• La guerre civile du Tigré commence le 4 novembre 2020 avec l’entrée en rébellion du Front pour la libération du peuple du Tigré (TPLF), refusant les mesures prises par le nouveau Premier ministre, Abiy Ahmed, qui prend la tête du gouvernement national en 2018. Ce dernier avait décidé de la réunion de toutes les ethnies dans un parti unique, le Parti de la prospérité, provoquant l’éloignement du TPLF, l’ethnie tigréenne subissant par ailleurs des discriminations de la part du nouveau gouvernement1. Le TPLF organise alors, après le report des élections d’août 2020, ses propres élections le 9 septembre 2020, puis attaque des positions du gouvernement central au Tigré. Ces attaques entraînent une offensive du gouvernement d’Abiy Ahmed, qui ouvre la guerre civile le 4 novembre. 
  • Le TPLF, créé en 1975, est un acteur important de la politique éthiopienne, notamment du fait de sa lutte armée contre le régime du Derg, une junte militaire marxiste au pouvoir de 1974 à 1991, renversée par la coalition du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), dont le parti tigréen est à la tête, avec un homme fort, Méles Zenawi, qui dirige le pays de 1995 à 2012. En 2018, Abiy Ahmed, de l’ethnie Oromo, majoritaire dans le pays, arrive au pouvoir, ce qui constitue une première depuis 1995, et ce dernier agit en faveur de la réconciliation avec l’Érythrée, ce qui lui vaut la réception du Prix Nobel de la Paix en 20182.
  • Le Tigré est une position stratégique en Éthiopie, notamment du fait de sa proximité avec l’Érythrée, et la région concentre un grand nombre de bases militaires éthiopiennes. Elle est également une zone de tensions avec l’Érythrée, qui y a mené une guerre entre 1998 et 2000 sous l’action du président érythréen Isaias Afwerki. La détente entre l’Éthiopie et l’Érythrée a dès lors été vue comme une première provocation par le TPLF et l’Érythrée s’est également engagée dans le conflit au Tigré en apportant son soutien à Abiy Ahmed3
  • Après le lancement de la guerre civile en novembre 2020, les forces gouvernementales ont rapidement capturé des villes majeures de la région4, notamment la capitale du Tigré, Makalé, qu’Abyi avait affirmé avoir pris le 28 novembre 20205 et ce avec l’aide des troupes du Mouvement national amhara (NAMa), allié du Premier ministre Abiy Ahmed, l’ethnie amhara étant la deuxième ethnie du pays. Un cessez-le-feu sans conditions et unilatéral avait été déclaré le 28 juin 2021 par le Premier ministre Abiy Ahmed “jusqu’à la fin de la saison des cultures”, “afin que les agriculteurs puissent cultiver paisiblement, que l’aide humanitaire puisse être distribuée en dehors de toute activité militaire, que les forces résiduelles du TPLF puissent reprendre le chemin de la paix6, mais le TPLF avait continué le combat. 
  • Les combats, malgré le cessez-le-feu officiel, n’ont donc pas cessé, et le gouvernement éthiopien a déclaré hier l’état d’urgence dans l’ensemble du pays7. Si le TPLF affirme avoir pris les positions stratégiques de Dessié et Kombolcha, qui se situent à 400 kilomètres d’Addis Abeba et pourraient permettre la prise future de la capitale éthiopienne, Abiy Ahmed réfute ces informations, par ailleurs très difficiles à vérifier8. Des frappes aériennes auraient, de plus, touché la capitale du Tigré en octobre, et des milliers de personnes souffrent de la famine qui sévit au Tigré selon l’ONU.  
  • Le rapport, publié aujourd’hui conjointement par la Commission éthiopienne des droits de l’Homme et la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, se concentre sur la période qui dure du 4 novembre 2020 au 28 juin 2021 et dénonce l’ “extrême brutalité” du conflit et des possibles violations du droit international humanitaire9. Selon le rapport, qui s’appuie sur des enquêtes de terrain ainsi que sur des témoignages de 269 victimes et témoins d’abus et de violences, les violations seraient le fait des deux camps. 
  • Le gouvernement éthiopien comme les insurgés du Tigré se seraient ainsi adonnés à des attaques contre les civils, à des assassinats et des exécutions extrajudiciaires, à des actes de torture, à des détentions arbitraires, à des pillages ou encore à des violences sexuelles. Le Premier ministre Abiy Ahmed a affirmé qu’un groupe de travail civil et militaire allait être mis en place pour étudier le rapport10, même s’il a émis de sérieuses réserves à son encontre, tandis que le TPLF l’a dénoncé avant même sa publication du fait d’une “méthodologie biaisée”, selon ses propos11.
Sources
  1. Foreign Affairs, Abiy Ahmed’s Crisis of Legitimacy, Nic Cheeseman et Yohannes Woldemariam, 30 décembre 2020
  2. Agence Ecofin, Ethiopie : les 5 clés pour comprendre la guerre au Tigré, 4 décembre 2020
  3. Reuters, In Ethiopia’s war, Eritrea’s army exacted deadly vengeance on old foes, Ayenat Mersie, Giulia Paravicini et Katharine Houreld, 1er novembre 2021
  4. Foreign Affairs, Ibid
  5. The Africa Report, Where next for Abiy’s Ethiopia after Tigray operation ‘completed’ ?, Nicholas Norbrook et Patrick Smith, 29 novembre 2020
  6. France 24, Éthiopie : le gouvernement décrète un « cessez-le-feu unilatéral » au Tigré, 28 juin 2021
  7. Le Monde, Ethiopie : le gouvernement déclare l’état d’urgence dans tout le pays, mardi 2 novembre 2021
  8. Le Monde, En Ethiopie, la bataille de Dessié ouvre aux rebelles tigréens la voie vers Addis-Abeba, Noé Hochet-Bodin, 2 novembre 2021
  9. United Nations, Tigray conflict : Report calls for accountability for violations and abuses by all parties.
  10. Reuters, Joint UN, Ethiopia rights team : all sides committed abuses in Tigray, Stephranie Nebehay et Dawit Endeshaw, 3 novembre 2021
  11. France 24, Éthiopie : de possibles crimes de guerre dans le conflit au Tigré selon l’ONU, 3 novembre 2021