Key Points
  • La population écossaise est divisée sur la question de l’indépendance, tant géographiquement qu’à l’intérieur des différentes régions du pays : si les Îles et le sud de l’Écosse y sont moins favorables, les scores des blocs indépendantiste et unioniste sont très serrés dans un grand nombre de circonscriptions. Le système de partis se réorganise autour de cette ligne de clivage.
  • Le Scottish National Party (SNP), formation indépendantiste dirigée par la première ministre sortante Nicola Sturgeon, a remporté le scrutin, mais il manque un siège au SNP pour obtenir la majorité absolue des sièges. Les Verts ont émergé comme la deuxième force indépendantiste, mais le SNP pourrait continuer de gouverner selon un modèle de gouvernement minoritaire.
  • La participation très élevée coïncide avec l’élection d’un nouveau parlement plus divers et plus représentatif de la population écossaise, notamment en terme de genres.
  • Suite aux résultats des élections du jeudi 6 mai, les questions de réforme institutionnelle pourraient revenir sur le devant de la scène politique britannique, portées notamment par les mutations en cours au sein du parti travailliste.
Christopher J. Carman est professeur de sciences politiques à l’Université de Glasgow, dont il dirige le département de sciences politiques et de relations internationales. Il contribue à l’étude électorale écossaise de référence (Scottish Election Study) qu’il a dirigée en 2011.

Professeur Carman, bien que le SNP ait obtenu une part importante des voix dans la plupart des circonscriptions, les forces unionistes et indépendantistes obtiennent des scores similaires dans de nombreuses régions. Qu’est-ce que cela signifie dans la perspective d’un second référendum ?

Les résultats indiquent clairement que l’Écosse reste très divisée entre les partisans de l’indépendance et les partisans du maintien dans l’union. Ce constat d’une division l’enseignement principal de cette élection. Se pose alors la question de savoir si, et dans quelles conditions, le futur gouvernement écossais est en droit d’exiger un nouveau référendum sur l’indépendance. D’où le débat, commencé ce week-end et qui risque de durer, sur ce qui constitue un « mandat ». Le SNP a-t-il un mandat pour aller de l’avant ? Dans le cadre de l’étude électorale écossaise (Scottish Election Study), c’est exactement ce que nous essayons de déterminer, et pour l’instant, il n’y a pas de réponse claire.

La population est partagée entre un peu plus d’un quart des personnes interrogées qui considèrent que le gouvernement écossais n’a pas de mandat pour mener le pays à l’indépendance, une proportion équivalente qui fait dépendre ce mandat du résultat de l’élection (c’est-à-dire de la capacité du SNP à obtenir une majorité absolue avec ou sans les Verts), environ un cinquième qui pensent que le SNP, en tant que parti au pouvoir en Écosse, a déjà un mandat, et le reste de la population qui n’a pas d’avis sur la question 1. Il est donc difficile de savoir où en est la question du mandat en termes de soutien de l’opinion publique écossaise.

Les résultats de l’élection montrent une division géographique claire. Les Scottish Borders et Dumfries and Galloway, qui sont bien sûr plus proches de l’Angleterre, ont voté pour les Conservateurs, tout comme Aberdeen. Ce sont aussi des régions qui étaient clairement contre l’indépendance en 2014.

Oui, c’est vrai. De longue date, le vote conservateur est plus marqué dans les Scottish Borders. Mais il faut aussi rappeler que, depuis les années 1950, l’Écosse a presque toujours voté pour les conservateurs. La plupart des membres écossais du Parlement britannique dans les années 1950 étaient issus de ce parti. La tradition conservatrice en Écosse a donc des racines très anciennes. Bien sûr, Glasgow, même à cette époque, était une région qui soutenait fermement les travaillistes – d’autres régions d’Écosse, notamment les grandes villes, l’étaient également. Depuis, la situation a quelque peu évolué, mais les Borders et la région d’Aberdeen restent assez conservatrices. À Aberdeen, il y a un lien avec l’industrie du forage pétrolier ainsi qu’avec l’industrie de la pêche. Les Borders, quant à eux, se distinguent par leur caractère agricole, mais aussi par leur proximité bien plus grande avec l’Angleterre, avec laquelle ils entretiennent un lien étroit.  Si l’on se réfère au référendum de 2014 sur l’indépendance de l’Écosse, on voit que les Borders étaient alors beaucoup moins susceptibles de voter en faveur de l’indépendance que le reste du pays.

