Du séparatisme en Chine

Doctrines de la Chine de Xi | Épisode 41

« L'unité au-dessus de l'autonomie. » Dans la République populaire, certains rêvent d'une « ethnie chinoise » pour parachever le primat de l'identité nationale sur tout le reste. Nous traduisons et expliquons la position du sociologue Ma Rong.

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David Ownby
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© AP Photo/Mark Schiefelbein

Ma Rong (1950-) est un sociologue prolifique de l’université de Pékin et un spécialiste des relations ethniques en Chine. Il obtient son doctorat à l’université Brown, dans l’État du Rhode Island, en 1987. Lui-même membre de la minorité Hui, Ma s’est spécialisé dans le Tibet 1, mais il a publié des dizaines d’ouvrages et d’articles sur une variété de sujets traitant des questions ethniques dans de nombreuses parties de Chine et dans le monde. Le texte de Ma est intéressant en raison de l’intérêt actuel de l’Occident pour les groupes ethniques minoritaires en Chine, suscité par les conflits en cours et les politiques gouvernementales de répression organisée au Xinjiang et au Tibet. 

Pour des raisons d’auto-censure — le Parti muselant toute prise de position contraire à sa ligne sur le sujet —, la situation au Xinjiang n’est pas le centre de gravité du texte. Mais Ma aborde des questions qui font débat chez les intellectuels et l’establishment chinois dans le cadre du système de gestion ethnique de la Chine — et, dans une moindre mesure, de l’ex-Union soviétique. 

L’article de Ma, traduit ici 2, figure dans un numéro de février 2019 d’Ethnic Studies (民族研究) consacré aux « Soixante-dix ans de système d’autonomie régionale ethnique de la Chine ». L’argument de Ma Rong est que « l’autonomie régionale ethnique », si elle était appropriée au début de l’histoire de la RPC, est de plus en plus obsolète compte tenu du développement économique et social de la Chine depuis l’ère de Deng Xiaoping. C’est un argument que Ma défend depuis un certain temps et qui a suscité une résistance considérable de la part de certains universitaires ainsi que des « groupes d’intérêt » des minorités ethniques qui bénéficient de certains aspects du système actuel, dont les racines remontent à l’autonomie formelle extrême — bien que largement fictive — accordée aux « républiques ethniques » de l’ex-Union soviétique 3. Ma soutient que le système chinois nuit souvent aux minorités ethniques qu’il prétend protéger, essentiellement en les maintenant dans des « ghettos ethniques » qui limitent leurs chances dans la vie. Selon Ma, tout le monde sera mieux servi par une politique qui met l’accent sur « l’intégration » plutôt que sur l’« autonomie ». 

Le mois dernier, Xi exprimait la nécessité, dans le cadre de sa campagne d’éducation thématique, d’étudier et de mettre en œuvre sa feuille de route d’une seule voix, en « parvenant à une unité de pensée, de volonté et d’action en utilisant les nouvelles théories du Parti ». Il est fondamental de comprendre comment cette volonté « d’intégration à tout prix » des 56 groupes ethniques de la Chine constitue un volet rhétorique fondamental de la matrice idéologique de Xi Jinping. 

Dans les années 1990, quelques régions minoritaires de Chine ont vu émerger un certain nombre de tendances inquiétantes — comme l’incident de mai 1990 dans le canton de Baren. Au XXIème siècle, suite au développement global de l’économie sociale du pays dans son ensemble et à la progression de la stratégie du « développement occidental 西部大开发 », les différences régionales en termes de niveau de développement économique, de langue, de culture et de religion se sont progressivement accentuées, et vers 2008, une série d’incidents terroristes ethniques violents, dont l’incident du 14 mars à Lhassa et l’incident du 5 juillet 2009 à Urumqi, ont choqué la nation tout entière, entraînant une réflexion sérieuse sur une partie de la population. 

« L’incident de mai 1990 » dont il est question ici fait référence à un épisiode de conflit armé qui a eu lieu entre les Ouïghours et le gouvernement chinois dans le comté d’Akto, au Xinjiang, en avril 1990 ayant fait plusieurs morts. Plus de trente après, les informations sur ces affrontements sont encore très parcellaires.

En conséquence, depuis 2000, une discussion est en cours dans le monde universitaire chinois pour savoir si les théories, les institutions et les politiques relatives aux groupes ethniques chinois employées depuis l’établissement de la Chine nouvelle devraient être revues, accompagnée d’un grand débat sur la façon d’améliorer notre approche fondamentale des relations ethniques dans la Chine contemporaine. Puisque « l’autonomie régionale ethnique 民族区域自治 » a été la bannière et le discours central du travail ethnique du Parti, la façon de comprendre ce système doit être le centre de la discussion et le point focal du débat lorsque nous réexaminons les théories, les institutions et les politiques employées par la Chine nouvelle dans la gestion des questions ethniques.

I. Deux perspectives pour comprendre et améliorer les relations ethniques en Chine

En ce qui concerne les propositions relatives à l’amélioration future des relations ethniques en Chine, les universitaires participant au débat ont présenté deux propositions totalement différentes.

A — L’argument selon lequel la clef de l’amélioration des relations ethniques en Chine consiste à mettre véritablement en œuvre la « loi sur l’autonomie des régions ethniques 民族区域自治法 »

Les universitaires qui soutiennent cette première perspective affirment qu’en termes de théorie, nous devons non seulement continuer à défendre le système discursif « ethnique 民族 » et les politiques institutionnelles de base en place depuis l’établissement de la Chine nouvelle, mais aussi renforcer le dynamisme des politiques ethniques préférentielles afin de protéger les droits politiques spéciaux et les avantages particuliers dont bénéficient les ethnies minoritaires grâce à la mise en œuvre d’un système encore plus solide d’autonomie régionale des minorités. Certains affirment que ce n’est qu’en appliquant intégralement la loi sur l’autonomie des reégions ethniques, et en particulier les « règlements concernant l’autonomie 自治条例 » dans les cinq plus grandes régions autonomes, que nous pourrons réellement exercer des droits autonomes, après quoi nous pourrons améliorer les relations ethniques dans les quelques provinces où elles se sont détériorées, apportant ainsi la stabilité sociale au Tibet et au Xinjiang. Par conséquent, nous devrions accélérer la formulation complète des règlements concernant les régions autonomes ethniques dans chaque région autonome 区 et préfecture 州, afin de permettre aux gouvernements de toutes les régions autonomes de disposer de l’autorité juridique concrète nécessaire à l’exercice d’un pouvoir relativement autonome, et nous devrions également exiger que le système d’autonomie régionale ethnique soit amélioré et élargi.

Les régions autonomes sont des subdivisions territoriales qui accordent une autonomie accrue aux habitants appartenant à des minorités ethniques, sans nécessairement représenter une majorité de la population. Actuellement, il y en a cinq en Chine : Guangxi, Mongolie-Intérieure, Níngxià, Xinjiang et Tibet.

Certains universitaires critiquent vivement la loi sur l’autonomie des régions ethniques pour n’avoir jamais été mise en œuvre de manière exhaustive et complète, arguant que la mise en place des réglementations relatives à l’autonomie des cinq plus grandes régions ethniques est le plus grand problème rencontré dans le maintien et l’amélioration du système d’autonomie de ces régions et dans l’amélioration des relations entre les ethnies, et appellent en même temps à un renforcement de la position d’autorité de la Commission d’État pour les affaires ethniques (国家民委) dans la direction du travail ethnique, arguant que le système de la Commission d’État pour les affaires ethniques devrait devenir un organe représentatif capable de représenter véritablement les intérêts des groupes minoritaires et de protéger leurs droits autonomes aux niveaux central et local, afin d’aider ces groupes à interagir efficacement avec d’autres ministères et agences à tous les niveaux.

