• Le candidat de gauche Gabriel Boric a remporté l’élection présidentielle contre le candidat d’extrême-droite José Antonio Kast, qui a reconnu sa défaite. Le deuxième tour a enregistré une participation historique, 55 % des Chiliens s’étant déplacés pour voter, le plus fort taux depuis la fin du vote obligatoire en 2012 et alors que le premier tour n’avait mobilisé que 47 % des électeurs1. Gabriel Boric prendra ses fonctions en mars 2022.
       
  • Gabriel Boric a défendu pendant sa campagne une augmentation des dépenses sociales, une fiscalité plus progressive, une augmentation du salaire minimum ou encore le remplacement du système de retraites privé par un système public : « si le Chili a été le berceau du néolibéralisme, ce sera aussi son tombeau » avait-il déclaré.
       
  • Pour l’historien Olivier Compagnon  : « Berceau de la révolution néolibérale il y a un demi-siècle, le Chili est une boussole politique du monde qui permet non seulement d’évaluer les effets dévastateurs d’un modèle de développement, mais aussi d’anticiper ce qu’il pourrait advenir ailleurs lorsqu’il est devenu évident que ce modèle est inique ». Ce néolibéralisme était pleinement représenté par Sebastian Piñera, classé par la revue Forbes en 2011 comme le 51ème homme le plus puissant de la planète, celui-ci disposant d’une fortune de 2,4 milliards de dollars et possédant notamment une chaîne de télévision et une équipe de football2.
  • Cette campagne était historique, notamment du fait de l’absence exceptionnelle des partis de centre droit et de centre gauche. Ainsi, alors que les socialistes et la démocratie chrétienne avaient dirigé le pays entre 1990 et 2010 et que Sebastian Piñera, président de 2010 à 2014 et de 2018 à 2022 était conservateur et ultralibéral, les candidats du second tour de la présidentielle chilienne étaient issus de l’extrême droite et de la gauche contestataire, Gabriel Boric appartenant au Frente Amplio (FA), une coalition de partis de gauche nés des protestations étudiantes de 2011, et ayant bénéficié d’une coalition des partis de gauche allant jusqu’aux communistes3.  
  • Le Chili est un pays démocratique depuis 1990. De 1973 à 1990, le pays était gouverné par Augusto Pinochet, ce dernier ayant pris le pouvoir grâce à un coup d’État, en septembre 1973, qui avait entraîné la chute du gouvernement socialiste de Salvador Allende et la mort de ce dernier, élu en 1970. En octobre 1988, lors d’un plébiscite organisé par la junte et prévu par la Constitution de 1980 pour voter la prolongation du mandat de Pinochet jusqu’en 1997, 53,1 % des votants avaient voté pour le non, mettant fin à un régime responsable de la mort ou de la disparition de 4000 personnes et de l’arrestation de 40 000 autres4.
       
  • L’Assemblée constituante élue en mai dernier au Chili a jusqu’en juillet 2022 pour rédiger la nouvelle constitution du pays, en rupture avec celle adoptée sous Pinochet en 1980, qui limitait le rôle de l’État en faveur de celui du secteur privé dans tous les domaines, notamment l’éducation ou la santé. Le changement de constitution, voté en octobre 2020, soit un an après les manifestations qui avaient embrasé le pays – dont le fait déclencheur avait été l’augmentation du prix du ticket de transports publics -, avait mobilisé 50 % des personnes en âge de voter et le « oui » avait récolté près de 80 % des voix5. Cette proposition d’une nouvelle Constitution et les modalités d’élections des membres de la Constituante ont néanmoins été décriées par certains des manifestants qui considéraient cette manœuvre comme un simple « vernis politique »6.