Quelles sont les différences entre la nouvelle vague progressiste en Amérique latine et la première « marée rose » ? Quelles sont les erreurs à ne pas répéter et quelles sont les priorités stratégiques ?

Mafe Carrascal

Je pense qu’il y a plusieurs différences, mais la plus fondamentale est fondée, plus que sur toute autre chose, sur les circonstances et le contexte international. Nous ne sommes plus à l’ère de la manne des pétrodollars des Morales, Correa, Chávez, Lula et Kirchner. C’était le moment d’un groupe de leaders surpuissants qui ont mobilisé beaucoup de passions et qui ont été l’espoir de l’Amérique latine parce que jamais auparavant nous n’avions eu la possibilité de penser réellement à la grande patrie dont Bolívar avait rêvé. À cette époque, ils l’incarnaient. Ils l’ont incarnée dans un contexte très différent de celui d’aujourd’hui : ils avaient la possibilité d’avoir des budgets expansionnistes, avec la volonté de créer quelque chose de différent à un moment où les gens, après une longue période, avaient le sentiment qu’il y avait des élites qui s’étaient tout accaparé et que la répartition des richesses n’existait tout simplement pas.

María Fernanda Carrascal Rojas est député à la Chambre des représentants pour Bogotá depuis 2022, activiste défendant les droits de l’homme, et fondatrice de El País Primero et de Ideas por Bogotá.

Ils ont très bien su lire le moment en question. La Colombie, comme toujours, et jusqu’à très récemment cette année, était le pays le plus fondamental géopolitiquement : il a toujours résisté à cette vague, en raison d’élites politiques très fortes et très radicales, représentées à ce moment précis par Álvaro Uribe qui a mené une guerre ratée avec sa politique dite de « sécurité démocratique ».

La réalité est que la Colombie allait à contre-courant de ce qui se passait en Amérique latine. Le « Plan Colombie » était également fondamental pour que les États-Unis maintiennent ce contrepoids dans la région face à l’expansion du progressisme incarné par les figures que j’ai mentionnées. Aujourd’hui, le contexte est différent : nous savons qu’il s’agissait d’une guerre perdue contre la drogue, ce qui a été confirmé par Biden et les dirigeants mondiaux. Mais désormais, il y a aussi une récession mondiale après une pandémie qui a mis en évidence une série d’inégalités non seulement au sein des pays, mais aussi au niveau international, comme dans certains pays d’Amérique latine qui ont une position budgétaire très dégradée. C’est dans ce contexte qu’est arrivé Gustavo Petro.

Nous ne sommes plus à l’ère de la manne des pétrodollars des Morales, Correa, Chávez, Lula et Kirchner. C’était le moment d’un groupe de leaders surpuissants qui ont mobilisé beaucoup de passions et qui ont été l’espoir de l’Amérique latine parce que jamais auparavant nous n’avions eu la possibilité de penser réellement à la grande patrie dont Bolívar avait rêvé.

Mafe Carrascal

Pour la première fois en Colombie, un projet et un président progressistes ont gagné. D’autres leaders commencent à revenir, comme Lula au Brésil. Nous commençons de nouveau à réagir face au fascisme et à la radicalité de personnages comme Bolsonaro, mais dans un contexte économique très difficile.

Enrique Santiago

Enrique Fernando Santiago Romero est avocat et homme politique espagnol, secrétaire général du Parti communiste d’Espagne depuis avril 2018. Il est membre du 13e Congrès des députés, représentant Madrid, depuis 2019.

Ce n’est pas une question facile. La première différence est peut-être que les nouveaux gouvernements ont désormais accumulé l’expérience de la lutte pour le pouvoir avec les oligarchies historiques. Ils disposent en outre de l’analyse des erreurs commises auparavant pour essayer de les éviter. Ils sont également conscients de leurs points faibles, pour lesquels ils ont été la cible principale d’attaques discréditantes, attaques qui, d’une certaine manière, ont fini par démotiver les citoyens, sapant leur soutien en de nombreuses circonstances.

Les nouveaux gouvernements savent qu’ils doivent répondre en structurant les institutions de l’État qui permettent une distribution efficace des richesses et la compensation des situations d’inégalités sociales.

Enrique Fernando Santiago Romero

Il s’agit d’une nouvelle phase au cours de laquelle les nouveaux gouvernements doivent consolider les institutions démocratiques des pays afin de pouvoir réellement promouvoir des États plus sociaux, capables de redistribuer la richesse du pays et de corriger efficacement les inégalités. La première vague avait beau avoir une composante très politico-idéologique, elle n’a pas pu répondre aux attentes de nombreuses personnes. Je pense que les nouveaux gouvernements savent maintenant qu’ils doivent répondre à ces aspirations.

La priorité est de structurer les institutions de l’État, de les rendre plus solides et surtout de commencer à développer des mécanismes stables, qui ne peuvent pas être modifiés par un simple changement de gouvernement, et qui permettent une distribution efficace des richesses et la compensation des situations d’inégalités sociales.

