIVe-XXe siècle, 3 volumes, Anacharsis
« Sitôt prononcé le mot « harem », surgissent des images de femmes lascives, cloîtrées dans la pénombre en attente du bon vouloir du prince. C’est aussi l’expression exemplaire du gouvernement de sultans réputés exercer leur pouvoir sous l’emprise de pulsions quasi pathologiques. Ces poncifs, que l’on pourrait croire éculés, entrent aujourd’hui encore en résonance avec la conception d’un monde islamique figé et politiquement inepte, fatalement voué au despotisme et à l’oppression des femmes.
Jocelyne Dakhlia entreprend dans cet ouvrage une archéologie de ces motifs à partir de l’histoire du Maroc, de la fin du Moyen Âge au XXe siècle. Il s’agit ici de mobiliser à nouveaux frais l’ensemble de la documentation disponible, tant picturale que textuelle, afin de procéder à une histoire fine du genre et du politique en Islam, de remettre en mouvement des logiques historiques là où l’historiographie se faisait plus sommairement culturaliste. »
Parution le 25 octobre
Odd Arne Westad et Jian Chen, The Great Transformation. China’s Road from Revolution to Reform, Yale UP
« Odd Arne Westad et Chen Jian racontent comment une Chine appauvrie et terrorisée a connu des changements politiques radicaux au cours des longues années 1970 et comment les gens ordinaires se sont libérés des croyances qui avaient façonné leur vie pendant la révolution culturelle de Mao. Ces changements, ainsi que la croissance économique soutenue et sans précédent qui a suivi, ont transformé la Chine et le monde.
Ils dressent un panorama des catastrophes et des progrès en Chine et décrivent l’ouverture progressive du pays au monde, les jeux de pouvoir à une époque où les dirigeants étaient âgés et malades, la rébellion du peuple contre l’ancien système gouvernemental et le rôle de personnages improbables : les capitalistes chinois d’outre-mer, les ingénieurs américains, les professeurs japonais et les designers allemands. C’est l’histoire d’un changement révolutionnaire que ni les étrangers ni les Chinois eux-mêmes n’auraient pu prédire. »
Parution le 29 octobre
Eric Storm, Nationalism : A World History, Princeton University Press
« La recrudescence actuelle du nationalisme à travers le monde nous rappelle que nous ne vivons pas dans un monde sans frontières. Eric Storm éclaire les mouvements nationalistes contemporains en explorant l’évolution globale du nationalisme, depuis la naissance de l’État-nation au XVIIIe siècle jusqu’au renouveau des idées nationalistes à l’heure actuelle.
Il montre comment le nationalisme influence les arts et les sciences humaines, en cartographiant sa diffusion par le biais des journaux, de la télévision et des médias sociaux. Le sport et le tourisme ont également contribué à façonner un monde de nations distinctes, chacune ayant son propre caractère, ses propres héros et ses propres faits marquants. Le nationalisme sature l’environnement physique, non seulement sous la forme de musées nationaux et de statues patriotiques, mais aussi dans les efforts déployés pour préserver le patrimoine culturel, créer des parcs nationaux, inventer des plats et des boissons ethniques, promouvoir des pratiques de construction traditionnelles et cultiver des plantes indigènes. Le nationalisme a même été utilisé pour vendre des voitures, des meubles et des articles de mode.
En retraçant ces tendances d’un pays à l’autre, Eric Storm montre que les moments décisifs du nationalisme ont eu lieu à l’échelle mondiale. Il affirme que l’émergence de nouveaux États-nations a été largement déterminée par des changements dans le contexte international, que les relations entre les États-nations et leurs citoyens se sont largement développées selon des modèles mondiaux et que les tendances intellectuelles mondiales ont influencé la nationalisation de la culture et de l’environnement. »
Parution le 29 octobre
H. E. Chehabi et David Motadel (dir.), Unconquered States : Non-European Powers in the Imperial Age, Oxford University Press
« À l’apogée des impérialismes, la majeure partie du monde était gouvernée, directement ou indirectement, par les puissances européennes. Unconquered States explore les luttes pour la souveraineté des quelques États non occidentaux nominalement indépendants à l’époque impériale. Il examine la manière dont des pays comme la Chine, l’Éthiopie, le Japon, l’Empire ottoman, la Perse et le Siam ont réussi à tenir l’impérialisme européen à distance, tandis que d’autres, comme Hawaï, la Corée, Madagascar, le Maroc et les Tonga, ont longtemps lutté, mais finalement échoué, à maintenir leur souveraineté.
Les chapitres de ce livre abordent quatre aspects majeurs des relations que ces pays ont entretenues avec les puissances impériales occidentales : les conflits armés et les réformes militaires, les traités inégaux et les capitulations, les rencontres et la diplomatie. Réunissant des chercheurs des cinq continents, cet ouvrage constitue la première histoire globale complète de l’engagement des États indépendants non européens avec les empires européens, ce qui modifie notre compréhension de la souveraineté, de la territorialité et de la hiérarchie dans l’ordre mondial moderne. »
Parution le 31 octobre