B — L’argument selon lequel nous devrions éliminer les conflits ethniques en renforçant l’identification à l’« ethnicité » du « peuple » chinois « 中华民族的民族 »

La deuxième proposition avancée par les universitaires soutient que, compte tenu de l’évolution de la société chinoise au XXIe siècle, il n’est plus possible de définir les « affaires intérieures » de chaque groupe minoritaire et d’établir la sphère juridique de la « gestion autonome », et que, par conséquent, dans les nouvelles conditions sociales et historiques, nous devons, tout en respectant pleinement la mémoire historique et la culture traditionnelle de tous les peuples minoritaires, renforcer progressivement l’identité politique de tous les citoyens de « l’ethnie chinoise 中华民族 » et, sur la base des principes juridiques relatifs aux citoyens modernes, améliorer activement les conditions de vie et les perspectives de développement de nos citoyens appartenant à des minorités ethniques. Ils affirment en outre que tous les droits et intérêts des minorités (droits linguistiques et culturels, liberté de croyance religieuse, droits à l’emploi et au développement, protection de l’environnement, droits à l’égalité juridique, etc.) peuvent être pleinement protégés dans le cadre des droits légitimes des citoyens et de la constitution de la République populaire de Chine.

Le « Plan d’action national pour les droits de l’homme 国家人权行动计划 » (2012-2015) de la Chine a fixé des objectifs quantitatifs dans les sept domaines suivants : « droits au travail », « droits à un niveau de vie de base », « droits aux garanties sociales », « droits à la santé », « droits à l’éducation », « droits culturels » et « droits environnementaux », et le gouvernement s’emploie actuellement à promouvoir activement l’égalité en matière de service public et de protection sociale dans tous les domaines et tous les groupes. C’est pourquoi, à l’avenir, l’énergie première du travail ethnique dans notre pays devrait être consacrée au renforcement de l’identification de tous les groupes à l’« ethnie chinoise », et devrait promouvoir le contenu spécifique de la constitution et des droits des citoyens tout en formulant des mesures pour les mettre en œuvre : ils devraient définir clairement les aspects « légaux » et « illégaux » d’événements concrets (tels que les activités religieuses), et effectuer la gestion conformément à la loi nationale (et non à la « politique locale » de chaque niveau de gouvernement).

Ma justifie ici la politique de surveillance, de contrôle et de répression menée par le gouvernement chinois envers les minorités ethniques, en particulier dans la région du Xinjiang depuis 2017. Cette politique inclut des internements massifs, une rééducation idéologique, la stérilisation et l’imposition de contraceptions forcées, le travail forcé, la torture ainsi que les violences sexuelles. Le Parti justifie cette politique en affirmant qu’elle est conforme à la législation locale et qu’elle relève des affaires intérieures du pays, ne permettant aucune observation étrangère qu’elle qualifie « d’intrusion ».

En même temps, dans la gestion des querelles ou des conflits, nous devrions nous éloigner de l’identification des personnes impliquées dans le conflit en tant que « membre de l’ethnie X » et nous orienter vers une identification en tant que « citoyen individuel » ; les conflits impliquant les droits et les responsabilités des citoyens ne devraient pas être résolus par des instances de la Commission nationale des affaires ethniques « appliquant la politique ethnique », mais devraient être résolus et gérés par le gouvernement, la police, les tribunaux ou d’autres instances de ce type, conformément au droit civil et pénal du pays. 

La « loi » du travail ethnique de notre pays devrait être la loi de la constitution du cadre juridique du pays, et nous ne devrions pas mettre de côté l’esprit de la constitution et mettre l’accent sur l’autonomie régionale ethnique et la loi des droits collectifs particuliers de chaque groupe ethnique. Les agences gouvernementales chargées de l’éducation, du personnel et de l’emploi doivent s’efforcer d’accroître le niveau de participation des travailleurs des groupes ethniques minoritaires dans toutes les professions impliquées dans l’industrialisation et la modernisation de notre pays, afin de leur permettre d’atteindre progressivement la même capacité concurrentielle que les travailleurs Han et de parvenir à une prospérité commune sur la base du respect de soi et de la confiance en soi.

Le débat ci-dessus révèle que le véritable cœur du problème tourne autour de la question de la loi sur l’autonomie des régions ethniques. Aujourd’hui, face à une situation internationale tendue et aux activités séparatistes ethniques qui émergent dans certaines provinces, les autorités centrales appellent fermement à la création et à la consolidation d’une conscience de l’ethnicité chinoise commune 中华民族共同体意识, alors que la loi sur l’autonomie des régions ethniques ne dit rien sur l' »ethnicité chinoise ». Comme les discussions contemporaines sur la théorie et la politique ethniques ne peuvent éviter de revenir à la proclamation de la loi sur l’autonomie des régions ethniques en 1984, il est extrêmement nécessaire de passer en revue le contexte historique qui a donné naissance à cette loi et d’entamer une discussion sur sa nature fondamentale.

Ma souligne les débats fondamentaux qui ont fait rage en Chine sur les questions ethniques au cours des dernières années, mais généralement sans citer de noms ni entrer dans les détails. Dans ce texte, il s’attache principalement à comparer la loi de 1984 sur l’autonomie des régions ethniques — le texte fondateur du système actuel — avec d’autres documents historiques similaires, notamment les différentes Constitutions de la Chine. Il suggère que les circonstances de l’élaboration de la loi de 1984 — en particulier le fait que les minorités ethniques avaient beaucoup souffert pendant la Révolution culturelle — ont abouti à un texte qui s’est efforcé de « rétablir l’ordre » et de rassurer les groupes ethniques en leur garantissant que leurs droits et leurs intérêts seraient préservés. Tout en reconnaissant ces sentiments, Ma Rong explique que les minorités ethniques chinoises seraient tout aussi bien protégées si elles revendiquaient leurs droits en tant que citoyens chinois. 

II. Le processus historique à l’origine du « système d’autonomie des régions ethniques » de la Chine

Revenons tout d’abord sur le processus historique qui a donné naissance au système d’autonomie régionale ethnique de la Chine.

A — Le « régime fédéral » et les « droits autonomes des ethnies »

Dès sa création, le Parti communiste chinois a été profondément influencé par les positions théoriques de Lénine et de Staline sur l’ethnicité et par l’expérience de l’Union soviétique. Les « droits ethniques autonomes » constituent un élément important de la théorie de Lénine. Un document de 1922 du deuxième congrès du Parti [du PCC] mentionne un plan de reconstruction nationale qui prévoit « l’unification de la Chine proprement dite » (y compris la Mandchourie) en une véritable république démocratique ; l’instauration de l’autonomie en Mongolie, au Tibet et au Xinjiang, qui formeront une ligue de territoires démocratiques et autonomes. La République fédérale de Chine sera fondée sur la base d’un système fédéral libre, prévoyant l’union de la Mongolie, du Tibet et du Xinjiang. L’ébauche de constitution de la République soviétique de Chine de 1931 (中华苏维埃共和国宪法大纲) soulignait : 

« Le régime soviétique chinois reconnaît le droit à l’autodétermination des groupes ethniques minoritaires à l’intérieur des territoires chinois et a toujours affirmé que chaque groupe ethnique petit ou faible a le droit de quitter la Chine et d’établir son propre pays indépendant. La Constitution du Parti de 1945 a fixé l’objectif de « construire une nouvelle république fédérale démocratique, basée sur l’alliance de toutes les classes révolutionnaires indépendantes, libres, démocratiques, unifiées, riches et puissantes, ainsi que de tous les groupes ethniques librement unis ». Avec la fin victorieuse de la guerre de résistance contre le Japon, la situation intérieure et extérieure de la Chine a beaucoup changé. En janvier 1946, le « Projet de mise en oeuvre pour une reconstruction nationale pacifique (和平建国纲领草案) », présenté par les représentants du PCC à la Conférence consultative politique (政治协商会议) proposait : « Dans les zones de minorités ethniques, nous devons reconnaître l’égalité de position et le droit à l’autodétermination de tous les groupes ethniques », mais n’a pas parlé de « système fédéral ». À partir de ce moment, le « système fédéral » a disparu du discours du PCC, et le Parti n’a plus mis l’accent sur les « droits à l’autodétermination ethnique ».