Comment se fait-il que les îles, en particulier les Orcades et les Shetlands, votent pour les libéraux-démocrates ? Il semble que ce soit la seule région d’Écosse où le parti conserve une certaine importance.

La région des Highlands et des Îles a été un bastion LibDem [libéral-démocrate, n.d.l.r.] pendant longtemps. Les LibDem sont en faveur du maintien dans l’union, tout comme les Orcades et les Shetlands. Un mouvement indépendantiste spécifique existe dans ces régions. En fait, s’il devait y avoir un vote, on pourrait presque considérer que les Orcades et les Shetland seraient prêtes à quitter l’Écosse autant que l’Écosse est prête à quitter le reste du Royaume-Uni. Cela tient aussi au fait que la population des Shetland et des Orcades se considère souvent comme plus liée à la Scandinavie, avec une forte de revendication de ses origines nordiques. L’exemple le plus spectaculaire de cette identification avec le monde nordique est le festival Up Helly Aa, avec ses bateaux et ses casques vikings. De manière générale, les Orcades et les Shetland possèdent une culture politique différente de celle du reste de l’Écosse. Les libéraux-démocrates ont ainsi pu conserver leur bastion dans les Highlands et les Îles.

Pensez-vous que l’affaire pourrait être portée devant la Cour suprême si les deux premiers ministres (écossais et britannique) échouent à parvenir à un accord sur l’organisation d’un nouveau référendum ? Ou s’agit-il plutôt d’un artifice rhétorique ? 

Le gouvernement, en particulier par l’intermédiaire de Michael Gove mais aussi du Premier ministre, a déclaré que sa préférence était d’éviter de recourir aux tribunaux. Nicola Sturgeon et son vice-premier ministre John Swinney ont également indiqué qu’ils préféraient éviter de recourir aux tribunaux. Jusqu’à présent, tous semblent d’accord, et les signaux envoyés indiquent une forme d’ouverture : « Nous voulons travailler ensemble, nous ne voulons pas la confrontation, nous voulons trouver une solution sur laquelle un consensus est possible », voilà quel semble être le message. Tant que la discussion restera à un niveau abstrait, les gouvernements pourront s’en tenir à cette ligne selon laquelle ils veulent éviter une décision de justice. Mais au fur et à mesure que le temps passe, la question de savoir si le gouvernement écossais doit ou non demander un section 30 order – soit une confirmation du gouvernement britannique que le gouvernement écossais peut légiférer sur quelque chose qui est techniquement hors de sa compétence – se posera de manière de plus en plus aiguë. C’est à ce moment-là que nous verrons si l’affaire ira devant les tribunaux. Donc, malgré les belles paroles de Michael Gove et de Boris Johnson, de Nicola Sturgeon et de John Swinney, je pense qu’il s’agit toujours d’une hypothèse vraisemblable. Cependant, à ce stade, l’influence d’un tel règlement judiciaire sur l’issue du vote reste assez floue.

Tout le monde se concentre sur la question de l’indépendance autour du résultat de cette élection. Mais il s’agissait d’une élection pour le Parlement écossais. L’indépendance était l’un des sujets du manifeste du SNP, c’était un sujet majeur, mais ce n’était pas le seul.

Christopher J. Carman

Tout le monde se concentre sur la question de l’indépendance autour du résultat de cette élection. Mais il s’agissait d’une élection pour le Parlement écossais. L’indépendance était l’un des sujets du manifeste du SNP, c’était un sujet majeur, mais ce n’était pas le seul. Un autre enjeu majeur était la capacité du SNP à s’imposer dans l’opinion comme un parti de gouvernement compétent. Dans le débat autour de l’indépendance, la question de savoir à quoi ressemblerait la politique d’une Écosse indépendante jouera un rôle central. Le SNP doit montrer qu’il a une vision. Bien sûr, en 2014, le SNP avait publié un livre assez épais, intitulé Scotland’s future, qui exposait les idées du gouvernement de l’époque. Mais, étant donné que le SNP n’a pas gagné ce référendum en 2014, il est probable qu’il envisage cette fois des politiques différentes, notamment sur la question monétaire. Il devra aussi dire comment il compte s’attaquer aux risques politiques et économiques auxquels une Écosse indépendante devra faire face. Comme nous ne savons pas encore quelles seront les positions du SNP sur ces questions, nous devons être prudents à ne pas interpréter les résultats de cette élection comme ceux d’un « mini référendum » – car cette élection n’était pas un référendum.

