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« Il a coulé »1, telle était la réponse laconique du jeune Vladimir Poutine à la question de Larry King sur le sort du sous-marin Koursk, qui a perdu 118 marins le 12 août 2000. Koursk a marqué le début de la dictature de Poutine. Pourrait-il annoncer sa fin ?

  • C’est ce qu’a sous-entendu le dictateur bélarusse Alexandre Loukachenko hier. Pour la première fois après l’affaire Prigogine2, il a osé parler de l’éventuelle « chute de la Russie », comme le rapporte un média d’État bélarusse, Belta : « Si la Russie tombe, nous la suivrons tous », a-t-il déclaré en parlant des pays de la Communauté des États indépendants (CEI)3

Selon l’Institute for the Study of War (ISW), à la fin de la journée du 8 août, les forces ukrainiennes étaient présentes dans des zones situées jusqu’à 35 kilomètres de la frontière internationale avec l’oblast de Soumy4.

  • Des blogueurs russes affirment que de petites unités blindées ukrainiennes seraient en train de progresser vers les arrières russes et parviendraient à contourner les fortifications, sans toutefois tenter de consolider le contrôle de leurs avancées les plus lointaines. Cette tactique aurait pour but d’empêcher les contre attaques russes5.
  • Dans le même temps, des unités ukrainiennes plus importantes opéreraient dans des zones de l’oblast de Koursk plus proches de la frontière où elles seraient en train de bâtir des lignes de fortification6. Si les territoires russes capturés restaient sous contrôle ukrainien, cela pourrait sérieusement modifier l’équilibre des forces lors d’éventuelles négociations. Cette possibilité n’est toutefois à ce stade qu’hypothétique.

Le 8 août, les forces russes ont largué 56 bombes aériennes guidées (KAB) sur l’oblast de Soumy, qui jouxte celui de Koursk du côté ukrainien de la frontière. C’est le plus grand nombre de frappes que la région ait connu7.

Le 9 août au matin, des drones ukrainiens ont frappé la base aérienne russe de Lipetsk, à plus de 300 kilomètres de la frontière, dans le but de détruire des capacités logistiques. Ces bombardements contre les stocks de munitions de la base aérienne pourraient venir en appui à l’incursion terrestre.

Selon le Centre for Defence Strategies, les combats dans l’oblast de Koursk auraient à ce jour fait autour de 100 morts et blessés parmi les conscrits des forces armées russes8. Les forces ukrainiennes seraient toujours en train de capturer des soldats russes.

  • Le nombre exact de prisonniers de guerre n’est pas connu. Selon le compte Telegram de Balou, un militaire ukrainien chargé de reconnaissance aérienne, ils seraient si nombreux que les Ukrainiens manqueraient de véhicules pour les transporter9
  • Il rapporte également qu’il y aurait beaucoup de conscrits parmi les prisonniers parce que les Russes ne s’attendaient pas à une offensive aussi profonde10.
  • Les soldats capturés seraient dans un état épouvantable : à bout de force, ils n’auraient pas mangé depuis cinq jours (alors que les combats ont commencé il y a seulement trois jours au moment du message)11 et seraient en train de recevoir de l’assistance12

Les Russes sont en train de déplacer une partie de leurs forces militaires vers la région de Koursk.

  • Selon l’ISW, des éléments d’un bataillon du 217e régiment VDV de la 98e division aéroportée russe auraient défendu une section de la frontière dans l’oblast de Koursk à la fin du mois de mai 202413, ce qui suggère qu’il pourrait y avoir quelques forces relativement plus entraînés au combat, mais la majorité des rapports russes indiquent que la plupart des forces opérant dans l’oblast de Koursk sont des éléments d’unités moins efficaces au combat14
  • Un blogueur russe a affirmé le 8 août que les forces irrégulières de la République populaire de Donetsk (DNR), y compris des éléments de la « Division Dikaya du Donbas », la brigade « Pyatnachka », le bataillon spécial des gardes séparées « Arbat » et le détachement de drones « Loups de la nuit », seraient arrivés dans l’oblast15
  • Certaines unités de la 18e division de fusiliers motorisés du 11e corps d’armée et de la 128e brigade séparée de fusiliers motorisés du 44e corps d’armée pourraient potentiellement les rejoindre16.

