Dans la matinée du samedi 24 juin, le chef de la milice Wagner, Evgueni Prigojine, se mettait en route vers Moscou à la tête de plusieurs milliers de mercenaires dans ce qu’il a qualifié lui-même comme une « marche pour la justice » suite à une frappe de missile — russe, selon Prigogine — ayant frappé un camp de Wagner.
La situation semble être plus calme lundi 26 juin, tandis qu’un accord a été conclu entre Prigogine et le Kremlin dans la soirée de samedi.
- Malgré les nombreuses spéculations relatives au contenu de cet accord, peu d’informations sont à ce stade disponibles.
- Bien que le Kremlin ait fait savoir que les charges retenues contre Prigogine seraient abandonnées, lui permettant ainsi de se rendre librement au Belarus, l’agence de presse officielle russe RIA Novosti rapportait lundi que l’affaire Prigogine « n’a pas été abandonnée », citant une source du bureau du procureur général de Russie1.
- Si le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a rendu visite à des troupes lundi 26 juin, le chef de la milice Wagner n’a quant à lui plus été aperçu depuis qu’il a quitté le quartier-général de l’armée du sud à Rostov-sur-le-Don (bien qu’il ait publié un long message audio lundi dans l’après-midi).
Malgré ces incertitudes, un élément paraît désormais acté : le rôle joué par la milice Wagner dans la guerre en Ukraine va drastiquement changer par rapport aux 16 premiers mois de guerre. Tandis que Moscou souhaite désormais placer les « unités volontaires » (comme les mercenaires de Wagner et d’autres milices privées) sous le contrôle direct du ministère de la Défense, la révolte de Prigogine semble avoir contribué à fracturer un peu plus le lien entre le pouvoir, l’armée et les observateurs du conflit2.
- En ayant pu arriver à 200 kilomètres de la capitale russe sans être particulièrement inquiétés par l’armée régulière, la « marche » de Prigogine a révélé de sérieuses failles de sécurité.
- Dans l’espace informationnel russe, des commentateurs du conflit (généralement proches du pouvoir) considèrent que l’amnistie prononcée pour les mercenaires ayant pris part à cette expédition constituera un dangereux précédent pour les soldats de l’armée russe ainsi que la communauté ultra-nationaliste3.
- Le site Oryx recense qu’au cours de la mutinerie de Prigogine un avion Il-22 et six hélicoptères auraient été détruits par Wagner, tandis qu’au moins deux véhicules ont été capturés4. Au total, au moins 13 pilotes de l’armée russe auraient été tués au cours de la journée du 24 juin5.
Pour le moment, la rébellion de Prigogine ne semble pas avoir affecté les opérations militaires russes en Ukraine. Si l’armée ukrainienne a annoncé ce matin avoir repris le village de Rivnopil, dans l’oblast de Donetsk, les forces russes conduisent également des contre-attaques, notamment autour de Bakhmout6.
Une éventuelle dissolution ou une incorporation des éléments de Wagner au sein de l’armée régulière permettrait au pouvoir de réaffirmer son contrôle du monopole de la guerre. En faisant cela, Poutine se priverait toutefois d’une force qui s’est prouvée utile pour atteindre les objectifs militaires du régime depuis le début du conflit (notamment par la prise de Bakhmout).
Sources
- Message Telegram de РИА Новости, 26 juin 2023.
- Matt Murphy, « Ukraine war : Russia moves to take direct control of Wagner Group », BBC, 11 juin 2023.
- Riley Bailey, Nicole Wolkov, Karolina Hird et Mason Clark, « Russian Offensive Campaign Assessment, June 25, 2023 », Institute for the Study of War.
- Chef’s Special – Documenting Equipment Losses During The 2023 Wagner Group Mutiny, Oryx, 24 juin 2023.
- Message Telegram de Рыбарь, 24 juin 2023.
- « Ukraine says it has retaken another village from Russian forces », Reuters, 26 juin 2023.