Le président Recep Tayyip Erdoğan a été vivement critiqué, notamment sur les réseaux sociaux, pour sa gestion du séisme qui a violemment touché le sud du pays lundi, conduisant au blocage de Twitter par le gouvernement pendant douze heures. Ces critiques concernent notamment le manque de préparation, d’équipement et de coordination avec les autorités locales.1.

  • Mercredi 8 février, Erdoğan a reconnu que la réponse du gouvernement a comporté des « lacunes »2.
  • À quatre mois des élections présidentielle et législatives, l’enjeu politique est crucial pour Erdoğan.

Au total, plus d’une soixantaine de pays a déjà envoyé de l’aide (équipes de secouristes, matériel médical, aide humanitaire principalement) à la Turquie ou annoncé être prêt à le faire. Ankara a notamment demandé l’activation du mécanisme européen de protection civile, conduisant à l’envoi de 31 équipes de recherche et de sauvetage et 5 équipes médicales. La Grèce a été l’un des premiers pays à offrir son assistance.

  • Dans la journée de lundi, Erdoğan et le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis ont tenu leur première discussion téléphonique depuis plusieurs mois.
  • Comme rappelé par Mitsotákis, les tremblements de terre ont plusieurs fois par le passé conduit à des périodes de rapprochement entre les deux pays, ces derniers étant particulièrement touchés par les événements sismiques3.
  • Après le tremblement de terre de magnitude 7,6 de 1999 — l’un des plus destructeurs de l’histoire récente de la Turquie —, Athènes avait là encore offert de l’aide à Ankara, trois ans seulement après la crise de 1996 autour de l’île d’Imia qui avait conduit à une escalade militaire.

Si la période d’apaisement n’avait duré qu’une dizaine d’années, elle avait toutefois permis de démontrer qu’une alternative à l’affrontement régulier — qui s’est intensifié ces dernières années — entre gardes-côtes et aéronefs turcs et grecs en mer Égée était possible. Une répétition de ce scénario semble envisageable, tandis qu’Erdoğan menaçait en décembre dernier d’attaquer la Grèce avec des missiles4 ?

  • ll est probable que, dans la perspective de ce qui sera certainement l’élection la plus difficile de sa carrière, le président turc ne se serve des tensions latentes avec la Grèce pour mobiliser sa base en jouant sur une fibre nationaliste.
  • De la même manière qu’Erdoğan menace régulièrement d’attaquer les forces militaires kurdes syriennes (YPG) — liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) — qui se trouvent au nord de la Syrie afin de détourner l’attention de la situation intérieure turque, il pourrait décider d’intensifier ses menaces contre la Grèce au cours des prochains mois.
  • Tandis que l’inflation a diminué de plus de 30 % en janvier par rapport au pic d’octobre (85,51 % en glissement annuel), le tremblement de terre du 6 février ne fera que contribuer à la dégradation de la situation économique du pays, appelant le président turc à chercher d’autres terrains pour convaincre ses électeurs.
Sources
  1. Birsen Altayli, Daren Butler et Orhan Coskun, « Erdogan faces crescendo of criticism over quake response », Reuters, 8 février 2023.
  2. Mehmet Guzel, Ghaith Alsayed, Suzan Fraser et Zeynep Bilginsoy, « Turkish leader acknowledges ‘shortcomings’ in quake response », AP News, 9 février 2023.
  3. Prime Minister Kyriakos Mitsotakis’ interview on CNN, with journalist Christina Macfarlane, Cabinet du Premier ministre grec, 7 février 2023.
  4. « Erdogan threatens Greece with missile strike », Ekathimerini, 11 décembre 2022.