Mario Delgado

Mario Martín Delgado Carrillo est un homme politique mexicain affilié au Mouvement de régénération nationale (MORENA). Depuis le 5 novembre 2020, il est le président de ce parti.

Nous avons eu un premier mouvement au milieu des années 1990, avec Lula, Evo, Bachelet, Kirchner, Pepe Mujica. Il s’agissait d’expériences plus ou moins réussies qui ont provoqué une réaction des conservateurs et de la droite. Heureusement, aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle vague de progressisme en Amérique latine, déclenchée par le triomphe de López Obrador en 2018. Nous avions un panorama très sombre à cette époque en Amérique latine avec le coup d’État contre Lula et Dilma, le triomphe de la droite en Argentine, la défaite du Frente en Uruguay. Pendant la première vague, l’incorporation du Mexique n’a pas pu avoir lieu à cause de la grande fraude perpétrée contre López Obrador en 20061. Mais aujourd’hui, cette deuxième vague arrive avec plus de force : nous allons vivre une période sans précédent en Amérique latine, où la grande majorité des pays portent un idéal de justice, d’égalité, de paix, d’humanisme, d’orientation progressiste et de gauche.

Nous avons la responsabilité de construire une alternative, un modèle économique différent où le peuple a tout le pouvoir et le destin des pays entre ses mains.

Mario Martín Delgado Carrillo

Ce qui change, c’est aussi le contexte international. Nous vivons la débâcle absolue du néolibéralisme. Les conséquences des abus du marché et des puissants pendant tant d’années deviennent maintenant insoutenables. Il est désormais clair que le modèle néolibéral n’est pas une stratégie qui peut conduire au développement de l’humanité. Nous avons donc la responsabilité de construire une alternative, un modèle économique différent où le peuple a tout le pouvoir et le destin des pays entre ses mains. C’est un espoir non seulement pour nos sociétés mais aussi pour le reste de la communauté internationale : que nous puissions construire un pôle attractif dans ces situations complexes avec la guerre en Ukraine, la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. ll faut que nous nous comportions avec d’autres valeurs et que nous mettions toujours la vie avant le marché.

José Luis Rodríguez Zapatero

José Luis Rodríguez Zapatero est un homme d’État espagnol, membre du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Il était président du gouvernement entre 2004 et 2011.

C’est précisément parce que la séquence actuelle est une sorte de second tour que nous pouvons tirer les leçons du premier cycle progressiste en Amérique latine. À mon avis, il existe une question centrale et transcendante, sur laquelle la majorité progressiste devra se concentrer : le processus d’unité et d’intégration latino-américaine. C’est l’indicateur de maturité des forces progressistes et de gauche. Je pense qu’aucun des grands objectifs tels que l’institutionnalisation de la démocratie, la réduction de la lutte contre la violence et le crime organisé, l’approfondissement de la lutte contre les inégalités, l’éradication de la pauvreté, ne pourra être atteint par l’Amérique latine si elle ne s’unit pas.

Il existe une question centrale et transcendante, sur laquelle la majorité progressiste devra se concentrer : le processus d’unité et d’intégration latino-américaine. C’est l’indicateur de maturité des forces progressistes et de gauche.

José Luis Rodríguez Zapatero

Quelles sont les erreurs à ne pas répéter ?

Fondamentalement, en termes de progrès vers l’intégration, nous devons être pleinement conscients qu’elle doit s’élargir idéologiquement. Une intégration centrée sur la gauche ne suffit pas : pour que l’intégration s’institutionnalise et ait la possibilité de durer, il est nécessaire d’élargir le consensus au centre-droit. C’est le défi le plus difficile à relever. 

Karol Cariola

Karol Aída Cariola Oliva est une femme politique chilienne, membre de la Chambre des députés du Chili depuis 2018 et Secrétaire général de la Jeunesse communiste du Chili (2011-2017).

Je pense qu’il est toujours important de tirer les leçons des succès et, bien sûr, des erreurs qui ont été commises au cours de l’histoire. Je ne sais pas si l’analyse des erreurs commises par la première vague progressiste est complètement terminée, mais il y a sans aucun doute des questions qui sont fondamentales. Je crois qu’il y a un élément très important dans la frustration de la continuité des processus de transformation : le développement de leaderships extrêmement personnels. Au bout du compte, lorsque le projet doit être poursuivi, il n’y a pas de relève car tout est trop personnalisé. Les projets doivent être plus collectifs. Cela devrait être un point central des processus d’apprentissage que nous a laissés la vague rose des gouvernements progressistes de ces dernières années. 

Il est pourtant important de développer des projets plus collectifs, car les luttes se croisent les unes les autres.