Le « Programme commun de la Conférence consultative politique du peuple chinois » de septembre 1949 (中国人民政治协商会议共同纲领) était un document décrivant le système politique à mettre en place après la création de la RPC. La clause 51 du chapitre six sur la « politique ethnique » stipulait que « dans toutes les provinces où les groupes minoritaires vivent de manière concentrée, nous devrions mettre en œuvre l’autonomie régionale ethnique et, en fonction du nombre de personnes et de la taille de la région, mettre en place séparément les bureaux d’autogestion. Dans les provinces où les minorités ethniques vivent dispersées parmi le reste de la population, ainsi que dans les zones autonomes, tous les groupes ethniques devraient avoir une certaine représentation numérique au sein des organes du gouvernement local ». Dans le contexte national et international de 1949, le « Programme commun (共同纲领) » identifiait clairement l' »autonomie régionale ethnique » comme le système politique de base de la Chine nouvelle pour traiter les questions ethniques, illustrant ainsi l’évolution historique du programme politique du Comité central concernant les questions ethniques. Dans le même temps, le concept d’« ethnie chinoise » n’apparaît pas dans le « Programme commun », ce qui est cohérent avec le système de discours figurant dans la Constitution de 1954.

B — Les « grandes lignes de la mise en œuvre de la [politique] d’autonomie régionale ethnique de la République populaire de Chine » de 1952 (中华人民共和国民族区域自治实施纲要)

En août 1952, le Conseil d’État a promulgué les « grandes lignes de la mise en œuvre de la [politique] d’autonomie régionale ethnique de la République populaire de Chine », un document qui devait constituer l’embryon de la loi de 1984 sur l’autonomie régionale ethnique et dont la structure générale est similaire à celle de la loi de 1984. Par rapport au « Projet de mise en oeuvre pour une reconstruction nationale pacifique », la « Loi sur l’autonomie des régions ethniques » a ajouté une préface et, en termes de structure, a maintenu le premier chapitre, intitulé « Aperçu (总则) », et comporte onze clauses, alors que le document original n’en comptait que trois. Le chapitre deux du Projet de mise en œuvre a été combiné dans la « loi sur l’autonomie des régions ethniques » avec le chapitre trois (« Organes autonomes »), devenant ainsi le chapitre deux (« Création de régions autonomes ethniques et organisation d’organes autonomes). 

Le quatrième chapitre du Projet de mise en œuvre (« Droits autonomes ») est devenu le chapitre trois de la loi sur l’autonomie des régions ethniques (« Droits autonomes des organes autonomes »), et les onze clauses initiales ont été portées à vingt-huit. Le chapitre deux de la loi sur l’autonomie des régions ethniques (« Les tribunaux populaires et les parquets populaires des régions autonomes ethniques ») a été ajouté. Le chapitre cinq du Projet de mise en œuvre (« Relations ethniques au sein des régions autonomes ») est le chapitre cinq de la loi sur l’autonomie des régions ethniques (« Relations ethniques au sein des régions autonomes ethniques »). Le chapitre six du schéma de mise en œuvre (« Principes directeurs du gouvernement populaire supérieur ») devient, dans la loi sur l’autonomie des régions ethniques, le chapitre six (« Responsabilités des organes d’État de niveau supérieur »), et le nombre de clauses est porté à dix-neuf. Le chapitre sept (« Annexe ») du schéma de mise en œuvre devient le chapitre sept (« Annexe ») de la loi sur l’autonomie des régions ethniques, mais avec seulement deux clauses. 

En termes de comparaison de base, la loi sur l’autonomie des régions ethniques de 1984 et le Projet de mise en œuvre de l’autonomie des régions ethniques de 1952 ont des structures similaires, la section sur les « droits autonomes » est passée de 11 à 28 clauses, et les nouveaux éléments ajoutés concernent essentiellement l’embauche, l’encouragement du développement de l’économie non-étatique, les droits de propriété sur les forêts et les prairies, les ressources naturelles, la construction de base, la gestion des entreprises, le commerce extérieur, les normes de dépenses, les impôts, les banques, la gestion de la population mobile, la protection de l’environnement, etc. La section consacrée aux « responsabilités des organes supérieurs de l’État » est passée de six à dix-neuf clauses, énumérant essentiellement des domaines spécifiques concernant l’assistance, l’orientation et les ressources à déployer dans divers aspects du travail dans les régions autonomes . Les points saillants de la loi de 1984 sur l’autonomie des régions ethniques sont les clauses 21 à 45, qui consistent en des réglementations détaillées concernant les droits souverains ou autonomes des régions ethniques autonomes.

Une comparaison de ces deux documents révèle quelques points particulièrement dignes d’intérêt :

Premièrement, aucun des deux textes ne mentionne le sujet très important de « l’ethnie chinoise », une caractéristique commune aux deux.

Deuxièmement, dans le chapitre quatre du schéma de mise en œuvre, intitulé « Droits autonomes », nous trouvons la clause 14 : « La forme concrète de l’administration autonome de chaque région ethnique reflétera les souhaits de la majorité des personnes vivant dans la région administrée ainsi que ceux des personnalités avec lesquelles elles sont en contact », ainsi que la clause 18 : « Les réformes internes de chaque région ethnique refléteront les souhaits de la majorité des personnes vivant dans la région administrée ainsi que ceux des personnalités avec lesquelles elles sont en contact ». Ces clauses ne figurent pas dans la loi sur l’autonomie des régions ethniques et reflètent les particularités de la situation nationale de la Chine au début des années 1950. À l’époque, le Tibet venait tout juste d’être libéré pacifiquement et le gouvernement de Lhassa existait encore. Lorsque le gouvernement central a discuté de la création d’une région autonome dans un endroit comme le Tibet, il a laissé un certain espace de négociation sur des questions telles que « la forme concrète de l’administration autonome » et « le moment d’entamer les réformes internes », et n’a pas imposé une forme ou un calendrier unique à l’échelle nationale, reflétant ainsi un esprit pragmatique de « recherche de la vérité à partir des faits ».

