Le Burkina Faso héberge depuis 2009 un contingent de 400 forces spéciales françaises, stationnées sur la base de Kamboisin, dans le cadre de l’opération de contre-terrorisme « Sabre ». Contrairement à l’opération Barkhane — qui s’est terminée au début de l’année 2022 —, les forces stationnées à Ouagadougou ont pour rôle d’appuyer des opérations ponctuelles au Sahel.

Depuis 2015 au moins, la moitié nord du Burkina Faso subit des attaques de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique. Ces derniers ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de deux millions de personnes.

  • Dans ce contexte, le 30 septembre dernier le capitaine Ibrahim Traoré prenait le pouvoir par coup d’État après avoir annoncé la démission de son prédécesseur, Paul-Henri Sandaogo Damiba, perçu comme « trop faible » pour faire face à la montée de l’insécurité.
  • Depuis, Traoré a déclaré une « guerre » aux terroristes qui sévissent au Burkina, déclaration qu’il a réitérée récemment à l’occasion de son discours de nouvel an1.

La volonté affichée par Traoré de mettre fin à la présence terroriste au Burkina Faso n’est pas en rupture avec la position de ses prédécesseurs mais se manifeste de manière beaucoup plus véhémente, notamment contre la présence française.

  • Depuis plusieurs mois, des milliers de manifestants réclament le départ de l’ambassadeur français à Ouagadougou et ont tenté d’incendier l’ambassade début octobre.
  • Ceux-ci considèrent que la France, malgré sa présence militaire dans le pays, n’en fait « pas assez » contre les attaques terroristes2.
  • L’accord intergouvernemental de défense, signé en 2018 entre les deux pays, est particulièrement pointé du doigt par la junte de Traoré. Celui-ci permet « la conduite d’opérations conjointes entre Barkhane et les forces armées burkinabè », lorsque les autorités locales en font la demande3.

Pour faire face à la menace terroriste, la junte burkinabè aurait préféré avoir recours à la milice russe Wagner. En décembre, le président du Ghana voisin, Nana Akufo-Addo, dénonçait un arrangement entre le groupe paramilitaire et le Burkina. En vertu de celui-ci, Wagner auraient obtenu le monopole d’exploitation d’une mine située dans le sud du pays en échange de l’aide de la milice dans la lutte contre les groupes armés4. La junte burkinabè a nié ces accusations et rappelé son ambassadeur en poste à Accra5.

Si rien ne semble pour le moment confirmer officiellement la présence effective de la milice Wagner au Burkina, des drapeaux russes apparaissent régulièrement dans les mains de manifestants depuis octobre dernier au moins.

  • En août 2022, des « forces de sécurité russes » avaient été observées au Mali deux jours après le départ des derniers militaires français déployés dans le cadre de Barkhane6.
  • Le fondateur du groupe Wagner, Yevgeny Prigozhin, a félicité Traoré à la suite de son coup d’État.
  • Au début du mois de décembre, le Premier ministre burkinabè Apollinaire Kyélem de Tambèla s’était rendu à Moscou dans le cadre d’une « visite privée » pour discuter de la « coopération entre les deux pays »7.

Ainsi, suite à des appels répétés des manifestants, le Quai d’Orsay a annoncé aujourd’hui le rappel de l’ambassadeur Luc Hallade, en poste à Ouagadougou, pour consultations. Le 5 juillet, l’ambassadeur notait « l’absence de résultats » du gouvernement burkinabé en matière de lutte antiterroriste provoquant « des frustrations de plus en plus fortes dans le pays »8. Le retrait des forces spéciales françaises fait craindre l’implantation durable de la milice Wagner au Burkina, signe de la perte d’influence de Paris au Sahel.

Sources
  1. Daouda Zongo, « Lutte anti-terroriste : « La tactique a déjà changé » (Capitaine Ibrahim Traoré) », WakatSéra, 31 décembre 2022.
  2. « French army contingent told to leave Burkina Faso », Agence de Presse Africaine, 22 janvier 2023.
  3. Relations bilatérales : Burkina Faso, Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.
  4. « Ghana accuses Burkina Faso of hiring Russian Wagner mercenaries », AfricaNews, 16 décembre 2022.
  5. « Burkina Faso summons Ghanaian ambassador over Wagner allegations », Reuters, 16 décembre 2022.
  6. « German troops spot Russian forces in Mali as French pull out – document », Reuters, 16 août 2022.
  7. Benoît Faucon , Gabriele Steinhauser et Laurence Norman, « Burkina Faso Tells French Troops to Leave », The Wall Street Journal, 23 janvier 2023.
  8. Damien Glez, « Burkina Faso : l’ambassadeur de France, franc ou injurieux ? », Jeune Afrique, 25 juillet 2022.