Aux Pays-Bas, les chefs des quatre partis de la coalition de droite en passe de gouverner seraient sur le point de s’accorder sur la formation d’un gouvernement « extra-parlementaire », dans lequel aucun d’entre eux n’occuperait de poste au gouvernement. 

  • Les dirigeants du PVV (Geert Wilders), du VVD (Dilan Yeşilgöz-Zegerius), de Nouveau Contrat Social (Pieter Omtzigt) et du parti agrarien BBB (Caroline van der Plas) devraient ainsi rester au Parlement. 

Ce revirement a pour seul but d’empêcher Wilders d’accéder au poste de Premier ministre. Cela sera bien perçu comme tel, surtout si les médias lui donnent l’occasion de se plaindre sans répliquer.

  • Le leader du PVV était le seul — avec le BBB — à souhaiter un gouvernement « classique » qui intégrerait tous les poids lourds des partis de la coalition.
  • Cette porte de sortie était la plus évidente pour lui face à l’échec des négociations.

La dirigeante du VVD, Yeşilgöz, espère que cette solution lui permettra de survivre sans être entachée par sa collaboration avec l’extrême-droite, car la normalisation du parti n’aboutirait pas complètement (comme de 2010 à 2012, lorsque le VVD dirigeait avec le soutien sans participation du PVV, avant que ce dernier ne se retire en 2012).

  • La stratégie du VVD sera la suivante : attendre que ses électeurs séduits par le PVV reviennent dans son giron, puis faire éclater le gouvernement en présentant cette rupture — avec l’aide des médias — comme la conséquence de l’« irresponsabilité » du PVV (exactement comme en 2012).
  • De son côté, NSC semble avant tout essayer de préserver son existence en tant que « parti », alors qu’il est en train de perdre, lentement mais sûrement, ses soutiens et sa pertinence.

Quant au terme assez risible d’« extra-parlementaire », rien n’indique à ce stade que le gouvernement pourrait réellement être un « gouvernement d’affaires » ou un gouvernement « technocrate », composé d’hommes et de femmes politiques n’appartenant à aucun parti.

  • Tous les ministres, ou la plupart, seront probablement des politiciens de premier plan des quatre partis de la coalition. Ainsi, seuls les dirigeants des partis resteront en dehors du gouvernement. Il s’agit donc d’un gouvernement plutôt « classique ».

Principale originalité de ce gouvernement : aucun ministre ne serait issu du plus grand parti de la coalition. En effet, le PVV ne compte qu’un seul membre : Geert Wilders. 

  • Le PVV étant un parti unipersonnel qui a fait face à un cordon sanitaire au cours de la dernière décennie, il manque cruellement d’hommes et de femmes politiques compétents, et encore davantage de personnes ayant une expérience au pouvoir à quelque échelle que ce soit.
  • Ses députés sont des « assistants » relativement impuissants de Wilders, ce dernier décide de toutes les grandes politiques et dispose du pouvoir de les révoquer à sa guise.

L’une des principales questions est de savoir qui Wilders choisira de nommer comme ministre. Est-il vraiment possible de trouver des membres discrets et non déclarés du PVV qui occupent des postes à responsabilité ?

  • Dans ses premières années d’existence, il était encore possible d’en trouver dans le parti d’extrême-droite Forum pour la démocratie (CRE), fondé en 2016. 
  • Mais à l’époque, ce parti bénéficiait d’un traitement médiatique relativement favorable et beaucoup le considéraient comme n’appartenant pas à l’extrême-droite. 
  • Au contraire, pendant une décennie, le PVV a été plus ou moins ostracisé.

Le scénario le plus probable est comparable à l’expérience de 2002 à 2003 de la Liste Pim Fortuyn (LPF), parti de droite populiste arrivé deuxième aux élections législatives de 2002. 

  • Le gouvernement se composerait dans ce cas d’un groupe hétéroclite de « ministres PVV » caractérisés à la fois par une faible cohésion et une absence d’expérience.
  • La principale différence avec le PVV est que la LPF s’était retrouvée sans leader suite à l’assassinat de Pim Fortuyn en amont du scrutin. Au contraire, Wilders est bien vivant et exercera a minima un contrôle sur la faction du PVV au Parlement.

Il est possible que la situation débouche sur une « situation à l’autrichienne », similaire au gouvernement Schüssel I qui avait rassemblé le parti de droite ÖVP (PPE) et le parti d’extrême-droite FPÖ (ID) de 2000 et 2003, et dont le leader du FPÖ, Jörg Haider, avait été tenu à l’écart.

  • Hors du gouvernement, Haider a eu des difficultés à contrôler « ses » ministres. Un conflit a émergé au sein du FPÖ (en partie encouragé par l’ÖVP), qui a finalement conduit à la chute de la coalition et à la scission du parti.
  • L’apparition d’un conflit entre la faction parlementaire du PVV (c’est-à-dire Wilders) et les ministres du PVV est très probable.
  • Wilders gouvernant seul et sans opposition depuis deux décennies, il aura du mal à permettre le pluralisme, et encore plus la dissidence, au sein de son parti.
  • Contrairement au FPÖ autrichien, le PVV à l’avantage de ne pas pouvoir se diviser puisqu’il se réduit à une seule personne. 
  • Une fois que les « ministres PVV » auront perdu le soutien de Wilders, ils perdront le soutien de la faction PVV.

Enfin, qui pourra être le Mario Monti de ce gouvernement, le « Premier ministre outsider » à la tête de ce gouvernement d’experts — rôle qu’avait endossé l’économiste italien en 2012 ? Comment parviendra-t-il à naviguer sur ce terrain miné et à gérer Wilders ?

Malgré les convergences relativement importantes des quatre partis sur certaines questions politiques clefs, il est difficile d’imaginer comme un tel gouvernement pourrait fonctionner, en tout cas de manière durable. 

  • Cette expérience gouvernementale débouchera probablement sur une diminution supplémentaire du soutien au BBB et au NSC et aidera peut-être le VVD à se redresser. 
  • Wilders n’y perdra sûrement pas beaucoup, sauf si le VVD parvient à nouveau — comme en 2012 — à ressortir vainqueur du jeu des accusations lorsque la rupture de la coalition se produira.