Depuis les manifestations anti-corruption qui ont secoué le pays en 2020-2021, la Bulgarie fait face à une crise institutionnelle majeure. L’élection d’avril 2021 ayant échoué à mener à la formation d’un gouvernement stable, des élections anticipées ont été successivement organisées en juillet 2021, novembre 2021, octobre 2022, sans jamais permettre de dégager une majorité durable.
L’élection de ce dimanche a été remportée par une coalition associant le parti réformiste et anti-corruption “Continuons le changement” (PP, ~RE) et l’alliance réformiste Bulgarie Démocratique (DB). Selon les projections au soir de l’élection, les deux formations arriveraient en tête avec 71 sièges (-2). Derrière eux, le mouvement de centre-droit GERB (PPE) de l’ancien premier ministre Boïko Borissov obtiendrait 69 sièges (+2). Comme lors du scrutin précédent, les deux partis pro-européens contrôleraient ensemble plus de la moitié des sièges. Mais leurs profils opposés sur la question de la lutte contre la corruption – formation réformiste d’une part, parti connu pour ses pratiques clientélistes de l’autre – ont jusque-là empêché toute coopération.
- Selon les projections, trois autres partis accèderaient à une représentation parlementaire. Il s’agit du Mouvement pour les Droits et les Libertés (DPS, RE), qui représente traditionnellement les intérêts de l’importante minorité turcophone, qui obtiendrait 38 sièges (+2) ; du parti ultranationaliste et russophile Renaissance, en forte croissance (37 sièges, +10) ; et de l’alliance BSP pour la Bulgarie (S&D), aux tendances sociales-démocrates et eurosceptiques, qui recevrait 25 sièges (=). Le parti populiste “Il existe un tel peuple” (ITN) de l’ancien présentateur vedette Slavi Trifonov échouerait pour la seconde fois à atteindre le seuil de 4 % nécessaire à obtenir des sièges.
- Faute de changements dans les attitudes de négociation des différents acteurs, la situation politique apparaît toujours bloquée. Le double clivage entre partis pro-Européens et partis eurosceptiques et russophiles d’une part, entre formations réformistes et formations clientélistes de l’autre demeure inchangé. Les scores en constante augmentation des ultranationalistes pro-russes de Renaissance, avec lesquels toute collaboration apparaît impossible, font craindre une escalade de la crise.
Au vu des forces en présence, la sortie de l’impasse semble impossible sans une coopération, même minimale, impliquant soit à la fois le GERB et le PP, soit l’un des deux premiers partis associés à la fois au DPS et au BSP. La difficulté de former des coalitions stables lors des deux années passées suggère qu’un accord de soutien sans participation pourrait constituer une voie de compromis. À défaut, une cinquième élection anticipée devra être organisée.