Karol Aída Cariola Oliva

Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase : nous ne devons pas rester bloqués dans le passé, mais plutôt regarder vers l’avenir avec le nouveau rapport de force qui est généré. Il y a également des changements dans le progressisme et à gauche : il n’y a plus une seule gauche homogène et traditionnelle, telle que nous l’avons connue pendant de nombreuses années. Aujourd’hui il y a aussi un besoin, de la part des gauches, de marquer une forme de distance par rapport aux types de leadership qui ont pu se former auparavant. Ces derniers étaient marqués par des logiques caudillistes. Il est important de développer des projets plus collectifs, plus ouverts, multisectoriels et intersectionnels. Les luttes se croisent les unes les autres. Il ne s’agit plus seulement de la lutte des travailleurs du point de vue des travailleurs organisés : de nouveaux mouvements sociaux apparaissent également, comme le mouvement féministe, les mouvements environnementaux, qui incorporent une nouvelle perspective dans la lutte sociale et politique de la gauche et du progressisme.

Quelles sont les priorités ?

Mafe Carrascal

Que les gens mangent. Après la pandémie et au milieu de cette situation économique, il y a beaucoup de gens qui souffrent et qui ont faim. En Colombie, selon les chiffres officiels, même si je pense qu’ils sont beaucoup plus nombreux, il y a 12 millions de personnes qui ne mangent pas trois fois par jour. Dans une ville comme Bogotá, qui compte 8 à 10 millions d’habitants, 34 % d’entre eux ne mangent pas trois fois par jour. Ces chiffres sont choquants. La région qui nourrit littéralement le monde — le garde-manger, comme nous l’appelons depuis longtemps, non seulement en termes d’eau mais aussi de nourriture — souffre de la faim. Je pense que le défi le plus important pour les gouvernements d’Amérique latine est aujourd’hui de mettre un accord sur la table.

La région qui nourrit littéralement le monde — le garde-manger, comme nous l’appelons depuis longtemps, non seulement en termes d’eau mais aussi de nourriture — souffre de la faim.

Mafe Carrascal

Nous assistons à une guerre entre l’Ukraine et la Russie qui a rendu les denrées alimentaires plus chères, y compris en Amérique latine. En effet, bien que nous disposions des intrants pour produire nos engrais et pour cultiver, la plupart des engrais et des fertilisants proviennent d’Ukraine. Cela nous met dans une situation très complexe — comme l’inflation aux États-Unis. Ainsi, même si nous sommes des pays producteurs de denrées alimentaires, nous ne sommes pas en mesure de nourrir notre population. C’est le défi le plus important. Si nous, en Amérique latine, ne nous unissons pas, si nous ne nous intégrons pas pour pouvoir surmonter cette situation, il nous sera très difficile d’y parvenir individuellement. Aujourd’hui, notre région est devenue plus dépendante de ce qui se passe à l’extérieur, nous devons donc réfléchir à ce que nous faisons au niveau régional. Nous devons nourrir les gens.

Karol Cariola

Il y a des priorités qui ont trait à des urgences concrètes et mondiales. J’ai l’impression qu’à cet égard, l’une des priorités des gouvernements progressistes est d’abord de trouver des mécanismes d’intégration qui leur permettent, dans leur ensemble, de faire face à la crise sociale et économique qui existe dans nos pays. Nous y partageons les conséquences de la pandémie en termes d’appauvrissement, de coût de la vie, de revers générés par rapport à des situations telles que, par exemple, la violence de genre. 

D’autre part, il y a aussi des questions urgentes qui ont trait aux problèmes de sécurité en Amérique latine. Il y a eu une sorte d’exportation de la criminalité. Des bandes criminelles se développent dans différentes régions, pas seulement dans un pays, mais aussi à travers des réseaux et des liens, comme le train d’Aragua2, qui a été l’une des expressions d’une nouvelle façon d’aborder la criminalité. Nous avons également des problèmes migratoires que nous devons affronter ensemble. Autant d’éléments qui doivent nécessairement être gérés dans des espaces d’intégration et de rapports de forces de tous les peuples et pays, et de chacun de leur gouvernement.

Il y a aussi des questions urgentes qui ont trait aux problèmes de sécurité en Amérique latine. Il y a eu une sorte d’exportation de la criminalité.

Karol Aída Cariola Oliva

Nous devons également établir des mécanismes conjoints efficaces pour faire face à la crise climatique. Il s’agit d’un défi, et pas seulement d’un défi déclaratoire, car si des décisions politiques ne sont pas prises pour affronter les crises climatiques sous l’angle de la confrontation économique avec les systèmes extractivistes qui existent dans chacun de nos pays, il nous sera difficile de les résoudre de manière réelle. Tant que nous ne déciderons pas d’affronter le capitalisme et son expression sauvage et néolibérale en Amérique latine, nous ne pourrons pas réellement faire face à la crise climatique et à la déprédation de l’environnement qu’il a provoquée. Par conséquent, je pense qu’il s’agit d’un défi très important qui devrait être une priorité.

En parlant de la crise climatique, il existe de nombreux défis concernant les ressources naturelles en Amérique latine. Ne craignez-vous pas d’être le terrain d’affrontement entre la Chine, l’Europe et les États-Unis ? Comment vous positionnez-vous au Chili sur cette question ?