Troisièmement, la clause 20 a été ajoutée à la section sur les « droits autonomes des organes autonomes » de la loi sur l’autonomie des régions ethniques : « Si les résolutions, décisions, ordres et instructions des autorités supérieures sont inappropriés dans le contexte des régions autonomes ethniques, les organes autonomes peuvent en informer les autorités supérieures de l’État et leur demander l’autorisation de modifier ou d’interrompre la mise en œuvre de la politique. Les autorités supérieures de l’État doivent fournir une réponse dans les 60 jours suivant la réception de la notification ». Il s’agit d’une clause qui ne figurait pas dans le schéma de mise en œuvre et qui accorde objectivement aux gouvernements locaux autonomes « les droits autonomes de modifier ou de refuser la mise en œuvre des ordres ou des résolutions du gouvernement central », ce qui, d’un point de vue juridique, accroît les droits administratifs autonomes des régions autonomes . Cette clause constitue la différence la plus importante entre les deux documents et, dans son approche intellectuelle fondamentale, elle est cohérente avec les tendances du début des années 1980 qui consistaient à s’opposer à la « gauche » dans le cadre des efforts visant à « rétablir l’ordre 拔乱反正 ». 

Les différences entre le centre de la Chine et certaines provinces frontalières sont très importantes en termes de trajectoire de développement historique et de conditions sociales, et certaines institutions et politiques qui sont appliquées de manière appropriée à la population Han peuvent dans certains cas ne pas être appropriées pour les provinces frontalières, et accorder aux groupes ethniques qui vivent dans ces provinces certains droits de modifier ces politiques reflète un esprit scientifique de « recherche de la vérité à partir des faits », mais la manière dont cela devrait être écrit de manière appropriée dans la loi sur l’autonomie des régions ethniques est une question énorme qui exige une réflexion approfondie. Si ces « droits autonomes de modifier ou de refuser la mise en œuvre des ordres ou des résolutions du gouvernement central » manquent de contraintes institutionnelles ou prennent des proportions démesurées, ils pourraient, dans certaines conditions internes ou externes, créer un risque de divisions politiques.

C — L’« autonomie des régions ethniques » dans les constitutions chinoises

La Chine a proclamé quatre constitutions, en 1954, 1975, 1978 et 1982. La version de 1954 contenait six clauses relatives à la réglementation des organes autonomes dans les régions autonomes ethniques. Dans la version de 1975, révisée pendant la Révolution culturelle, ces six clauses ont été réduites à une seule. Dans la version de 1978, révisée après la Révolution culturelle, le nombre de clauses est passé à trois. 

En 1982, la Chine continentale encourageait activement le « retour à l’ordre » et la mise en œuvre de politiques conformes à cet objectif. La constitution publiée cette année-là a considérablement augmenté le nombre de clauses traitant des organes autonomes des régions ethniques autonomes, qui est passé de trois à onze, non seulement en rétablissant les exigences de la constitution de 1954 selon lesquelles « tout endroit où résident des minorités ethniques doit pratiquer l’autonomie régionale », mais aussi en ajoutant des termes concernant « l’établissement d’organes autonomes et la mise en œuvre de droits autonomes », en énumérant et en renforçant le contenu concret de divers aspects des « droits autonomes ». Dans la société chinoise du début des années 1980, l’accent était mis sur la « mise en œuvre des politiques 落实政策 » qui, de haut en bas, visaient à « rétablir l’ordre » face à la pensée « d’extrême gauche » de la révolution culturelle et à l’expansion de la lutte des classes ; telle était l’atmosphère politique générale dans les affaires intérieures à l’époque, ainsi qu’un contexte historique important nous aidant à comprendre une partie de la réflexion de la constitution de 1982 sur l’autonomie régionale ethnique et la loi de 1984 sur l’autonomie régionale ethnique qui a vu le jour peu après.

D — Une fois promulguée, la « loi sur l’autonomie des régions ethniques » de 1984 est devenue la bannière et le discours central du travail ethnique.

La loi sur l’autonomie des régions ethniques de la République populaire de Chine a été officiellement annoncée en 1984. Par la suite, le système du Congrès du peuple, le système de coopération multipartite et de consultation politique dirigé par le Parti communiste chinois et le système d’autonomie des régions ethniques ont été considérés par le gouvernement central comme les trois systèmes politiques de base de la Chine.

Lorsque le camarade Deng Xiaoping a rencontré János Kádár (1912-1989), secrétaire général du Parti socialiste ouvrier hongrois, en octobre 1987, il a déclaré : « Pour résoudre nos problèmes ethniques, la Chine n’utilise pas le système fédéral de la République populaire, mais plutôt le système d’autonomie régionale ethnique. » Jiang Zemin, dans un discours prononcé en septembre 1999 lors de la deuxième réunion du comité central sur le travail ethnique, a déclaré : « L’autonomie des régions ethniques est l’une des institutions politiques fondamentales de la Chine. Elle intègre étroitement la direction concentrée et unifiée de notre pays et l’autonomie régionale dont jouissent les minorités ethniques, ce qui lui confère une grande vitalité politique. Nous devons maintenir cette politique de manière cohérente et continuer à l’améliorer ». 

En mai 2005, le camarade Hu Jintao, lors de la troisième réunion du Comité central sur le travail ethnique, a déclaré : « L’autonomie régionale ethnique ne doit pas être remise en question en tant qu’expérience de base dans les efforts de notre pays pour résoudre les problèmes ethniques, elle ne doit pas vaciller en tant qu’institution politique de base de notre pays, ni être affaiblie en tant qu’élément de la supériorité du socialisme de notre pays. » Comme cela le montre, le système d’autorité régionale ethnique a été affirmé à plusieurs reprises dans les discours des plus hauts membres de la direction centrale de notre pays et, pendant de nombreuses années, il a servi d’élément central dans le système discursif du travail ethnique du Parti communiste chinois, devenant ainsi une « tradition politique » que ni les fonctionnaires, ni les universitaires, ni le peuple n’osent remettre en question à la légère. 

Il convient de rappeler une nouvelle fois que la loi de 1984 sur l’autonomie des régions ethniques stipule que « la République populaire de Chine est un pays multiethnique communément créé par les habitants de l’ensemble du pays », qu’elle soutient la notion selon laquelle « les régions ethniques autonomes restent toutes des parties d’une République populaire de Chine indivisible » et qu’elle souligne que « chaque région ethnique minoritaire doit mener à bien l’autonomie régionale, mettre en place des organes autonomes et jouir de droits autonomes ». La mise en œuvre de l’autonomie ethnique régionale incarne l’esprit de notre pays, qui consiste à respecter et à protéger pleinement les droits de toutes les minorités ethniques à gérer leurs affaires internes. Pourtant, cette loi sur l’autonomie régionale des ethnies, censée guider le développement des relations ethniques en Chine, ne mentionne pas une seule fois « l’ethnie chinoise ». En y repensant aujourd’hui, on ne peut que penser qu’il s’agit là d’une omission importante.

III. La position de la quatrième réunion du Comité central sur le travail ethnique concernant l’« autonomie régionale ethnique »

Les débats académiques en Chine sur la théorie ethnique — y compris la définition du concept « d’ethnicité », l’existence d’une « ethnicité chinoise » et la question de savoir si, à l’avenir, nous devrions renforcer le système d’autonomie régionale ethnique ou plutôt construire une identité chinoise commune — sont en cours depuis près de vingt ans. Lors de la quatrième réunion du Comité central de 2014 sur le travail ethnique, la mission importante a été identifiée comme étant « d’appréhender correctement la question ethnique, les caractéristiques spéciales et les lois du travail ethnique à la lumière de notre nouvelle situation, d’unifier notre pensée et notre compréhension, de clarifier nos objectifs et notre mission, d’affirmer notre confiance et notre détermination, et d’améliorer notre capacité et notre aptitude au travail ethnique ». C’est pourquoi une lecture attentive des documents de cette réunion sera utile pour comprendre les tendances importantes du travail ethnique dans notre pays.

