• Dimanche dernier, les Talibans ont pris le contrôle de trois capitales de provinces : Kunduz, Taloqan et Sar-e-Pul. Ces derniers contrôlent désormais cinq des neuf grandes provinces du Nord du pays, historiquement hostiles à la présence talibane. Le régime oppose toutefois une résistance aux forces talibanes dans le sud-ouest du pays, où la menace reste cependant élevée en raison de la résilience de ces dernières. Selon un haut responsable de l’Union européenne, les Talibans contrôlent désormais 65 % du territoire national, principalement dans des zones rurales.
  • Depuis mai dernier et les annonces du retrait de la présence américaine dans le pays, les Talibans mènent une réelle stratégie de reconquête territoriale, avec pour objectif final Kaboul, la capitale du pays, où la population s’attend à l’arrivée des Talibans1. La nuit dernière, des attaques ont été conduites contre trois autres capitales provinciales du nord : Mazar-e-Charif, Pul-e-Khumri et Faizabad.
  • Traditionnellement, le bastion des Talibans se trouve dans le Sud et le Sud-est du pays, à la frontière avec le Pakistan, où les soldats talibans et leurs familles trouvent refuge. La rapidité avec laquelle ceux-ci se sont emparés des capitales provinciales du Nord du pays — et particulièrement de Kunduz — a surpris un grand nombre d’observateurs, et s’explique par la faiblesse des forces de sécurité qui composent l’Armée nationale afghane, malgré des investissements américains dans l’entraînement et l’équipement des militaires afghans qui se chiffrent à des dizaines de milliards de dollars.
  • Les seules forces capables d’enrayer l’avancée talibane dans le Nord du pays sont contenues dans les mains de seigneurs de guerre locaux, avec qui le régime ne parvient pas à s’entendre depuis plusieurs années, bien qu’ils partagent le même intérêt à contrer l’avancée des Talibans. Dernièrement, le président afghan, Ashraf Ghani, a appelé ces seigneurs de guerre à contribuer à la défense du gouvernement, et aurait également — selon des sources proches du président — « appelé des civils à défendre le tissu démocratique » national2.
  • Cette vague de conquêtes territoriales survient alors que des discussions ont lieu aujourd’hui et demain entre des représentants des Talibans et du gouvernement afghan, dans le cadre de l’accord de paix conclu en février 2020 entre les Talibans et les États-Unis. Ces derniers ont soutenu les forces gouvernementales ces derniers jours à l’aide de frappes aériennes, mais le retrait total des troupes au sol est prévu pour le 31 août, quelques jours avant les vingt ans du 11 septembre 2001.
  • De l’autre côté de la frontière, les deux plus grands voisins de l’Afghanistan, la Chine et l’Inde, ont déjà entamé des pourparlers avec des représentants des Talibans, estimant ainsi que ces derniers avaient de fortes chances d’atteindre Kaboul. Si l’Inde considère les Talibans comme un proxy répondant aux intérêts du Pakistan, la Chine, quant à elle, entend resserrer l’étau autour de la province du Xinjiang, la seule limitrophe du Pakistan. Pékin craint que des islamistes afghans puissent passer par cette frontière pour venir y soutenir les Ouïghours, déstabilisant ainsi cette région essentielle dans l’agenda de Xi Jinping.