Il est bien connu qu’en Amérique latine, nous avons beaucoup de richesses. Mais il est important de prendre en considération le fait que ce sont des ressources qui s’épuisent. Il est donc temps que les habitants d’Amérique latine et de leurs pays respectifs recherchent des processus de création de valeur autonome et développent un marché à partir de leurs propres espaces, sans attendre que des étrangers viennent guider les processus d’une manière ou d’une autre. Plutôt que d’avoir peur, nous devons être prudents.

Au Chili, nous vivons une période importante au regard de cet objectif. Le gouvernement du président Gabriel Boric a proposé de développer un nouveau modèle stratégique en ce qui concerne les ressources naturelles et notamment le lithium. Notre programme gouvernemental comporte la création d’une entreprise nationale de lithium qui gère l’exploitation et apporte en même temps une valeur ajoutée à cette ressource, dont nous pensons qu’elle peut être transformée, comme l’a été le cuivre pendant de nombreuses années, en nouveau revenu du Chili. Si nous y parvenons par l’intégration, la coopération et la collaboration avec l’Argentine, la Bolivie, je pense que nous obtiendrons de meilleurs résultats. La première détermination doit venir des peuples d’Amérique latine.

© AP Photo/Ariana Cubillos

Alors qu’il est compliqué de réduire les exportations de pétrole dans un tel contexte macroéconomique, comment allez-vous appliquer votre programme vert en Colombie, qui est l’un des principaux piliers défendus par Petro — et aussi par vous ? 

Mafe Carrascal

Il s’agit d’une question très difficile. Réaliser une transition énergétique à un moment comme celui-ci est complexe. Après la pandémie, nous nous sommes rendu compte de l’ampleur des inégalités dans les domaines les plus élémentaires, tels que l’alimentation, le travail, l’éducation et l’accès aux soins de santé. Comment allons-nous résoudre les besoins fondamentaux non satisfaits ? Car c’est de là que proviennent d’autres indicateurs beaucoup plus dramatiques, telles que la mortalité infantile et la mortalité maternelle, qui, ici en Colombie, montent en flèche. En effet, dans ce pays, les gens n’ont pas accès aux services de santé, ni à l’eau potable… Face à cela, j’ai le sentiment que d’autres débats très importants et nécessaires, comme la transition énergétique, commencent à perdre du poids, car il faut de l’argent pour faire avancer les projets et les programmes qui garantissent l’accès aux biens essentiels à la population.  

Nous le disons depuis longtemps, nous sommes un gouvernement de transition. Gustavo Petro est une personne qui voit loin. C’est ce que font les leaders : ils ne pensent pas seulement à l’urgence, mais aussi au changement de paradigme. Mais pour changer de paradigme, il faut procéder étape par étape. Il est impossible de changer la structure en quatre ans, mais il est possible de prendre les premières mesures qui nous permettront d’avoir un projet de transformation d’au moins vingt ans.

Ce que nous devons faire en Colombie aujourd’hui, outre la réduction des tarifs de l’énergie, c’est réfléchir à la manière de donner aux femmes une autonomie économique afin que la violence sexiste cesse d’être une réalité et ne soit pas normalisée, mais qu’elle appartienne au passé.

Mafe Carrascal

Ce que nous devons faire aujourd’hui, outre la réduction des tarifs de l’énergie, c’est réfléchir à la manière de donner aux femmes une autonomie économique afin que la violence sexiste cesse d’être une réalité et ne soit pas normalisée, mais qu’elle appartienne au passé. Cela implique aussi d’avoir des budgets dédiés à la réduction de ces écarts entre les sexes : c’est pourquoi nous allons parier sur le fait d’avoir un ministère dédié à l’égalité des femmes afin de lancer ces projets.

L’autonomie économique pour que les femmes puissent réaliser des projets de vie comme elles le souhaitent. Ainsi, le ministère de la santé du président Gustavo Petro a publié la circulaire 044 qui indique aux prestataires de soins de santé comment ils doivent fournir le service d’interruption volontaire de grossesse. 

Même si aujourd’hui, en raison de la situation budgétaire du pays et de l’imminence de la récession mondiale, nous ne pouvons pas nous passer de pétrole, de carbone et d’hydrocarbures, nous pouvons commencer à parler des messages. Il est très important que le gouvernement parle du changement climatique, de la façon dont nous y faisons face et de la nécessité d’une transition énergétique. Ces discours du gouvernement et d’autres actions complémentaires permettent de mobiliser les consciences, de sorte que les gens commencent à modifier leur consommation afin de participer à ce changement. La transition énergétique passe aussi par l’évolution des consciences, de nos modes de consommation et de nos rapports collectifs.

Quelle est votre vision de l’intégration régionale ? Le modèle européen, souvent cité comme un exemple réussi d’intégration régionale, est-il une solution souhaitable et réaliste dans le contexte latino-américain ?

Enrique Santiago

Je pense qu’il existe de très grandes différences entre le modèle d’intégration de l’Union européenne et celui qui est préconisé en Amérique latine.