A — Le maintien et l’amélioration du système d’autonomie des régions ethniques nécessiteront la réalisation des « deux intégrations »

Comme nous l’avons vu plus haut, l’autonomie des régions ethniques a été officiellement reconnue, peu après la création de la nouvelle Chine, comme le système de base pour résoudre les problèmes ethniques de la Chine. Elle a été affirmée par de nombreux dirigeants de haut niveau et est devenue un élément essentiel du système discursif guidant le travail ethnique du Parti communiste chinois. En même temps, comme c’est le cas pour de nombreuses politiques chinoises concernant les droits et les intérêts des minorités ethniques — telles que la politique de l’enfant unique, les bonus aux examens d’entrée à l’université, les affectations préférentielles, les prestations sociales spéciales, la nomination de cadres dans les régions autonomes —, sa base juridique et sa justification administrative sont liées à la loi sur l’autonomie des régions ethniques et au statut de chaque citoyen en tant que tel. Un petit changement peut avoir d’énormes conséquences, qui affecteraient non seulement les intérêts individuels et les avantages sociaux de centaines de millions de personnes appartenant à des minorités ethniques dans tout le pays, mais aussi les rêves universitaires de millions d’étudiants appartenant à des minorités ethniques, ainsi que les emplois et les promotions futures de millions de cadres appartenant à des minorités, entre autres questions. 

Cela fait partie de la politique traditionnelle de la Chine à l’égard des groupes ethniques minoritaires. Pour plus de détails, voir Ma Rong, « L’évolution historique du système chinois des régions ethniques autonomes ».

Étant donné que ces diverses « politiques ethniques » visant les minorités ethniques dans leur ensemble sont appliquées depuis plusieurs décennies, cela signifie en fait que les minorités ethniques constituent désormais un certain « groupe d’intérêt » ayant une certaine base juridique et historique. C’est pourquoi, lorsque des discussions savantes remettent ce système en question, elles provoquent nécessairement une forte réaction de la part des cadres des minorités ethniques, des universitaires et des masses ; les cadres et les universitaires des minorités ethniques sont d’importantes sources de soutien pour le gouvernement central dans les rangs des cadres et des universitaires du Parti et du gouvernement dans toutes les régions autonomes. C’est probablement cette considération qui a conduit la quatrième réunion du Comité central de 2014 sur le travail ethnique à réaffirmer ce système : « L’autonomie des régions ethniques est à l’origine des politiques ethniques de notre Parti, qui en découlent toutes et existent grâce à elle. Si cette origine devait changer, les fondations deviendraient instables et produiraient un effet domino sur les questions de théorie, de politique et de relations ethniques.

Tout en réaffirmant ce système, la réunion sur le travail ethnique a fait deux observations totalement nouvelles sur la façon dont nous devrions, à la lumière de la nouvelle situation actuelle, comprendre le système d’autonomie régionale ethnique construit au fil des ans : Le maintien et l’amélioration du système d’autonomie régionale ethnique nécessiteront la réalisation des « deux intégrations ». La première consiste à maintenir l’intégration de l’unité et de l’autonomie. 

L’unité est l’un des plus grands intérêts du pays, un intérêt commun à tous les groupes ethniques, la condition préalable et la base de la mise en œuvre de l’autonomie régionale ethnique. En l’absence d’unité nationale, il ne peut y avoir d’autonomie régionale ethnique. En même temps, nous devons, sur la base de l’application des lois et des politiques de notre pays et de la garantie, sur une base juridique, des droits autonomes des régions autonomes, fournir une assistance spéciale aux régions autonomes et résoudre de manière appropriée les problèmes particuliers des régions autonomes . 

La deuxième est l’intégration de la défense des facteurs ethniques et des facteurs régionaux. L’autonomie régionale ethnique englobe les deux. L’autonomie régionale ethnique n’est pas une autonomie dont jouissent certaines ethnies particulières, et encore moins une zone réservée à un groupe ethnique particulier. Nous devons être clairs sur ce point, sous peine d’aller dans la mauvaise direction. La Chine doit continuer à défendre le système de l’autonomie régionale ethnique, mais quant à la manière dont nous devons comprendre ce système et à la direction que nous devons lui donner dans la pratique, nous devons « rattraper le temps perdu ».

L’argument de Ma Rong rappelle également celui de Hu Lianhe et Hu An’gang dans « Comment la question des nationalités est traitée en dehors de la Chine » dans son approbation générale — bien que largement implicite — du multiculturalisme et des pays melting pot comme les États-Unis et le Brésil. Il est bien sûr tout à fait clair que la politique ethnique actuelle de la Chine n’offre souvent que très peu de protection aux groupes supposés « autonomes » — le terme est clairement orwellien dans le Xinjiang ou le Tibet d’aujourd’hui — mais personne ne sait si une politique favorisant l’« intégration » serait meilleure. Les voix des minorités ethniques sont remarquablement absentes du texte de Ma, et il ne nous dit rien de leurs souhaits.

B — Comment comprendre les régions autonomes ethniques de Chine du point de vue de l’« ethnicité » ?

Lorsqu’elle s’est penchée sur les frontières administratives et le nom à donner à ses régions autonomes ethniques, la Chine nouvelle a eu une approche similaire à celle de l’Union soviétique et de la Yougoslavie, et elle a utilisé comme points de référence les régions ethniques traditionnelles et les noms des groupes ethniques qui y vivaient. Quant à la manière dont nous devons comprendre aujourd’hui ce mode de désignation, la réunion sur le travail ethnique l’a clairement indiqué : Nos régions autonomes portent le « chapeau » de l’ethnicité, et le fait de porter ce « chapeau » signifie que ces groupes doivent assumer la responsabilité encore plus grande de protéger l’unité nationale et ethnique. 

Cette perspective est très différente de la compréhension commune de la plupart des gens, qui est que les ethnies autonomes ont des droits et des intérêts accrus en termes de structures administratives autonomes et d’activités économiques. Ce nouveau langage (提法) concernant les responsabilités des ethnies autonomes a suscité de nombreuses réflexions. Quant à savoir pourquoi, à l’heure actuelle, il est toujours nécessaire de maintenir le système d’autonomie régionale des ethnies, la réunion sur le travail ethnique a souligné que « en matière de réforme, nous ne pouvons absolument pas nous contenter d’un système d’autonomie régionale : « En matière de réforme, nous ne pouvons absolument pas commettre des erreurs qui seraient déstabilisantes, ni effectuer des virages à 180 degrés dans des systèmes ou des politiques importants, sous peine de tomber à l’eau ». Dans le contexte de cet argument, il est nécessaire d’ajouter une appréciation reflétant une exploration logique plus profonde et une vision historique plus longue.

Dans le même temps, la quatrième réunion sur le travail ethnique a souligné : « En appliquant correctement les dispositions de la Constitution et de la loi sur l’autonomie des régions ethniques, l’essentiel est d’aider les régions autonomes à développer leur économie et à améliorer les conditions de vie de la population » et non, comme certains l’ont proposé, d’accélérer la mise en œuvre des lois sur l’autonomie régionale dans les cinq régions autonomes ou dans le Xinjiang. Objectivement, il s’agissait d’une réponse indirecte aux personnes qui demandaient la mise en œuvre des lois sur l’autonomie régionale des cinq régions autonomes.

