• Le scrutin est contesté sur des bases juridiques  : la campagne électorale devait commencer il y a au moins quinze jours, mais ce délai n’a pas été respecté. Cette loi électorale ratifiée (sans vote) par le Parlement avait également été contestée par le Haut Conseil d’État car considérée comme conçue pour et trop favorable au maréchal Haftar, avec qui la France entretient des relations privilégiées. C’est finalement une commission parlementaire qui a annoncé l’ « impossibilité » de la tenue de l’élection, alors que celle-ci était censée mettre fin au « chaos libyen » qui dure depuis 2011 et que le cessez-le-feu d’octobre 2020 entre les forces de l’Est et de l’Ouest du pays avait commencé à stabiliser1
  • Cette élection comptait des dizaines de candidats, bien que la liste officielle n’ait pas été dévoilée. Parmi eux, le maréchal Khalifa Haftar, le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, et le fils du dictateur Mouammar Kadhafi, qui a régné sur la Libye de 1969 à 2011, Seif al-Islam Kadhafi2. Le maréchal Haftar contrôle l’Est du pays et est notamment soutenu par la Russie, dont le rôle en Libye s’est accru graduellement depuis 2015, notamment à travers la milice Wagner3. Le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, en poste depuis février 2021 et son gouvernement par intérim, qui contrôle l’Ouest du pays, sont officiellement soutenus par les États-Unis et d’autres pays occidentaux même si leur position est ambivalente, comme en témoigne notamment la non-condamnation de l’attaque de Tripoli par Haftar en avril 2019, finalement repoussée4.
       
  • Jeudi dernier, un groupe armé a attaqué le siège du gouvernement à Tripoli, contestant la tenue des élections. La situation fait craindre une nouvelle escalade de la violence, alors que des milices s’étaient déployées dans la banlieue de Tripoli  le 21 décembre, causant l’inquiétude de la Mission d’appui des Nations unies en Libye et la fermeture de l’Université de Tripoli et de nombreuses écoles5.
       
  • Le bon déroulement de l’exercice démocratique est une priorité pour la communauté internationale – réaffirmée lors du sommet organisé à Paris par le président Macron le mois dernier, en présence de Kamala Harris, du président égyptien al-Sissi, du ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et d’autres pays européens et frontaliers de la Libye. Ces pays avaient rappelé l’importance de la tenue du vote d’aujourd’hui, qui est finalement officiellement repoussé au 24 janvier et qui pourrait en réalité l’être de plusieurs mois.
       
  • « Libye fait le portrait d’un pays bien différent de celui des médias et des réseaux sociaux. Il montre la Libye des Libyens, celle des files d’attente devant les banques en quête d’un argent dévalué. […] » : l’une des manières de comprendre le chaos libyen d’aujourd’hui est sûrement le dessin comme nous le partageait Francesca Mannocchi et Gianluca Costantini
Sources
  1. Le Monde, En Libye, l’élection présidentielle « impossible » à tenir vendredi, selon une commission parlementaire, 22 décembre 2021
  2. France 24, Libye : les raisons d’un report, sans surprise, de l’élection présidentielle, Marc Daou, 22 décembre 2021
  3. Foreign Affairs, How to Stop Libya’s Collapse, Frederic Wehrey et Jalel Harchaoui, 7 janvier 2020
  4. Foreign Affairs, Ibid.
  5. Mediapart, Déploiement de groupes armés libyens dans une banlieue de Tripoli, 21 décembre 2021