1 — Sur Poutine, l’Ukraine et l’OTAN

En répondant à une question sur la politique qu’il mettrait en place vis-à-vis d’Israël et son Premier ministre Benyamin Netanyahou pour mettre fin à la guerre à Gaza, Donald Trump a répété son argument de longue date : s’il avait été à la Maison-Blanche, Poutine n’aurait jamais envahi l’Ukraine. Trump est néanmoins allé plus loin que d’ordinaire en déclarant que, s’il est élu, il mettrait fin au conflit « avant même de devenir président » — soit en janvier 2025. 

Donald Trump ne s’est néanmoins pas prononcé sur les conditions qu’il jugerait acceptables pour mettre fin à la guerre, et n’a pas répondu au modérateur lorsque celui-ci lui a demandé s’il voulait « que l’Ukraine gagne la guerre » — se contentant de déclarer : « Je veux que la guerre soit réglée ». S’il est élu, Trump pourrait chercher à imposer des conditions à la signature de textes approuvant des financements supplémentaires pour l’aide à l’Ukraine. La principale de ces conditions pourrait être l’entrée de Kiev dans des négociations avec la Russie visant à instaurer un cessez-le-feu.

Kamala Harris, dont l’administration est l’un des principaux soutiens militaires de l’armée ukrainienne, s’est félicitée de la politique d’assistance de Joe Biden : « Grâce à notre soutien, grâce à la défense aérienne, aux munitions, à l’artillerie, aux Javelins, aux chars Abrams que nous avons fournis, l’Ukraine est un pays indépendant et libre ». Celle-ci n’a néanmoins pas exposé de stratégie claire pour les mois et années à venir, et ce alors que l’administration Biden vient de remettre au Congrès un rapport confidentiel détaillant la vision de la Maison-Blanche vis-à-vis de son assistance à l’Ukraine.

L’ex-président a accusé la « faiblesse » de la négociation de l’administration Biden dans les négociations avec Poutine comme étant à l’origine de l’invasion de février 2022 : « Trois jours plus tard, il est entré en scène et a déclenché la guerre parce que tout ce qu’ils disaient était faible et stupide. Ils ont dit les mauvaises choses. Cette guerre n’aurait jamais dû commencer. Elle était l’émissaire ». Harris n’a en réalité jamais rencontré Vladimir Poutine lors de sa visite en Ukraine en février 2022.

Trump a également affirmé avoir « rencontré Poutine après être parti [de la Maison-Blanche] », ce qui serait susceptible, selon le contenu des échanges, de constituer une violation du Logan Act — une loi entrée en vigueur à la fin du XVIIIe siècle qui interdit aux citoyens américains « d’entamer ou d’entretenir, directement ou indirectement, une correspondance ou des relations avec un gouvernement étranger, un de ses fonctionnaires ou agents, dans l’intention d’influencer les mesures ou la conduite d’un gouvernement étranger ». 

2 — Sur le 7 octobre et la crise au Moyen Orient

La vice-présidente a réitéré son soutien au « droit d’Israël de se défendre », une position qui pourrait lui coûter des votes parmi l’un des segments de l’électorat qui lui sera essentiel pour remporter certains États pivots : les 18-29 ans. Elle a néanmoins déclaré que « la guerre doit cesser » et appelé à la libération des otages par le Hamas ainsi qu’à la mise en place d’une solution à deux États. Harris a également déploré la mort de « beaucoup trop de Palestiniens innocents : enfants, mères ».

Trump s’est largement contenté d’accuser Kamala Harris de « haïr Israël » — ainsi que « les Arabes » —, évitant la question du modérateur portant sur la manière dont il négocierait avec le Premier ministre israélien et le Hamas pour mettre fin au conflit.

Les deux candidats n’ont pas apporté de contribution substantielle à leurs positions respectives, qui se sont largement confinées à des déclarations préalables.