C — Notre point de vue sur plusieurs questions controversées

Depuis un certain temps, plusieurs personnes appellent à la « promotion » ou à l’« expansion » de l’autonomie des régions ethniques. Par « promotion », ils entendent l’élévation du rang du système des régions autonomes ethniques dans l’administration nationale, l’établissement de structures administratives centrales et locales correspondant au système d’autonomie régionale ethnique, ce qui signifierait la création d’un bureau des affaires ethniques sur un pied d’égalité avec des structures telles que la Conférence nationale du peuple ou la Conférence consultative politique du peuple chinois. Au niveau du gouvernement central, la Chine dispose actuellement de la Conférence nationale du peuple et de ses bureaux (le Grand Hall du peuple) et de la Conférence consultative politique du peuple chinois et de ses bureaux (le Hall de la Conférence consultative politique du peuple chinois), et les réunions annuelles de ces deux structures (appelées collectivement les « deux réunions ») sont les événements les plus importants de la vie politique de la Chine. 

Ainsi, ceux qui appellent à la promotion du travail ethnique demandent qu’une structure politique (le Comité national des régions autonomes des minorités ethniques) qui serait l’équivalent de ces deux structures soit établie au niveau du gouvernement central, ce qui impliquerait la construction, à Pékin, de bureaux qui seraient l’équivalent du Grand Hall du Peuple et du Hall de la Conférence consultative politique du peuple chinois.

Dans une certaine mesure, cette façon de penser rappelle le « Soviet des nationalités » de l’Union soviétique, l’un des « deux Soviets » du Soviet suprême (l’autre étant le « Soviet de l’Union »). À l’époque de l’Union soviétique, le Soviet des nationalités représentait les intérêts particuliers de toutes les régions ethniques autonomes. La constitution soviétique stipulait que le Soviet des nationalités était composé de 750 représentants, élus au scrutin secret pour un mandat de cinq ans lors d’élections en principe universelles, égales et directes, organisées dans les républiques fédérées (32 représentants chacune), les républiques autonomes (11 représentants chacune), les oblasts autonomes (5 représentants chacun) et les districts nationaux (1 représentant chacun). 

Le Soviet des Nationalités faisait partie des deux organes législatifs du Soviet suprême en URSS, aux côtés du Soviet de l’Union. Il avait pour rôle de représenter les intérêts de chaque république en se basant sur une répartition proportionnelle des sièges : 25 députés pour chacune des républiques soviétiques, 11 pour chaque république autonome, cinq pour chaque région autonome et un pour chaque oblast.

Le Soviet des nationalités tenait deux réunions régulières par an, au cours desquelles les membres discutaient et échangeaient leurs points de vue sur les questions ethniques et les projets connexes. Il y avait un président, quatre vice-présidents et 30 membres du comité permanent. « Selon la constitution de 1924 de l’Union soviétique, c’était l’une des chambres du Comité exécutif central soviétique (苏联中央执行委员). » Toute mesure politique importante en Union soviétique devait être votée par les deux soviets — le Soviet de l’Union et le Soviet des nationalités). 

Comme chacun le sait, en Chine, le processus d’élection au Congrès national du peuple et à la Conférence consultative politique du peuple national prend déjà entièrement en compte la question de la représentation des minorités ethniques ; par conséquent, dans le système actuel, devons-nous également établir séparément une administration nationale pour « représenter les régions autonomes des minorités ethniques ? Quelle serait la nature de la relation de cet organe avec le Congrès national du peuple et la Conférence consultative politique du peuple ? Cette question mérite réflexion.

Par « expansion », on entend le fait d’aller au-delà des règlements administratifs concernant les régions autonomes ethniques dans la présente constitution et dans la loi sur l’autonomie des régions ethniques et d’établir des villes autonomes ethniques ou des districts autonomes ethniques rattachés à des villes, transformant ce qui était jusqu’à présent des provinces, préfectures et comtés (ou bannières) ethniquement autonomes en provinces, préfectures (municipalités) et comtés (bannières, municipalités et provinces) autonomes. Le Bureau de la politique et du droit de la Commission nationale des affaires ethniques (国家民委政法司) fait pression depuis des années pour que la constitution soit modifiée afin d’y ajouter un texte concernant les « villes ethniques », de sorte que lorsque le développement économique ou démographique d’un pays autonome justifie sa « promotion » au statut de municipalité, il puisse conserver les droits et les intérêts liés à son statut initial d' »autonomie ethnique ». 

Depuis que la Chine a entamé sa politique de réforme et d’ouverture, le développement économique des villes et des communes et le rythme de l’urbanisation se sont accélérés, et lorsque le développement de l’économie non agricole et la taille de la population de certains comtés autonomes (ou bannières) ont atteint le seuil de la municipalité, le pourcentage de la population ethnique minoritaire par rapport à la population totale a souvent diminué de manière significative. Dans la tendance générale du développement social de la Chine, le pourcentage de la population du pays tout entier résidant dans les villes et les communes a augmenté rapidement, passant de 36,9 % en 2000 à 58,2 % à la fin de 2017. Aujourd’hui, alors que la Chine promeut le « développement occidental » et le processus d’urbanisation rapide, la trajectoire de développement de ces villes nouvellement créées devrait être encore plus ouverte, et elles devraient se joindre de plus en plus activement au grand flux de développement des échanges et de l’intégration, et ne devraient pas continuer à s’accrocher à une « autonomie régionale » liée à une ethnicité.

D — Promouvoir le « renforcement des échanges et des interactions (交往交流交融) au sein de l’ethnie chinoise »

La quatrième réunion du Comité central sur le travail ethnique a noté : « La formation d’un marché national unique en Chine et l’augmentation des échanges sociaux entre les gens stimuleront grandement l’intégration, c’est une tendance historique, un résultat nécessaire du développement de notre économie socialiste, un résultat nécessaire du maintien de notre identité socialiste, un résultat nécessaire du progrès de la civilisation chinoise… Nous devons respecter de telles lois, et saisir correctement la direction historique de l’échange social du peuple. Nous ne pouvons pas ignorer la nature commune du peuple et refuser de diriger, ni transcender les étapes historiques et utiliser des moyens administratifs pour forcer le progrès tout en ignorant les différences ethniques ». Cela montre que les idées de renforcement de l’autonomie régionale ethnique par la « promotion » ou l’« expansion » [du système actuel] vont dans la direction opposée aux appels des autorités centrales à renforcer la grande tendance historique des échanges sociaux au sein de toutes les ethnies.

En outre, lors du recensement de 2010, la Chine comptait encore 64 000 « personnes non désignées (未识别人口) », parmi lesquelles certains groupes (comme les Chuanqing 穿青 du Guizhou, les Portugais de souche (土生葡) de Macao) aimeraient être reconnus comme de nouvelles « ethnies » et, grâce à ce statut, entrer dans la grande famille nationale et la structure politique de la Chine. Quelques provinces demandent également la création de nouveaux comtés ou municipalités autonomes en tant que « régions ethniques ». La quatrième réunion du Comité central sur le travail ethnique a officiellement affirmé que la tâche de notre pays en matière de « désignation ethnique » est fondamentalement terminée.

E — Le nouveau cri pour le « droit à l’autodétermination ethnique »

Après la fin des années 1940, les autorités centrales chinoises n’ont plus promu ni le système fédéral, ni le « droit à l’autodétermination ethnique ». Dans la « Directive du Comité central au Comité de première ligne de la Deuxième armée de campagne sur la question du « droit à l’autodétermination » des groupes ethniques minoritaires 中共中央关于少数民族 « 自决权 « 问题给二野前委的指示, « datée du 5 octobre 1949, il a été clairement souligné que : « La détermination de la politique ethnique du Parti doit être basée sur les règles relatives aux politiques ethniques du Programme commun de la CCPPC 人民政协共同纲领. En ce qui concerne la question du « droit à l’autodétermination » des minorités ethniques, nous ne devrions plus insister sur ce point à l’heure actuelle. Dans le passé, pendant la guerre civile, notre Parti a mis l’accent sur ce slogan pour gagner les minorités ethniques à notre cause et s’opposer au régime réactionnaire du GMD (qui adoptait une attitude particulièrement chauvine à l’égard des minorités ethniques), et c’était tout à fait correct à l’époque.

