• La crise du manque de travailleurs qui fait rage au Royaume-Uni ne semble pas avoir atteint le 10 Downing Street. En effet, le Premier ministre Boris Johnson, s’exprimant à Manchester pour clôturer la conférence annuelle des conservateurs, a indiqué la voie à suivre comme si rien ne s’était passé. Les bas salaires, ainsi que la faiblesse des compétences et de la productivité face à une fiscalité élevée, ne devraient plus intéresser le Royaume-Uni, qui vise au contraire un modèle économique fait de salaires élevés et nivelés, d’une augmentation des compétences des travailleurs permettant également d’accroître le rythme de production et d’une pression fiscale moins oppressante. Bref, selon le Premier ministre, le moment noir que vit le pays n’est qu’une phase transitoire due au Brexit avant le renouveau. 
  • L’optimisme de «  BoJo » a peut-être surpris certains sceptiques quant à l’avenir de la Grande-Bretagne, mais pas les membres du parti conservateur. Penny Mordaunt, la première femme à devenir ministre de la Défense au Royaume-Uni, en est un bon exemple. « La ligne de fracture politique en ce moment n’est pas entre la gauche et la droite », a-t-elle déclaré aux nouvelles recrues, « mais entre les optimistes et les pessimistes. Nous avons besoin d’optimistes pour le prochain changement difficile ». La joie du Premier ministre semble avoir déteint sur la plupart des membres du parti, qui sont convaincus que les problèmes de pénurie de carburant, de pénurie de main-d’œuvre et de retards dans la chaîne d’approvisionnement appartiennent déjà au passé. Une fiscalité élevée, dans le but de financer le secteur de la santé (NHS) est également une prérogative temporaire mais surtout nécessaire.
  • L’optimisme du Premier ministre se reflète dans les sondages : la cote de popularité de Boris Johnson n’est pas seulement élevée au sein de son propre parti – ce qui suffirait à le maintenir en selle au gouvernement. La perception qu’a la population britannique de son premier ministre est majoritairement positive. Les élections de mai dernier, lorsque la vague bleue des conservateurs a balayé le comté de Durham, historiquement travailliste, ont consolidé le rôle central des conservateurs. En janvier, un sondage a montré que 33 % de l’électorat considérait l’actuel Premier ministre comme son candidat idéal, avec un taux d’approbation de 42 %.
  • Paradoxalement, c’est la pandémie qui a joué en faveur de Boris Johnson. Après les hésitations initiales, le gouvernement conservateur a réussi à donner une réponse claire au cri de « Jabs, Jabs, Jabs », avec cette « potion magique inventée à Oxford » – comme l’a déclaré le Premier ministre lors de la conférence de Manchester,  pour désigner le vaccin AstraZeneca – qui a permis le retour à la normalité. Et le peuple britannique l’a remarqué. Alors qu’en septembre 2020, les insatisfaits de la gestion de la pandémie étaient au nombre d’un sur deux et les heureux seulement 30 %, six mois plus tard, le pourcentage des premiers était tombé à 39 % et celui des seconds avait augmenté de quatre points. De plus, la perception générale est que la gestion du Royaume-Uni a été la meilleure. Par rapport à la réponse européenne, 45 % ont préféré celle du gouvernement conservateur. Ce chiffre s’élève à 59 % si on le compare à celui des États-Unis. Pour la campagne de vaccination, Londres a été 67 % plus efficace que Bruxelles et 60 % plus efficace que Washington. 
  • Malgré les critiques, Boris Johnson est (pour l’instant) toujours considéré comme le premier ministre du peuple britannique. Le fait d’être dépeint par ses détracteurs comme ayant peu à voir avec la politique a peut-être été une erreur en ce que ses ennemis politiques semblent l’avoir sous-estimé. Non seulement parce qu’il a été élu deux fois maire de Londres – une ville multiculturelle où le parti Remain a triomphé de manière décisive – mais aussi parce qu’il apparaît comme un homme pragmatique, capable d’écouter et de parler à l’électorat. Sur la campagne de vaccination par exemple, Johnson a beaucoup joué sur le fait que les excellents résultats avaient été possibles grâce au Brexit, justifiant ainsi le choix du Royaume-Uni de quitter l’Union. Avec l’accord sur le Brexit, même s’il a fini par l’arracher sur le fil, il a réussi à ramener un résultat qui n’était pas si prévisible aux yeux de tous et maintenant le débat interne sur la question est presque clos. En ce qui concerne la crise actuelle, il se veut toutefois rassurant en proposant un changement structurel de l’économie britannique. Il a peut-être pris le temps de dissiper les nuages qui s’amoncellent au-dessus de Downing Street, mais il a aussi transmis une bonne dose d’optimisme.