L’histoire récente de l’Écosse éclaire ce dernier point d’une manière intéressante. Depuis 2007, un gouvernement minoritaire du SNP a été élu ; en 2011, ce gouvernement a réussi à obtenir une majorité absolue. Comment le SNP est-il passé d’une majorité simple en 2007 à une majorité absolue en 2011 ? En convainquant les citoyens qu’il était un parti de gouvernement compétent. Dans le cadre de la Scottish Election Study, nous avons pu clairement montrer qu’un vote pour le SNP en 2011 n’était pas un vote pour l’indépendance : de nombreux électeurs du SNP en 2011 n’étaient pas favorables à l’indépendance. Cependant, depuis le référendum sur l’indépendance de 2014, on assiste à un réalignement de l’électorat écossais autour de la question de l’indépendance. Lors de l’élection de 2011, environ 30 % des électeurs du SNP disaient ne pas soutenir l’indépendance ; désormais, ce pourcentage n’est plus que d’environ 10 %, tandis que les personnes qui soutiennent l’union soutiennent beaucoup plus systématiquement les conservateurs, les travaillistes et les LibDems.

Les Verts, eux aussi favorables à l’indépendance, ont amélioré leur score de 2017. Quelle sera leur marge de manœuvre dans les mois qui viennent ?

Des discussions sont probablement en cours au sein du SNP quant au futur modèle de gouvernement. Le SNP a montré qu’il était parfaitement capable de gouverner en tant que parti minoritaire : depuis 14 ans qu’il est au gouvernement, il n’a été majoritaire qu’une seule fois. Il a également montré qu’il était prêt à être transactionnel dans sa façon de gouverner. Lors de la dernière session parlementaire, nous avons vu le SNP s’engager dans ce qui ressemblait à un accord de soutien sans participation avec les Verts. Lors des sessions parlementaires précédentes, le SNP avait cherché des compromis avec les conservateurs afin de faire adopter leurs budgets. Sur différents sujets et pour différentes raisons, le SNP a toujours été disposé à passer des accords avec les conservateurs, les travaillistes et les Verts. Il est donc tout à fait possible, et même probable, que le SNP soit prêt à s’engager sur la voie d’un gouvernement minoritaire, peut-être avec le soutien formel ou informel des Verts.

On a beaucoup spéculé sur cette question d’une coalition « officielle » entre SNP et Verts. Dans un tel scénario, les Verts pourraient obtenir quelques concessions. Certes, lors de cette élection, les Verts se sont prononcés beaucoup plus fortement en faveur de l’indépendance que par le passé. Toutefois, les programmes politiques des deux partis ne sont pas complètement alignés : le SNP est plus centriste que les Verts sur beaucoup de sujets, les Verts plus à gauche. Si une coalition formelle devait voir le jour, les Verts chercheraient probablement à obtenir un certain nombre de concessions du SNP sur des sujets tels que la transition écologique, l’abandon des combustibles fossiles, les énergies renouvelables ou la gratuité des transports publics. On comprend bien pourquoi le SNP pourrait avoir un intérêt à continuer à gouverner selon un modèle minoritaire, sachant que les Verts sont susceptibles de les soutenir sur bien des points et qu’ils pourraient négocier des accords avec eux chaque année afin de faire passer le budget.

Si l’Écosse devenait indépendante, pourrait-on envisager que les Scottish Borders, se sentant plus proches du nord de l’Angleterre qu’ils ne se sentent écossais, choisissent de se séparer du reste de l’Écosse et d’être réunis à l’Angleterre ?

Je n’ai pas vu de données à ce sujet. Il existe une question standard appelée « question Moreno » que nous posons dans le cadre des études sur le nationalisme : on demande aux gens s’ils se sentent écossais et non britanniques ou britanniques et non écossais, avec différentes gradations entre les deux. Je m’attendrais à ce que, dans la région des Borders, il y ait plus de personnes qui se sentent britanniques mais pas écossaises, que de personnes qui se sentent écossaises mais pas britanniques, car les affinités avec le reste de la Grande-Bretagne sont effectivement plus grandes. Mais il y a aussi un grand nombre de personnes très nationalistes dans les régions frontalières. Si vous regardez le résultat du scrutin de liste dans la région des Borders, le SNP a tout de même obtenu de bons résultats. Des résultats certes insuffisants à obtenir les sièges de circonscription [le candidat arrivé en tête étant immédiatement élu, n.d.l.r.], mais qui leur ont donné un siège de liste dans la région des Borders.

