• Le forum des BRICS est un groupe de 5 pays, regroupant les principales « économies émergentes », qui vise à rééquilibrer l’influence économique des pays du G7. Dans le contexte de la guerre en Ukraine et des sanctions massives prises à l’encontre de la Russie par les États occidentaux, ce 14e Sommet des BRICS s’ouvre dans un climat particulièrement tendu.
  • En amont du Sommet, Vladimir Poutine a critiqué les sanctions occidentales, affirmant que la Russie était en train de réorienter ses échanges commerciaux avec les pays membres des BRICS, considérés comme étant plus « fiables » que l’Europe et les États-Unis1. C’est la première fois que Poutine participe à un sommet international depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier.
  • D’après un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les exportations de pétrole russe vers la Chine ont augmenté de 55 % en mai 2022 par rapport à l’année précédente, faisant de Moscou le premier fournisseur de pétrole de la Chine, devant l’Arabie Saoudite2. Dans le même temps, les exportations de pétrole russes par tankers vers l’Inde ont fortement augmenté, atteignant 760 000 barils par jour. Ces ventes se font à prix réduits par rapport au cours du pétrole de brent en vente sur les marchés internationaux. En mai dernier, 16,5 % des importations de pétrole de l’Inde provenaient de la Russie, contre 1 % un an auparavant3.
  • Au cours de déclarations en amont du Sommet, Vladimir Poutine a également exprimé le souhait de créer un nouveau panier de monnaie — yuan, rouble, real brésilien, roupie indienne et le rand sud-africain — pour en faire une nouvelle monnaie commune de réserve, afin de se détacher des Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI. Depuis qu’un nombre important de banques russes ont été coupées de la plupart des transactions en dollars américains en raison des sanctions, Poutine a tout intérêt de convaincre les membres des BRICS de profiter de ce contexte pour se détacher des monnaies occidentales, dollar et euro en tête.
  • Le président chinois, Xi Jinping, a quant à lui qualifié les sanctions occidentales comme relevant d’une « arsenalisation » de l’économie mondiale. Si la Chine maintient une position assez ambiguë depuis le début de la guerre en Ukraine, elle tend progressivement à afficher un soutien plus affirmé à la Russie. Dans le même discours, Xi Jinping a parlé de la « crise ukrainienne » (évitant le terme de guerre) comme résultant d’une tentative « d’étendre les alliances militaires » qui ne peut aboutir qu’à un « dilemme en matière de sécurité ». Dans une critique à peine voilée contre l’OTAN, reprenant l’argumentaire du Kremlin, Xi Jinping fait ainsi également écho à la situation du Taïwan, qui continue de recevoir du matériel militaire occidental4
  • Pour l’Inde, le sommet des BRICS est l’occasion d’afficher sa position de non-alignement. D’une part, l’Inde, à l’instar de la Chine, a refusé de condamner la Russie au Conseil de Sécurité de l’ONU, puis à l’Assemblée générale. D’autre part, la rivalité entre l’Inde et la Chine au Cachemire et la présence de New Delhi comme maillon essentiel de la stratégie Indo-Pacifique des États-Unis vont très certainement pousser l’Inde à refuser la promotion de messages trop vigoureusement anti-américains lors de ce Sommet5.
  • Pour le Brésil de Jair Bolsonaro, la situation est assez confuse. Si le Brésil a condamné l’agression militaire russe aux Nations unies le 2 mars dernier, le président brésilien a affirmé, dès le début du conflit, que son pays resterait « neutre »6. Le Brésil, dépendant des engrais russes pour son économie agricole, ne veut pas non plus s’opposer frontalement aux États-Unis alors que Bolsonaro a rencontré pour la première fois Joe Biden, à quelques mois de la prochaine élection présidentielle brésilienne. Enfin, le président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, a assuré quant à lui avant le Sommet que les relations économiques entre son pays et les autres membres des BRICS étaient fondamentales, et a annoncé vouloir continuer à travailler au rapprochement économique avec le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine7.
Sources
  1. « Putin Pushes for Stronger Ties with BRICS Nations », The Moscow Times, 22 juin 2022.
  2. Agence internationale de l’Énergie, Oil Market Report – June 2022.
  3. Nidhi Verma et Jonathan Saul, EXCLUSIVE-Russian oil tankers get India safety cover via Dubai company, Reuters, 22 juin 2022
  4. « Edward Wong et Eric Schmitt, U.S. Speeds Up Reshaping of Taiwan’s Defenses to Deter China », The New York Times, 24 mai 2022.
  5. Sudhi Ranjan Sen, « India to Resist Anti-US Messaging at BRICS Summit With Xi, Putin », Bloomberg, 21 juin 2022.
  6. Gabriel Stargardter, « Bolsonaro won’t condemn Putin, says Brazil will remain neutral over invasion », Reuters, 28 février 2022.
  7. BRICS partnership has great value for South Africa, Présidence de l’Afrique du Sud, 20 juin 2022.