Le chancelier allemand Olaf Scholz a annoncé aujourd’hui la décision de livrer des chars allemands Leopard 2A6s à l’Ukraine. L’envoi concerne une compagnie de chars d’assaut, soit 14 unités, qui seront prélevés à partir des réserves de la Bundeswehr.

  • Le paquet dévoilé par le gouvernement allemand comprend la formation de militaires ukrainiens, la logistique, les munitions ainsi que la maintenance1.
  • Les États-Unis ont annoncé au même moment qu’ils comptaient livrer au moins 30 chars d’assaut M1 Abrams.
  • Ce don s’inscrit dans le cadre d’un accord avec Berlin en vertu duquel l’Allemagne accepte d’envoyer ses propres chars Leopard 2 et approuve la livraison de chars de fabrication allemande par la Pologne et d’autres pays2.

Quelques jours après l’anniversaire du Traité de l’Élysée et le conseil des ministres franco-allemand, qui a eu lieu ce lundi à Paris, la dynamique est ici nettement américano-allemande.

  • La production française de chars Leclerc a été arrêtée en 2008, à la différence de la production de Leopard 2 qui est actuellement de 2 unités par mois.
  • Le plus probable, Berlin a attendu l’annonce américaine afin de se positionner sur la même ligne d’escalade, et d’avoir l’assurance de l’implication des États-Unis dans le cas d’une éventuelle montée des tensions avec la Russie. L’administration Biden pousse en effet l’Allemagne depuis quelques semaines à envoyer des chars Léopard 2 à Kiev.
  • Les annonces simultanées des deux côtés de l’Atlantique donnent une victoire symbolique au chancelier Scholz qui a insisté sur le besoin de se coordonner : « La manière dont nous avons agi par le passé est toujours étroitement coordonnée avec nos amis et alliés et nous continuerons à agir en fonction de la situation concrète »3.

        Berlin a également annoncé la délivrance de permis de transfert aux pays souhaitant livrer des Leopard 2 à l’Ukraine. La Pologne en possède 250 unités, la Grèce 353, l’Espagne 327, la Finlande 200, et la Turquie 316.

        • La Finlande avait également exprimé ouvertement sa volonté de fournir ce type de char à l’Ukraine. Le Danemark serait également ouvert à la possibilité, si l’action s’inscrivait dans une coalition européenne. Les autorités ukrainiennes avaient déclaré la semaine dernière qu’en plus de la Pologne et de la Finlande, ils avaient l’accord de principe de cinq autres pays pour la livraison de chars.
        • Les Pays-Bas avaient annoncé à Davos, lors du Forum économique mondial, qu’ils seraient disposés à payer pour les livraisons de chars.
        • Le Portugal exclut pour le moment une telle livraison, mais serait prêt à former des militaires ukrainiens.

        Si les pays occidentaux ont déjà commencé à fournir à l’Ukraine — ou promis des livraisons — des chars d’assaut depuis avril 2022, les annonces allemande et américaine constituent un tournant dans l’assistance militaire occidentale.

        • Les chars d’assaut fournis jusqu’alors à Kyiv étaient principalement des chars d’ancienne génération soviétique ou de conception soviétique.
        • Ils correspondent ainsi aux mêmes types d’équipements utilisés par la Russie en Ukraine, soit principalement des T-72, des T-80 et des T-90.
        • En acceptant de fournir des Leopard 2 et des M1 Abrams qui constituent — avec le char Leclerc français — les chars d’assaut les plus performants, les pays occidentaux fournissent un avantage conséquent à l’armée ukrainienne sur le terrain.

        En plus de leur large disponibilité en Europe, l’utilisation de Leopard 2 dispose de plusieurs avantages, particulièrement par rapport aux chars américains :

        • En raison de la simplicité d’utilisation, les Leopard 2 nécessitent une formation bien plus rapide par rapport à celle requise pour les M1 Abrams.
        • Les Leopard 2 fonctionnent avec du diesel, largement disponible en Ukraine.
        • Leur réparation ainsi qu’entretien serait également facilitée par la pré-existence de capacités logistiques et techniques.

        Ces annonces pourraient ouvrir la voie au don à l’Ukraine de matériel encore plus sensible, comme des avions de chasse, demandés de longue date par Kyiv. La semaine dernière, le cabinet des Pays-Bas a annoncé considérer l’envoi de F-16 de fabrication américaine « si le gouvernement ukrainien en fait la demande »4. Celui-ci devrait toutefois approuver l’aval des États-Unis, qui ont pour le moment toujours refusé la démarche.