Mais la situation actuelle a connu un changement fondamental, le pouvoir réactionnaire du GMD a été fondamentalement vaincu. La Chine nouvelle, dirigée par notre Parti, a été établie et, par conséquent, pour achever la grande entreprise d’unification de notre pays, pour s’opposer aux complots des impérialistes et de leurs chiens courants qui visent à diviser l’unité ethnique de la Chine, sur le front intérieur, nous ne devrions plus mettre l’accent sur ce slogan pour éviter qu’il ne soit utilisé par les impérialistes et par les éléments réactionnaires au sein des minorités ethniques en Chine, ce qui nous mettrait dans une position passive ». Ainsi, depuis la fin des années 1940, le Comité central du Parti a clairement déclaré que dans le travail ethnique de la Chine, nous devions abandonner le slogan et le cadre du « droit à l’autodétermination ethnique ». Les camarades Mao Zedong et Zhou Enlai nous ont avertis à plusieurs reprises que le fait de ne pas [utiliser le slogan ou la politique] n’était pas seulement parce que cela correspondait à notre situation nationale, mais aussi pour empêcher les forces extérieures d’utiliser les problèmes ethniques pour attiser les divisions. »

Le 17 novembre 2017, le China Ethnic Journal (中国民族报) a publié un article qui soulignait : « Le marxisme-léninisme ne s’oppose pas au droit à l’autodétermination ethnique, mais le considère au contraire comme une théorie importante et un guide dans la gestion des questions ethniques… Bien qu’en termes de nom [employé dans les questions politiques], il semble que le Parti communiste chinois, qui a défendu le droit à l’autodétermination ethnique depuis la fondation du Parti jusqu’au déclenchement de la guerre sino-japonaise, n’ait pas choisi d’intégrer cette politique dans son système de gestion de la question des différentes ethnies participant à la construction nationale, Pourtant, du point de vue de la signification fondamentale de sa pensée, l’idée promue par le « droit à l’autodétermination ethnique » de respecter la souveraineté politique et les intérêts des groupes ethniques minoritaires se trouvant en position de faiblesse, a mérité d’être affirmée par le PCC.  » 

Bien que cet article reconnaisse que le Parti n’a plus promu le « droit à l’autodétermination » après la fin des années 1940, il souligne également que le « noyau » du « droit à l’autodétermination ethnique » a été affirmé par le PCC, et insiste également sur le fait qu’en termes théoriques, l’idée du « droit à la détermination ethnique » reste liée au système actuel d’autonomie régionale des ethnies de notre pays. Le 12 août 2016, le China Ethnic Journal a publié un autre article dans lequel il mettait publiquement en doute le fait que l’« ethnie chinoise » en tant que corps politique ait réellement pris forme, en mettant l’accent sur l’autonomie régionale ethnique comme base théorique de la revendication.

III. L’orientation future de l’action de la Chine en faveur des minorités ethniques

Lors de la réunion de l’Assemblée nationale populaire du 20 mars 2018, le président national réélu Xi Jinping a prononcé un discours. Dans les récents discours du président Xi, nous pouvons voir comment le centre du Parti exprime son point de vue fondamental sur la question ethnique, ainsi que la façon dont il définit l’orientation du développement futur du travail ethnique de notre pays. 

Le monde d’aujourd’hui est composé d’États-nations (États souverains reconnus par les Nations unies) dotés de systèmes administratifs, juridiques, diplomatiques, économiques et financiers indépendants. Dans le corps politique qu’est la Chine d’aujourd’hui, et pour tous les Chinois qui composent la République populaire de Chine, l’« ethnie chinoise » constitue notre identité politique et culturelle la plus fondamentale, et le passeport chinois et la carte d’identité chinoise sont les « frontières » légalement définies qui séparent les Chinois des citoyens d’autres pays. Des expressions telles que « peuple chinois », « civilisation chinoise », « fils et filles de Chine » et « esprit national » mettent l’accent sur l’histoire commune, l’identité collective et le destin commun de tous les Chinois, et ces expressions sont récemment devenues le fil conducteur des discours de nos plus hauts dirigeants concernant le discours sur l' »ethnicité ».

Le « Rapport de travail » du président Xi du 18 octobre 2017, présenté à la 19e Conférence nationale du peuple, représentant le 18e Comité central, est le texte programmatique de cette cohorte de dirigeants centraux. À 73 reprises, le texte fait référence au peuple chinois dans son ensemble et en tant que « nation ». Le « peuple chinois » est également mentionné 14 fois, alors que dans dix cas, le rapport fait référence aux différences ethniques de la Chine en tant que « peuple de toutes les nationalités », et seulement six fois aux 56 « groupes ethniques » (« travail religieux ethnique », « régions ethniques frontalières », « activités séparatistes ethniques », « système d’autonomie régionale ethnique », « ethnicité, religion » et « unité ethnique »), tandis que l' »autonomie régionale ethnique » n’est mentionnée qu’une seule fois. 

La formulation concrète du « Rapport de travail » sur la question ethnique, dans la section consacrée au « front uni patriotique », est la suivante : « Approfondir l’éducation progressive sur l’unité ethnique » : « Approfondir l’éducation progressive sur l’unité ethnique, consolider la conscience du corps commun du peuple chinois, renforcer l’interaction entre tous les groupes ethniques, encourager tous les groupes ethniques à être aussi étroitement liés que des graines de grenade, afin qu’ils s’unissent pour lutter, se développer et prospérer… réaliser ensemble le grand renouveau du peuple chinois. » De toute évidence, le président Xi a mis l’accent sur « l’interaction entre tous les groupes ethniques » et sur « la consolidation de la conscience d’une ethnicité chinoise commune ». Dans son discours prononcé lors de la cérémonie de clôture du 13e Congrès national du peuple en mars 2018, le président Xi n’a pas mentionné l' »autonomie régionale ethnique », mais a plutôt insisté sur les points suivants : « Dans le fleuve des milliers d’années d’histoire, le peuple chinois a toujours été uni comme un seul homme, se serrant les coudes dans les moments difficiles 同舟共济, construisant un pays uni et multiethnique, développant la pluralité dans l’unité des 56 groupes ethniques, les relations imbriquées et harmonieuses entre les groupes ethniques, formant la grande famille du peuple chinois qui veille les uns sur les autres et s’entraide. »

La Constitution révisée de 2018 mentionne l’« ethnie chinoise » à deux reprises (une fois dans l’article 32 et une fois dans l’article 33), ce qui signifie que l’« ethnie chinoise » est officiellement « entrée dans la Constitution ». Le vocabulaire et les expressions employés dans les discours susmentionnés montrent clairement qu’il y a déjà eu un changement important dans l’accent mis sur les deux notions d' »ethnie chinoise » et de « 56 groupes ethniques ». Les expressions utilisées dans le passé tendaient à mettre l’accent sur « l’autonomie régionale des ethnies », « l’égalité des ethnies » et « la prospérité commune », alors que ces dernières années, l’accent a été mis sur « la communauté de l’ethnie chinoise » et « l’interaction entre les peuples ».