Les officiels ukraniens restent particulièrement discrets sur l’incursion, sans la revendiquer directement.

  • Dans sa prise de parole quotidienne hier soir, Zelensky,  a déclaré : « La Russie a apporté la guerre sur notre territoire et devrait sentir ce qu’elle a fait », sans toutefois faire directement référence à l’offensive ukrainienne.
  • La réaction de la société civile ukrainienne est de plus en plus positive : comme l’opération semble se dérouler avec succès, les voix critiques se font pour l’instant moins entendre.
  • En Europe, Markus Faber, président de la commission de la défense du Bundestag, a déclaré que l’Ukraine pourrait utiliser les armes allemandes qu’elle a reçues17
  • La revue est en train d’étudier le positionnement des 27 : nous publierons une carte d’ici ce soir.

Les citoyens russes commencent quant à eux à envoyer des messages à leur président. C’est le cas des habitants d’un village du côté de Soudzha, qui l’ont quitté et ont enregistré un message qui circulait hier sur Telegram18.

  • Ils y affirment que leur ville a été prise en à peine quelques heures par « des soldats armés par l’OTAN ».
  • Ils se plaignent de n’avoir pas été prévenus en amont et affirment que le pouvoir local n’était pas prêt et qu’aucune évacuation n’avait été organisée : « Les médias officiels mentent : la situation sur place est pire que ce qu’ils montrent. »
  • Toujours selon cet enregistrement, tout contact avec ceux qui sont restés dans la ville est perdu. « Vladimir Vladimirovitch, nous soutenons la SVO​​ [opération militaire spéciale], nous aidons notre armée, faites quelque chose, sauvez-nous ! »
  • Poutine a annoncé hier que les habitants de l’oblast de Koursk quittant les zones dangereuses seraient compensés par un versement unique de 10 000 roubles (105 euros)19

Quelle que soit l’issue de cette opération, du côté ukrainien, on met déjà en avant son caractère historique.

  • Ces actions militaires des Ukrainiens contre les Russes sur le territoire russe dépassent les actions de la République populaire d’Ukraine contre les bolcheviks en 1918-1919 et ne sont comparables qu’aux soulèvements ukrainiens de Haidamak au XVIIIe siècle ou aux raids de Bohdan Khmelnytsky sur la Moscovie entre 1654 et 1667.
Sources
  1. CNN.transcripts, « Russian President Vladimir Putin Discusses Domestic and Foreign Affairs », 8 septembre 2000.
  2. DW, Лукашенко : Если рухнет Россия, мы все окажемся под обломками, 27 juin 2023.
  3. Une organisation intergouvernementale composée de neuf des quinze anciennes républiques soviétiques.
  4. ISW Press, « Russian Offensive Campaign Assessment », 8 août 2024.
  5. Publication sur Telegram de Рыбарь, 8 août 2024.
  6. Publication sur Telegram de Два майора, 8 août 2024.
  7. Centre for Defence Strategies, « Russia’s war on Ukraine », 8 août 2024.
  8. Ibid.
  9. Publication sur Telegram de Balou (16:14), 8 août 2024.
  10. Publication sur Telegram de Baloo (20:42), 8 août 2024.
  11. Idem.
  12. Idem.
  13. ISW Press, « Russian Offensive Campaign Assessment », 25 mai 2024.
  14. ISW Press, « Russian Offensive Campaign Assessment », 8 août 2024.
  15. Publication sur Telegram de Анатолий Радов, 8 août 2024.
  16. Centre for Defence Strategies, « Russia’s war on Ukraine », 8 août 2024.
  17. Jan Dörner, Jo Angerer et Judith Görs, « Russland : Deutsche Panzer an Gefechten in Kursk beteiligt », Berliner Morgenpost, 8 août 2024.
  18. Publication sur Telegram de Антон Шевцов, 8 août 2024.
  19. Publication sur Telegram de Кремль. Новости, 8 août 2024.