3 — Sur le retrait d’Afghanistan

Alors que le retrait chaotique de l’armée américaine de Kaboul a eu lieu il y a un peu plus de trois ans, la mémoire de l’intervention des États-Unis en Afghanistan demeure un important sujet de tensions au sein de la classe politique américaine. Si elle est élue, Kamala Harris serait susceptible d’insuffler un nouvel intérêt pour la situation dans le pays depuis le retour au pouvoir des Talibans, notamment vis-à-vis du droit des femmes et de leur accès à la santé et à l’éducation.

La vice-présidente a défendu la décision de Joe Biden de conclure le retrait américain d’Afghanistan, arguant que « les contribuables américains ne paient pas les 300 millions de dollars par jour que nous payions pour cette guerre sans fin ». Le retrait a également permis de désengager l’armée américaine de la dernière zone de combat où celle-ci était encore active. Harris a enfin accusé Donald Trump d’avoir invité les Talibans à Camp David, aux États-Unis, afin de négocier directement avec l’organisation terroriste.

Sur cette question, Trump s’est défendu de vouloir mettre fin à la « tuerie » de soldats américains en Afghanistan. Ayant vraisemblablement oublié le nom du leader des Talibans, le mollah Haibatullah Akhundzada, le candidat républicain a déclaré : « Et Abdul est le chef des talibans. Il est toujours à la tête des Talibans. Et j’ai dit à Abdul de ne plus le faire, si tu le fais encore, tu auras des problèmes ».

4 — Sur la politique européenne

Les sujets de politique européenne ont fait irruption par surprise durant le débat, aucun des deux modérateurs n’ayant directement posé de question sur le sujet. Trump a notamment réitéré son admiration pour le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui aurait défendu le « besoin » du retour de Trump à la Maison-Blanche car il inspirerait de la peur auprès de Xi Jinping, Vladimir Poutine ou Kim Jong-Un.

D’une manière plus étonnante, une référence explicite à la politique énergétique de l’Allemagne (Energiewende) a été évoquée par Donald Trump lors de son propos conclusif. L’ex-président a critiqué la position de l’administration Biden relative à la sortie progressive des énergies fossiles en faveur d’énergies renouvelables, citant l’exemple de l’Allemagne qui aurait « essayé » avant de « recommencer à construire des centrales énergétiques normales ».

Le ministère des Affaires étrangères allemand s’est défendu d’avoir mis fin à sa politique de transition énergétique pour des questions de faisabilité, déclarant dans un communiqué : « le système énergétique allemand est pleinement opérationnel, avec plus de 50 % d’énergies renouvelables. Et nous fermons – au lieu d’en construire – des centrales au charbon et nucléaires. Le charbon ne sera plus disponible sur le réseau d’ici 2038 au plus tard. PS : Nous ne mangeons pas non plus de chats et de chiens ».

5 — Sur la Chine

La politique étrangère que devraient conduire les États-Unis vis-à-vis de Pékin est l’un des rares sujets faisant l’objet d’un consensus bipartisan. Démocrates comme Républicains s’accordent notamment sur la nécessité de freiner la montée en puissance de la Chine en limitant son accès à des technologies — dont certaines ont des usages militaires — produites par des entreprises américaines ou bien dans des pays alliés aux États-Unis (comme les machines pour l’industrie des semi-conducteurs produites par le néerlandais ASML).

Les deux candidats ont néanmoins exposé deux approches différentes pour atteindre cet objectif, Donald Trump plaidant notamment en faveur de l’imposition de tarifs douaniers qui auraient permis d’éviter l’inflation au cours de son mandat. L’ex-président a nié que des tarifs plus élevés conduiraient à une hausse des prix pour les consommateurs américains — un argument avancé par de nombreux économistes. Trump a réitéré son argument de longue date (qui remonte au moins à la fin des années 1980) selon lequel la Chine « nous arnaque depuis des années ».

Comme sur la plupart des sujets abordés, le débat s’est quasi-exclusivement porté sur le bilan de l’administration de Trump et de l’administration démocrate actuelle et n’a laissé que peu de place aux propositions des candidats et aux mesures qu’ils souhaiteraient mettre en œuvre. Kamala Harris a cependant appelé à « se concentrer sur les relations avec nos alliés, se concentrer sur l’investissement dans les technologies américaines afin de gagner la course à l’intelligence artificielle et à l’informatique quantique ».