Le modèle d’intégration de l’Union européenne est fondé sur l’intégration des capitaux, des produits et des services, et non sur l’intégration des personnes et la compensation des inégalités. Le modèle d’intégration latino-américain, en revanche, est un modèle d’intégration de peuples, culturellement et historiquement plus homogènes. Les gouvernements qui le promeuvent en Amérique latine sont des gouvernements qui ont souffert des politiques néolibérales et qui souhaitent précisément que ces modèles d’intégration ne soient pas décidés par les grandes puissances économiques comme c’est le cas dans l’Union européenne, mais plutôt en fonction d’intérêts plus sociaux et populaires. En réalité, ce que le processus d’intégration de l’UE a fait, c’est limiter les mécanismes de participation démocratique dans l’Union européenne : les conseils de direction de l’Union européenne ne disposent pas d’un mécanisme d’élection populaire ou de contrôle par les citoyens.

Le modèle d’intégration latino-américain est un modèle d’intégration de peuples, culturellement et historiquement plus homogènes.

Enrique Fernando Santiago Romero

Le modèle d’intégration en Amérique latine doit être un modèle construit sur des mécanismes de souveraineté et de contrôle démocratique des institutions représentatives. Je pense donc qu’il s’agit de modèles très différents. Le modèle d’intégration latino-américain cherche à récupérer une souveraineté qui a souvent été usurpée par des groupes économiques ou même par des pays plus puissants, comme les États-Unis. 

Mario Delgado

Le grand défi est maintenant d’institutionnaliser cette volonté d’unité. Nous ne disposons pas actuellement d’une organisation qui permette cette intégration. Nous devrons construire une alternative différente ou la renforcer afin d’avoir une intégration plus efficace, avec une perspective très claire pour l’avenir. Le Mexique joue un rôle très pertinent car c’est le pays qui a déclenché cette deuxième vague et c’est le pays qui, de mon point de vue, mène un gouvernement plus solide et une alternative économique et sociale plus articulée, qui peut être suivie ou servir de référence pour la construction d’une alternative au modèle néolibéral dans le monde. 

José Luis Rodríguez Zapatero

Il ne fait aucun doute que l’Union européenne est le grand précédent. À mon avis, il s’agit du projet politique le plus élevé sur le plan civilisationnel que l’évolution de la politique dans l’histoire ait jamais connu. Cela ne signifie pas que le modèle doit être automatiquement transféré, mais il devrait servir d’inspiration dans de nombreux domaines. Il y a peut-être des différences pour l’Amérique latine dans la mesure où cette dernière occupe une position géopolitique différente de l’Union européenne en termes d’histoire, de tradition et de cristallisation de la manière dont l’Amérique latine a été façonnée au cours des dernières décennies.

Karol Cariola

Je crois que la réalité de l’Europe est très différente de celle de l’Amérique latine. L’Union européenne a vécu une expérience qui a été couronnée de succès à plusieurs égards, et peut-être moins à d’autres. Chaque peuple a sa propre autonomie ; je suis une grande défenseuse de l’autodétermination des peuples et de leurs propres expériences, je crois qu’on peut prendre des expériences d’autres endroits, les analyser, prendre le bon côté et écarter les mauvais, mais en aucun cas les reproduire. Chaque peuple, chaque pays, chaque région doit avoir ses propres expériences et l’Amérique latine doit développer les siennes.

Qui peut prendre la tête de cette nouvelle vague dans la région ?

Enrique Santiago

Le leadership en Amérique latine doit être partagé. Il y a évidemment des pays qui ont un poids géoéconomique et géostratégique très important : le Brésil est l’une des grandes puissances économiques du monde. En outre, les circonstances font que le président Lula est une personne dotée d’un grand charisme et d’une formation syndicale, issue du mouvement ouvrier, ce qui donne une grande confiance quant à ses liens avec les intérêts populaires et leur respect.

Le leadership en Amérique latine doit être partagé.

Enrique Fernando Santiago Romero

La clé est l’équilibre et le fait de travailler de la manière la plus coordonnée et organisée possible entre les différents pays. Il y a des pays comme la Colombie qui sont essentiels pour faire avancer le processus d’intégration. Les processus d’intégration en Amérique latine n’ont probablement pas progressé jusqu’à présent parce qu’il n’y avait jamais eu un engagement aussi ferme de la part de la Colombie ; c’est le pays le plus stratégique du continent, avec un accès aux deux océans. C’est le territoire entre le nord et le sud du continent latino-américain. En exprimant une vocation à se lier solidement au processus d’intégration, la Colombie marque un avant et un après.

José Luis Rodríguez Zapatero

En effet, lorsque nous parlons du leadership d’un homme politique dans un domaine, dans une affaire importante, nous parlons toujours de convictions. Je vois les présidents Lula et Petro avec la conviction de l’intégration dans le cadre d’un projet à long terme. Il est donc très important que cette idée commune d’intégration soit semée parmi les nouveaux dirigeants de l’avenir. Lula et Petro sont deux leaders clairs.

