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Key Points
- Un effort russe se précise sur l’ensemble du Donbass, avec une volonté de conquérir complètement les deux oblasts de Louhansk et Donetsk, dont Marioupol, avant d’éventuelles négociations.
- À ce stade, l’utilisation d’armes chimiques ne paraît pas avoir d’intérêt, ni tactiquement ni politiquement pour la Russie. Quitte à massacrer, l’artillerie, l’aviation et la missilerie russes ont encore beaucoup de réserves.
- Du côté russe, l’injection de ressources nouvelles, surtout humaines, trouvera rapidement ses limites, sauf à déclarer officiellement la guerre et décréter la mobilisation générale – ce qui serait en soi une innovation.
Situation générale
Il y a une quasi paralysie des forces russes au Nord et au Sud de l’Ukraine. En revanche, il existe un effort russe sur l’ensemble du Donbass, avec une volonté de conquérir complètement les deux oblasts de Louhansk et Donetsk, dont Marioupol, avant d’éventuelles négociations.
Situations par zone
Zone Ouest et Biélorussie
La situation est confuse au sud de la Biélorussie où une ou plusieurs explosions ont été entendue(s). De nombreux mouvements de troupes russes et biélorusses ont été repérés, notamment dans la région de Brest.
Zone de Kiev et Nord
Les combats sont très limités et sont principalement localisés au nord-ouest de Kiev. On observe des attaques d’artillerie sur les villes de Kiev et Soumy. L’armée russe est peut-être en train de préparer une offensive sur Soumy, zone où elle fait des efforts sur la protection des axes logistiques.
Zone Est et Donbass
La situation est aussi confuse à Kharkiv, avec une poursuite des bombardements russes sur la ville mais une forme de renoncement à conquérir celle-ci à court terme.
Les manœuvres russes s’intensifient dans la zone Izyum-Severodonetsk, avec les 6e, 20e armées et le 2e Corps d’armée (République de Louhansk). Mais la poussée s’exerce aussi sur l’ensemble de la frontière du Donbass, notamment au sud vers Zaporijjia, malgré des forces limitées.
En ce qui concerne Marioupol, la ville est attaquée par deux divisions d’infanterie motorisées à l’Est et à l’Ouest et une brigade d’infanterie navale au Nord – composée seulement de 10 GTIA identifiés. Le général Oleg Mityaev, commandant de la 150e Division, a été tué. La pression sur la population s’accentue avec une frappe ciblée, par missile probablement, sur le grand théâtre du centre-ville.
Zone Sud-Ouest
Les opérations russes restent limitées devant Mykolaev et dans la région de Kherson. On a détecté des frappes provenant de la flotte russe située en mer Noire visant la côte à l’Est d’Odessa. La poussée vers Odessa semble pourtant remise à plus tard.
Perspectives
On annonce une nouvelle aide américaine composée de 1 000 munitions antichars diverses, de 800 MANPADS Stinger, et d’une centaine de drones Switchblade. Les Switchblade 300 ou 600 – les 600 sont les plus puissants – correspondent à des drones rôdeurs low cost utilisables comme petits missiles de croisière à faible charge, mais avec une très grande précision à quelques kilomètres de distance. Cette aide pourrait constituer un véritable game changer pour les forces ukrainiennes si elle était utilisée en grand nombre.
L’effort russe sur le recrutement est intense, mais devrait vite atteindre ses limites. Les Russes doivent regretter de ne pas disposer de nombreuses unités de réserve professionnelle, formées et équipées pour être capable de monter en puissance. On a le sentiment en regardant les images des combats que les VDV et les spetsnaz sont les seuls fantassins russes qui se battent.
La question de l’emploi des armes biologiques et chimiques
On ne sort d’un blocage militaire qu’en injectant massivement des ressources et/ou en innovant, c’est-à-dire en utilisant des nouvelles méthodes de guerre.
Du côté russe, l’injection de ressources nouvelles, surtout humaines, trouvera rapidement ses limites, sauf à déclarer officiellement la guerre et décréter la mobilisation générale – ce qui serait en soi une innovation.
Une autre possibilité évoquée serait l’emploi d’armes biologiques et chimiques.
Écartons le biologique, beaucoup trop incertain. Il reste la possibilité de l’arme chimique.
L’emploi de l’arme chimique provoquerait des dégâts politiques, moindres que l’emploi du nucléaire, mais quand même très importants sur la scène internationale. Pour un tel prix assurément élevé, les résultats à en attendre seraient sans doute limités. D’un point de vue tactique, une attaque chimique sur une zone tenue par l’armée ukrainienne peut avoir un effet indéniable si elle s’effectue par surprise sur une troupe non préparée, qui sera sans doute obligée de se replier en catastrophe. Une fois utilisée, tout le monde sera prévenu et se préparera en conséquence, en présupposant que les Ukrainiens disposent d’équipements adéquats pour y faire face. Les effets des futures attaques seront alors bien moindres.
Une attaque surprise n’a d’intérêt que si elle s’effectue à grande échelle, alors que la préparation d’une attaque chimique à grande échelle peut difficilement être dissimulée, sauf peut-être par l’emploi de missiles. Elle est donc peu probable pour l’instant.
Très rapidement, l’emploi tactique de l’arme chimique perd de son intérêt devant un défenseur préparé, d’autant plus que l’attaquant doit lui-même prendre des précautions. Avec un bon niveau tactique, on peut imaginer des procédés sophistiqués de combinaisons d’emploi de chimique volatil sur des zones qui seront attaquées dans les minutes qui suivent la fin de l’effet, de persistant liquide sur les lignes de cloisonnement à la manière des armées de 1918. Il y a de gros doutes sur la capacité actuelle russe à mener de telles opérations complexes. En bref, en théorie, l’arme chimique a un intérêt tactique limité.
Il reste à analyser la terreur utilisée contre les populations. Cette hypothèse est réalisable, là encore jusqu’à l’adoption de pratiques qui en diminueront les effets. Mais, pour avoir un effet décisif, comme la panique et la capitulation d’une ville, il faut employer une grande quantité de moyens militaires : des obus chimiques par centaines, voire par milliers ou des épandages. C’est possible, au moins une fois pour s’emparer d’une grande ville, après ce sera plus compliqué. Mais, au-delà de l’horreur, quel effet dévastateur dans les opinions publiques et même au sein de l’opinion publique russe, ce procédé pourrait avoir ?
À ce stade, le jeu ne paraît pas en valoir la chandelle. Quitte à massacrer, l’artillerie, l’aviation et la missilerie russes ont encore beaucoup de réserves.