Après avoir abrogé les réformes de 2013 qui réduisaient les prestations des retraités, le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez demandera ce jeudi au Parlement d’approuver un nouvel ensemble de réformes.

  • Le projet de réforme de 2013, lancé sous Mariano Rajoy (Parti Populaire, conservateur) introduisait des mécanismes plafonnant le paiement mensuel des retraites lorsque le système était déficitaire ; il programmait aussi la réduction des prestations à mesure que la durée de vie moyenne augmenterait.
  • Les réformes, qui devaient entrer en vigueur en 2019, n’ont jamais été mises en œuvre. Le Parlement a voté en faveur de leur suppression en 2021, bien que le Parti Populaire se soit opposé à la décision.
  • En conséquence, les pensions espagnoles sont restées indexées à l’inflation, augmentant de 8,5 % en janvier, davantage que les revenus des travailleurs salariés (environ 3 %). La pension moyenne s’élève à 1 166 euros par mois et la pension maximale à 4 495 euros.

Les pressions démographiques sur le système actuel sont fortes : selon l’Instituto Nacional de Estadística, l’Espagne compte trois personnes en âge de travailler pour un retraité ; d’ici 2050, ce rapport ne sera plus que de 1,7 pour un. 

  • Cette chute brutale s’explique par l’espérance de vie moyenne en Espagne, de l’ordre de 83 ans, l’une des plus élevées au monde. De plus, la péninsule a connu son baby-boom plus tardivement que les autres pays européens.
  • Le taux de natalité n’a en effet augmenté qu’avec le développement économique à la fin des années 1950, après un retard dû en partie à la politique isolationniste du régime de Franco. Les premiers baby-boomers de l’Espagne sont désormais au seuil de la retraite. 
  • En Espagne, l’âge minimal de départ pour bénéficier d’une retraite au taux plein est de 65 ans depuis plusieurs décennies. Le montant moyen des retraites est de 80 % du revenu moyen net, soit plus que les 74 % de la France et la moyenne de 62 % des pays de l’OCDE.

Le pays n’a également pas favorisé le développement d’un marché concurrentiel privé pour les retraites ou de plans d’employeurs – comme ce peut-être le cas aux États-Unis ; le poids des retraites sur le budget de l’État est plus grand. 

  • La part du financement des retraites dans le budget pour 2023 est de 13,6 % ; selon les calculs du gouvernement, la mise en œuvre des réformes pourrait économiser plus d’un point de PIB. 
  • La semaine dernière, l’Airef, l’organisme indépendant de surveillance budgétaire de l’Espagne, a déclaré que les réformes ne seraient pas rentables et augmenteraient le déficit budgétaire de 1,1 % du PIB d’ici à 2050 ; à ce jour, la dette publique espagnole avoisine les 116 % de son PIB. 

Plutôt que de repousser l’âge de départ ou de baisser les pensions, le projet de loi compte financer les retraites par l’augmentation des cotisations salariales et patronales. Les cotisations seraient progressives, touchant en particulier les plus hauts revenus. 

  • Le CEOE, la principale organisation patronale espagnole, s’oppose à ces mesures, dénonçant l’augmentation des cotisations sociales pour les employeurs ; il soutient également que les plus jeunes travailleurs ne bénéficieront pas d’un traitement équitable, devant travailler plus longtemps et cotiser davantage pour bénéficier des mêmes prestations que les actuels retraités.
  • Les deux principaux syndicats de salariés, UGT et Commissions ouvrières, ont signé mercredi 15 mars un accord sur le projet avec le gouvernement de Pedro Sánchez. Un accord sur la période de travail prise en compte pour le calcul des retraites a permis d’obtenir le soutien d’Unidas Podemos. 

La réforme est un engagement que le gouvernement a pris dans le cadre de son plan de relance post pandémique. Le pays devrait recevoir au total 140 milliards d’euros, pour moitié sous forme de transferts directs et moitié sous forme de prêts.