Que pensez-vous de la séquence vénézuélienne actuelle, avec le rôle que prend Petro, quelles sont les perspectives de négociations entre les factions vénézuéliennes et d’une éventuelle transition démocratique ?

Mafe Carrascal

Je suis très heureuse de ce qui se passe entre la Colombie et le Venezuela, en raison de mon histoire personnelle et familiale, en raison de la conscience émotionnelle colombienne, en raison de la relation historique entre la Colombie et le Venezuela, parce que nous sommes des pays frères et ce n’est pas un simple discours. Au cours des sept dernières années, avec cette crise diplomatique, la fermeture de la frontière, etc., il y a eu non seulement une rupture des relations commerciales, mais aussi des relations sociales, du tissu social qui existe à la frontière entre les deux pays : pour moi, c’est le plus important, car il y a des relations personnelles et familiales qui ont été souillées, entravées par le revanchisme et les positions idéologiques des amis de Duque.

Le fait que les relations aient été rétablies est une promesse de campagne appliquée, l’une des premières réalisations de ce gouvernement. Je m’en réjouis car, dans la situation économique que nous traversons, il s’agit d’une occasion importante de lancer des échanges entre les deux pays. Il me semble que Gustavo Petro est le leader régional et mondial qui peut, d’une certaine manière, aider le Venezuela à être de nouveau inclus dans les organisations multilatérales. Cela, à son tour, conduira au renforcement de la démocratie et du respect des droits de l’homme dans ce pays.

Enrique Santiago

Je pense qu’à l’heure actuelle, la négociation devrait se terminer par un bon résultat. La réalité est que, malgré le harcèlement subi par le gouvernement vénézuélien, les pressions, le blocus, les mesures de sabotage économique et politique n’ont pas réussi à faire tomber le gouvernement légitimement élu du président Maduro au Venezuela.

À partir de ce moment, tout le monde sait qu’il n’y a pas de gouvernement alternatif et que Guaidó ne représente rien. Le poids de l’opposition vénézuélienne est celui que veulent lui donner les États-Unis, qui ont désormais besoin d’établir des mécanismes de coopération avec le Venezuela pour les questions énergétiques.

Les pourparlers entre le gouvernement et l’opposition vénézuélienne visent à ce que cette dernière assume enfin la légitimité de l’institutionnalité du président Maduro. C’est aussi une question de crédibilité : si l’opposition vénézuélienne est incapable de reconnaître cette réalité, elle perdra le peu de crédibilité qui lui reste.

Il est bon que la France participe à ces échanges, mais elle est superflue dans ce processus, qui est absolument en cours. La bonne nouvelle de l’exécutif colombien est la normalisation des relations avec le président vénézuélien : espérons que la France et l’Espagne feront front commun.

L’Espagne a une attitude quelque peu inexplicable. Le gouvernement espagnol, bien qu’il s’agisse d’un gouvernement de coalition et qu’il ait des tendances différentes au sein de ce gouvernement sur la position à maintenir avec le Venezuela, continue d’assumer la position établie par l’Union européenne selon laquelle le gouvernement légitime est le gouvernement représenté par M. Guaidó. Il est bon que les différents pays s’éloignent progressivement de cette position. La France, rien qu’en parlant au M. Maduro, octroie à ce dernier une reconnaissance de facto.

Mario Delgado

Le pas franchi par le Président Petro pour rétablir les relations avec le Venezuela et mettre fin à la confrontation inutile que les gouvernements de droite colombiens ont apporté à ces deux pays frères est fondamental. L’attitude du président Petro et le changement de stratégie en matière de politique étrangère changent tout et font partie de la dynamique que notre Amérique doit suivre.

José Luis Rodríguez Zapatero

Je crois que ce à quoi nous assistons en ce qui concerne la reprise économique du Venezuela et le retour de son gouvernement comme point de référence, comme représentant légitime, nécessite une réflexion autocritique. Je n’attends pas cela des États-Unis, car ce n’est pas un pays enclin à l’autocritique, mais au moins des principaux gouvernements européens. J’ai toujours défendu le dialogue et je n’ai jamais été d’accord avec la reconnaissance de Guaidó : chaque fois que l’on contourne la légalité, même internationale, cela ne fonctionne pas. En tant que leçon politique, je pense que c’est très important. Il semble que nous allons devoir reconsacrer des principes très clairs de la Charte de San Francisco et de l’Union européenne : à savoir la solution pacifique des conflits, en allant toujours jusqu’au bout du dialogue et des mots. Ne pas imposer, ne jamais violer la légalité internationale, car cela est toujours mal vécu. Ça ira mal pour Poutine, même si ça va mal pour nous tous en même temps. Cela a mal tourné pour les États-Unis avec l’Irak, avec le Venezuela. Il y a des principes et des lois internationaux qui sont rationnellement conçus pour que, même s’ils ne sont pas respectés, ils remplissent à long terme une fonction de sanction de ceux qui ne les respectent pas.

