• « Nuit noire sur les archives ». C’est le titre d’un communiqué de presse relayé par le collectif « Archives ça débloque », principalement composé d’historiens et d’archivistes, qui dénonce les restrictions d’accès qui pèsent sur certaines archives contemporaines. Dans la nuit du 29 au 30 juin, le Sénat a finalement adopté l’article 19 du projet de loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement, interdisant de fait l’accès à certaines archives, jusqu’ici accessibles.
  • Les archives classées secret-défense (les documents concernant les sites sensibles, le matériel de guerre, les armes de dissuasion et les techniques de renseignement) se trouvent au cœur de cette polémique, puisque c’est l’équilibre entre leur délai de communication et les régimes d’exceptions qui a été fortement perturbé, causant un accès très difficile, voire une incommunicabilité de documents dans certains cas.
  • Jusqu’ici, ces archives sensibles étaient déclassifiées dans un délai prévu entre 50 et 100 ans suivant leur production, selon leur niveau de sensibilité. Or, en s’appuyant sur l’instruction générale interministérielle (IGI) 1300 (dont la précédente version était entrée en vigueur le 30 novembre 2011), les pouvoirs publics ont décidé de modifier la communicabilité des archives en exigeant que chaque document soit déclassifié un par un, créant par conséquent une situation d’engorgement.
  • En France, l’accès aux archives est un droit constitutionnel depuis 2017, consacré par une décision du Conseil constitutionnel (décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017) s’appuyant sur l’article 15 de la Déclaration de 1789 (« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »). Les raisons invoquées pour ce resserrement du droit de la consultation d’archives sont assez floues. Le ministère des Armées invoque la protection des personnes concernées par des archives secret défense, ainsi que des archivistes et historiens consultant ces documents.
  • L’enjeu est de taille, puisque cette nouvelle interprétation de l’IGI portant sur la protection du secret de la défense nationale a pour conséquences de bloquer un grand nombre d’historiens et d’étudiants travaillant sur des archives qui, jusqu’à la fin de l’année 2019, étaient communicables. La querelle semble reposer sur une différence d’interprétation de l’articulation entre le texte du code du patrimoine de 2008 et le code pénal, qui régit en France l’accès aux archives.
  • La loi en question doit être adoptée définitivement par l’Assemblée nationale dans le courant du mois de juillet, et le Conseil d’État, qui a été saisi par plusieurs associations pour obtenir l’annulation de l’IGI n°1300, doit rendre son arrêt dans les prochains jours.