Aujourd’hui, vendredi 5 juillet, les Iraniens se rendent aux urnes pour le second tour de l’élection présidentielle. Le candidat réformateur Massoud Pezeshkian est arrivé en tête du premier tour du scrutin avec 44,4 % des voix, devant Saïd Jalili (40,38 %).

  • C’est la deuxième fois depuis 1979 qu’un second tour doit être organisé pour élire un président.
  • La dernière élection présidentielle qui s’est décidée au second tour avait opposé Hachemi Rafsandjani (président entre 1989 et 1997) et Mahmoud Ahmadinejad, qui a remporté l’élection puis s’est maintenu à la tête du pays de 2005 à 2013.
  • La radicale opposition entre les deux candidats de 2005, Hachemi Rafsandjani étant favorable à une ouverture de l’économie iranienne au commerce mondial, et Mahmoud Ahmadinejad, un dirigeant populiste extrêmement hostile à l’Occident, rappelle les différences qui opposent les deux candidats de l’élection d’aujourd’hui.

En effet, aujourd’hui, les électeurs auront à choisir entre deux candidats diamétralement opposés.

  • Masoud Pezechkian, 69 ans, élu député à cinq reprises au Parlement iranien, est le seul candidat réformateur que le Conseil des Gardiens, chargé de valider les candidatures, ait autorisé à se présenter.
  • Il jouit d’un fort soutien parmi les populations kurdes et azéries, et a mené une campagne centrée sur l’assouplissement de la politique étrangère, des restrictions qui pèsent sur la population iranienne et sur la levée des sanctions internationales, dans une situation où l’économie stagne, et les revenus tirés des hydrocarbures sont au plus bas en dépit des ressources dont dispose le pays.
  • En face de lui, Saïd Jalili, 58 ans, est le plus radicalement conservateur des quatre candidats qui s’étaient présentés au premier tour. 
  • Jalili est bien connu des diplomaties occidentales pour avoir été le responsable des négociations sur le nucléaire iranien entre 2007 et 2013, sous Mahmoud Ahmadinejad. Vétéran de la guerre Iran-Irak, dont il garde une blessure de guerre qui le fait boîter, et hostile à tout rapprochement avec les États occidentaux, son éventuelle arrivée au pouvoir rendrait inimaginable un retour à des négociations fructueuses.
  • Saïd Jalili a été récemment accusé de malversations financières, notamment d’achat de votes et de perception illicite d’argent provenant d’acteurs profitant de la fermeture de l’économie iranienne par l’organisation du marché noir. Ces accusations ont été portées par Javad Zarif, ministre des Affaires étrangères sous Hassan Rohani de 2013 à 2021, architecte de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien et partisan de la normalisation des relations avec les pays occidentaux1.

Les sondages donnent actuellement Masoud Pezechkian vainqueur avec 49,5 % des voix contre 43,9 % pour Jalili. 4,5 % d’électeurs se déclarent indécis, et 1,5 % affirment qu’ils comptent voter blanc2.

L’une des données les plus importantes à suivre est l’abstention, interprétée en Iran comme une manifestation de désapprobation du système politique.

  • Avec un taux de 40 % au premier tour, il s’agit de la participation la plus faible depuis la mise en place de la République islamique, malgré la possibilité offerte aux électeurs de voter pour un candidat réformiste.
  • Ali Khamenei, Guide Suprême de la Révolution, a tenté ce 3 juillet de minimiser la portée de ce désaveu, en expliquant que les 60 % de personnes qui se sont abstenues ne sont pas nécessairement des opposants à la République islamique.
  • Les instituts de sondages anticipent une participation au second tour de 45 %.

L’élection aura probablement une portée limitée, car la République islamique est marquée par des permanences lourdes : le président n’est qu’un acteur avec un pouvoir considérablement limité par les institutions non élues de l’État.

  • Ali Vaez le soulignait dans un entretien : la réalité du pouvoir en Iran est détenue par les Gardiens de la Révolution et par le Bureau du Guide Suprême, qu’il décrit comme « un gouvernement fantôme », « une boîte noire […] encore plus opaque que le Kremlin de la guerre froide ».
  • Signe de l’importance du Guide Suprême, le vice-président Mokhber, lors d’une rencontre avec Vladimir Poutine hier, jeudi 4 juillet, a déclaré que les relations entre Téhéran et Moscou sont « très profondes et ne seront pas affectées par le changement de gouvernement ».
Sources
  1. ClubHouse, “Discussion avec Mohammed Javad Zarif”, 2 juillet 2024, Accessible en ligne.
  2. Iran Students Press Agency, 4 juillet 2024, Accessible en ligne.