Nous allons devoir reconsacrer des principes très clairs de la Charte de San Francisco et de l’Union européenne : à savoir la solution pacifique des conflits, en allant toujours jusqu’au bout du dialogue et des mots. Ne pas imposer, ne jamais violer la légalité internationale, car cela est toujours mal vécu.

José Luis Rodríguez Zapatero

Une relation particulière pourrait-elle émerger entre l’Espagne de Sánchez — notamment dans le cadre de la présidence du Conseil de l’Union — et le Brésil de Lula ?

Enrique Santiago

Je ne doute pas qu’il y aura une relation très positive entre le gouvernement de l’Espagne et le gouvernement de Petro ou de Lula, du moins tant qu’il y aura un gouvernement de gauche en Espagne. Les bases seront celles du respect mutuel et de la collaboration de principe, au-delà des projets de l’Union européenne. Avec le Portugal, l’Espagne est le lieu où la coopération en matière d’éducation, de recherche scientifique, d’échanges culturels et de projets communs entre les pays des deux côtés de l’Atlantique peut être poursuivie.

José Luis Rodríguez Zapatero

Cela me semble essentiel : j’ajouterais un pays, un triangle : Europe-Amérique latine-Asie-Moyen-Orient. J’intégrerais la Turquie dans les équilibres mondiaux. La Turquie joue un rôle très important dans la guerre en Ukraine, comme nous le voyons, et entretient d’excellentes relations avec l’Espagne. Brésil-Espagne-Turquie pourrait être un triangle en faveur d’un ordre, d’un système international plus prévisible, plus coopératif, plus favorable à la résolution pacifique des conflits. Ces trois acteurs pourraient être extraordinairement complémentaires et avoir une grande capacité à nous faire avancer.

Brésil-Espagne-Turquie pourrait être un triangle en faveur d’un ordre, d’un système international plus prévisible, plus coopératif, plus favorable à la résolution pacifique des conflits.

José Luis Rodríguez Zapatero

Que pensez-vous du projet de monnaie commune proposé par Lula pendant la campagne ?

Enrique Santiago

C’est une question intéressante. Il ne fait aucun doute que pour faire progresser l’intégration politique, il faut l’accompagner d’un processus d’intégration économique. Il est évident qu’une monnaie commune renforce ce processus d’intégration, elle le rend plus irréversible. Elle renforce également les politiques économiques de l’ensemble du bloc des pays d’Amérique latine face à toute interférence des grandes puissances économiques, comme cela s’est produit jusqu’à présent. Cela limite considérablement la possibilité de spéculer sur les économies des différents pays d’Amérique latine séparément.

Mario Delgado

Cela semble très intéressant, nous devrons regarder les possibilités de construire cette monnaie commune. Il existe des analyses qui montrent comment l’injection de ressources pour relancer l’économie après la pandémie de Covid génère inévitablement un effet inflationniste dans le monde qui touche tous les pays, et nous ne pouvons pas nous isoler de ces effets.

Ces augmentations de prix ont un impact sur le pouvoir d’achat, sur les processus électoraux. Elles exercent une pression sur le taux de change, et nous sommes pratiquement sans défense. C’est précisément à ce moment-là que nous voyons la nécessité de pouvoir construire un modèle commun qui nous permette de mieux faire face à ces situations économiques mondiales et de réduire l’incertitude au sein de nos pays.

José Luis Rodríguez Zapatero

Je pense que c’est un grand objectif. Bien sûr, la réalisation d’une monnaie commune nécessite un marché commun, une intégration fiscale, et au moins une surveillance macroéconomique coordonnée. Il ne fait aucun doute que l’intégration économique, financière, commerciale et institutionnelle de l’Amérique latine apportera des changements, des progrès et un développement impressionnant dans 20 ans, je n’en doute pas.

Qu’est-ce que le retour de l’ancienne gauche de Lula et d’une nouvelle gauche, avec des politiques comme Boric, nous apprend sur la région ? Comment et de quelle manière des profils aussi différents peuvent-ils converger ?

Mario Delgado

Je pense que vous avez la gauche traditionnelle, avec Cuba et le Venezuela, les groupes de la première vague, avec Lula et López Obrador, et cette vague plus récente avec Boric, et peut-être Petro. Mais en commun, nous sommes unis par les idées de justice, d’éradication de la pauvreté, de garantie de la paix. Dans la mesure où nous renforçons nos démocraties et où le peuple a tout le pouvoir entre ses mains, nous éviterons les régressions autoritaires. Ce qui nous unit, c’est de promouvoir ce changement de mentalité, cette politisation du peuple pour qu’il ne permette pas les abus du passé, de la droite, et pour qu’il ne tombe pas dans ce jeu pervers de désinformation et de lawfare.

Ce qui nous unit, c’est de promouvoir ce changement de mentalité, cette politisation du peuple pour qu’il ne permette pas les abus du passé, de la droite, et pour qu’il ne tombe pas dans ce jeu pervers de désinformation et de lawfare.