En 1989, le professeur Fei Xiaotong a souligné qu' »au cours du dernier siècle de résistance aux puissances occidentales, le peuple chinois est devenu une entité nationale consciente ». Son idée de « pluralité dans l’unité » a été réaffirmée par les autorités centrales. Le camarade Hu Jintao, dans son discours de juillet 2016 lors de la Conférence nationale de travail du Front uni, a clairement souligné : « L’égalité, l’unité, l’assistance mutuelle et les relations ethniques socialistes harmonieuses ont créé la situation de base de la pluralité dans l’unité du peuple chinois, et les intérêts fondamentaux de la grande famille du peuple chinois. » Lors de la quatrième réunion du Comité central sur le travail ethnique, le président Xi a expliqué l’idée de la « pluralité au sein de l’unité du peuple chinois » comme suit : « Lorsque nous parlons de la nature de la pluralité au sein de l’unité du peuple chinois, l’unité contient la pluralité, et la pluralité constitue l’unité. L’unité n’est pas séparée de la pluralité, ni la pluralité de l’unité. L’unité est le fil conducteur et la direction, la pluralité, les pièces mobiles et la motivation. Les deux existent dans une unité dialectique ».

Depuis 2000, les débats se poursuivent au sein de la communauté universitaire sur les tendances de l’évolution des relations ethniques en Chine et sur les résultats objectifs de l’autonomie régionale ethnique et du traitement préférentiel des minorités. Lors de la quatrième réunion du Comité central sur le travail ethnique en 2014, les autorités centrales se sont exprimées de manière assez complète sur ces questions. D’une part, elles ont noté que le système d’autonomie régionale ethnique est devenu, depuis 1949 et la fondation de la Chine nouvelle, le système de base et le discours central pour la gestion des questions ethniques, et pour éviter un changement à cent quatre-vingts degrés qui pourrait conduire à un  » recul 翻车 « , elles ont réitéré leur attitude positive à l’égard de ce système, allant même jusqu’à exprimer la ferme opinion que « l’idée de supprimer le système d’autonomie régionale ethnique devrait être mise de côté », fournissant un « calmant » à ceux qui s’inquiétaient que le Parti envisage des changements importants dans le discours et le système de base de la gestion ethnique. D’autre part, tout en affirmant le système de « l’autonomie régionale ethnique », ils ont particulièrement insisté, en termes de priorités, sur la nécessité de placer « l’unité » au-dessus de « l’autonomie » : « En l’absence d’unité nationale, il ne peut y avoir d’autonomie régionale ». 

En ce qui concerne les groupes ethniques qui mettent en œuvre l’autonomie régionale, ils ont insisté sur le fait que ces groupes doivent protéger l’unité et que la préservation de l’unité ethnique est « la plus grande responsabilité ». Si l’on examine le chemin parcouru par la Chine nouvelle au cours des 70 dernières années dans sa gestion des questions ethniques, on constate qu’il y a eu de grandes réussites, mais aussi d’importants échecs. Lorsque l’on examine le système discursif utilisé dans les textes gouvernementaux et les discussions universitaires sur les questions ethniques, on découvre des approches différentes et des débats animés dans le monde universitaire. L’émergence d’opinions différentes sur cette question extrêmement complexe est naturelle ; ce qui est effrayant, c’est la « voix unique 一言堂 » de la révolution culturelle, et ce n’est qu’en laissant « cent fleurs s’épanouir » que notre pensée peut progresser. Si, à l’époque, Deng Xiaoping n’avait pas défendu la « libération de la pensée », la Chine n’aurait pas pu trouver la voie de la réforme et de l’ouverture, et nous n’aurions pas pu obtenir les grands résultats que nous avons obtenus aujourd’hui dans notre modernisation nationale. 

Alors que nous réfléchissons aujourd’hui à la question ethnique en Chine, le point le plus important reste la « libération de la pensée » et l’opposition aux « deux machins 两个凡是 », la défense de la « recherche de la vérité à partir des faits » et de la « pratique comme seul critère de vérité ». En analysant les aspects positifs et négatifs des politiques ethniques depuis la fondation de la Chine nouvelle, notre objectif est de faire en sorte que, après avoir mis en balance les expériences réussies et les leçons ratées, notre voie future soit meilleure et plus douce. Notre but est d’intégrer véritablement tous les groupes ethniques de notre pays en un seul ensemble, qui répondra en commun aux événements en constante évolution sur le front international, et de réaliser le « rêve de Chine de nos 1,39 milliard d’habitants pour la prospérité et la force ».

Le rêve chinois de Ma est un rêve dans lequel les identités ethniques sont remplacées par une identité nationale et l’auteur, jouant sur l’ambiguïté considérable de nombreux termes clés de son argumentation en chinois, est à deux doigts de suggérer que ce dont la Chine a besoin est une « ethnicité chinoise 中华民族 ». Minzu 民族 peut bien sûr être traduit par « nation », « peuple », « nationalité » ou « ethnie » et, dans la plupart des contextes — y compris dans de nombreux textes de Ma —, l’expression très courante Zhonghua minzu 中华民族 signifie « le peuple/la nation chinois(e) ». Dans d’autres cas, cependant, Ma essaie clairement d’être provocateur en suggérant qu’une « ethnie chinoise » pourrait être possible, bien qu’il ne s’attarde pas sur les complexités de ce que cela pourrait signifier, en quoi cela serait différent d’une ethnie Han ou du peuple chinois — qui signifie certainement l’ensemble des citoyens chinois résidant dans la République populaire. Il faudrait traduire le terme par « ethnie chinoise », sauf s’il était évident que ce n’était pas le cas — dans la bouche de Xi Jinping, par exemple — afin de donner au lecteur une idée de ce que peuvent être les intentions de Ma Rong.

La roue de l’histoire avance toujours, et les lois et règlements du pays doivent également évoluer en fonction des progrès sociaux fondamentaux et des situations contradictoires, en procédant aux révisions et aux ajustements nécessaires dans l’esprit de la recherche de la vérité à partir des faits et de l’adaptation à l’évolution du temps. Afin de suivre la direction du progrès historique et de traiter de manière appropriée les contradictions actuelles, les dirigeants doivent étudier les tendances et prendre les mesures appropriées pour ajuster notre stratégie de travail dans l’esprit de la recherche de la vérité des faits. Dans le processus d’évolution de la « pluralité dans l’unité » du peuple chinois, lorsque la force de l’accent et de la promotion de l' »unité » est excessive, au point de nuire aux intérêts sociaux et aux traditions culturelles de la « pluralité », nous devons prêter attention à la « pluralité » et protéger la culture traditionnelle et les intérêts des groupes ethniques minoritaires ; et lorsque la promotion du développement de la « pluralité » menace l' »unité » sociale et nationale, nous devons alors mettre l’accent sur la « communauté de l’ethnie chinoise ».

Sources
  1. Voir par exemple, en anglais, Ma Rong, Population and Society in Contemporary Tibet (Hong Kong : Hong Kong University Press, 2010).
  2. 马戎, « 中国民族区域自治制度的历史演变轨迹 », dans un numéro spécial de 民族研究 (Études ethniques) intitulé « 民族区域自治制度70 年 Seventy Years of the Ethnic Regional Autonomy System », 2019.3 : 92-109.
  3. Pour un excellent aperçu des arguments de Ma et des critiques de ses détracteurs, voir Mark Elliott, « The Case of the Missing Indigene : Debate over a ‘Second-Generation’ Ethnic Policy », The China Journal 73 (2015) : 186-213.
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