Mario Martín Delgado Carrillo

José Luis Rodríguez Zapatero

Nous sommes dans une période où la pluralité de la gauche doit avoir un protocole, un manuel pour coexister intelligemment. Je pense que le Grupo de Puebla est un excellent exemple : il y a une pluralité idéologique, il y a une compréhension qui se fait presque toujours sur la base du dialogue et du respect. En Espagne, pour la première fois dans l’histoire, la gauche a enclenché un processus de partage du pouvoir gouvernemental. A mon avis, cela fonctionne, et cela va lui permettre d’obtenir de nouveau la majorité.

Les gauches représentées par Lula et Boric ont leurs nuances, mais nous devons nous poser la question suivante : Boric, Lula, Petro, Sánchez, Podemos, en France le parti socialiste et Mélenchon, pourraient-ils tous partager un programme de gouvernement ? A mon avis, oui.

Que peut apprendre la gauche européenne de la gauche latino-américaine ?

Mafe Carrascal

Je pense que la question est justement celle de la collaboration entre nous, de l’unité au milieu de la diversité. L’Amérique latine, aujourd’hui plus que jamais, après avoir vécu une vague de progressisme à la fin des années 1990 et au début des années 2000, doit apprendre de son propre processus, avec sa propre histoire, son identité et dans sa propre langue. Copier des modèles de développement, de politique, dans ce cas d’intégration, serait un échec total. Il ne s’adapterait pas à nos réalités et, en définitive, ce serait un désastre. C’est ce que nous devons apprendre de nos propres processus : ce sont deux modèles de développement, d’intégration, qui représentent nos propres réalités. J’ai l’impression que c’est comme avec les mouvements féministes : nous n’avons pas besoin d’alliés chez les hommes, nous considérons qu’ils ne sont pas des alliés. Ils doivent accompagner nos processus, car nous sommes des alliées entre nous.

L’Amérique latine, aujourd’hui plus que jamais, après avoir vécu une vague de progressisme à la fin des années 1990 et au début des années 2000, doit apprendre de son propre processus, avec sa propre histoire, son identité et dans sa propre langue. Copier des modèles de développement, de politique, dans ce cas d’intégration, serait un échec total.

Mafe Carrascal

L’Amérique latine a besoin d’un accompagnement, comme dans le processus de paix en Colombie. Elle a besoin de partenaires dans la lutte, de partenaires dans le processus, mais pas plus.

José Luis Rodríguez Zapatero

Il y a deux valeurs qui me semblent extraordinairement importantes. La première, c’est que la gauche latino-américaine maintient un lien fort avec la mobilisation sociale, qui a été essentielle dans les processus de redressement des gouvernements de gauche. Deuxièmement, elle maintient une vision du monde très autonome par rapport aux deux grandes puissances qui pourraient être tentées de nous entraîner dans une guerre froide. C’est la grande différence : il y a beaucoup moins de suivisme envers les Etats-Unis dans la gauche latino-américaine que dans une grande partie de la gauche européenne. Mais je crois que cela, comme tout le reste, peut changer.

L’Europe doit être autonome : elle a suffisamment de solidité politique, économique et idéologique.. Mais plus d’autonomie ne signifie pas se refermer sur soi-même ; au contraire, cela signifie avoir un leadership sur les grandes questions mondiales. Ce leadership est pour moi celui qui marque, impressionne, insiste, fait en sorte que les États-Unis et la Chine doivent coexister : coexister et coopérer.

Comme presque toujours, il s’agit de gagner intellectuellement dans le domaine des idées sur ce qui est la bonne voie à suivre pour le XXIe siècle. La démondialisation a déjà eu lieu au XXe siècle, et les conséquences ont été désastreuses, non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan politique. Désormais, le discours de démondialisation n’est pas motivé par des raisons économiques mais par des raisons politiques, par des conflits : chacun veut avoir ses propres chaînes de valeur, personne ne se fait confiance. Cela s’est toujours mal terminé dans l’histoire. Nous devons donc savoir comment corriger, intérioriser ce processus et soutenir les dirigeants qui ont le courage de dire au monde que la société mondiale est imparable et qu’elle est également bénéfique, au-delà des questions culturelles. Pour que cela se produise, il faut un sursaut social et intellectuel.

Ce qui m’inquiète le plus dans la guerre en Ukraine, outre les vies perdues, qui seront oubliées, comme toujours, c’est que nous n’avons pas assisté à une mobilisation sociale et intellectuelle en faveur de la fin de la guerre par l’une des voies historiquement connues comme une solution pacifique aux conflits.

Sources
  1. Aux élections du 2 juillet 2006, López Obrador et les partis qui le soutiennent affirment qu’il y a une fraude électorale et ne vont donc pas reconnaître les résultats. Cependant, les nouveaux décomptes confirment les premiers résultats et les recours déposés sont donc rejetés.
  2. Plus grande organisation criminelle du Venezuela qui, depuis l’année 2020, a intensifié ses activités à l’étranger — en Amérique latine mais aussi en Europe.