Le taux de participation en Écosse n’a jamais été aussi élevé. Comment l’expliquez-vous ?

C’est une question très intéressante, à laquelle nous n’avons pas vraiment de réponse unique. Avant l’élection, on avait beaucoup spéculé sur la possibilité d’une baisse de la participation du fait de la pandémie. Mais c’est finalement le contraire qui s’est produit. Environ 60 % des personnes interrogées dans le cadre de la Scottish Election Study ont déclaré qu’elles n’étaient pas du tout inquiètes à l’idée d’aller voter, et 20 % ont déclaré qu’elles n’étaient que légèrement inquiètes.

L’un des facteurs susceptibles d’avoir influencé la participation (mais ce n’est qu’une conjecture à ce stade) est que beaucoup de personnes étaient à leur domicile, ce qui leur permettait de se rendre plus facilement au bureau de vote. Si cela se confirme, cela pourrait inciter à modifier la réglementation actuelle pour assurer un accès plus équitable au vote.

Bien sûr, il y a aussi la question de l’indépendance : la seule élection où on a vu une participation massive en Écosse était le référendum sur l’indépendance de 2014. 

Le SNP et les Verts ont pris des décisions spécifiques pour essayer d’améliorer la représentativité de l’assemblée. Cette année, alors qu’un très grand nombre de ses députés prenaient leur retraite, le SNP a demandé que les parlementaires masculins qui se retiraient dans des circonscriptions favorables au parti soient, dans la mesure du possible, remplacés par des candidates féminines.

Christopher J. Carman

Enfin, les candidats de cette année étaient plus représentatifs de la population que lors des élections précédentes. Le nouveau Parlement écossais est plus diversifié que jamais en termes de représentation des femmes (environ 45 % des parlementaires nouvellement élus sont des femmes ; 65 % chez les Verts, 53 % au SNP, 45 % chez les travaillistes, et seulement 25 % chez les conservateurs). Le SNP et les Verts ont pris des décisions spécifiques pour essayer d’améliorer la représentativité de l’assemblée. Cette année, alors qu’un très grand nombre de ses députés prenaient leur retraite, le SNP a demandé que les parlementaires masculins qui se retiraient dans des circonscriptions favorables au parti soient, dans la mesure du possible, remplacés par des candidates féminines. À l’occasion de cette élection, les deux premières femmes d’origine noire et asiatique et la première personne en fauteuil roulant ont également intégré le parlement. Avec cette évolution, on peut s’interroger : les personnes issues de ces milieux différents et plus diversifiés mèneront-elles des politiques différentes ? Aborderont-elles différemment le fonctionnement du Parlement ? Tout cela reste à voir, mais ce mouvement est cohérent avec la logique qui a guidé la création du Parlement écossais. Dès l’origine, l’institution avait été conçue pour être plus représentative de la population que le Parlement de Westminster. C’est là un aspect très important du vote de ce jeudi – l’indépendance n’est pas le seul sujet sur la table !

Les travaillistes ont obtenu de bons résultats au Pays de Galles et à Manchester, mais ont été moins performants ailleurs. Pensez-vous qu’il existe une nouvelle plateforme possible pour le parti travailliste, qui serait davantage axée sur la décentralisation et l’opposition régionale à la politique définie par le gouvernement de Londres ?

Keir Starmer a déjà dit qu’il voulait revoir son approche du fédéralisme et essayer de réfléchir à la manière de réorganiser l’État britannique.

La Grande-Bretagne présente certains traits typiques d’un État unitaire. La nation de souveraineté parlementaire y joue un rôle important : le Parlement de Westminster est le lieu où réside le pouvoir souverain au sein du Royaume-Uni. Le Parlement écossais, le Parlement gallois, l’Assemblée d’Irlande du Nord et de toute autre structure régionale au sein du Royaume-Uni sont des créations de Westminster. 

La dévolution était censée être un moyen de garantir à l’Écosse et au Pays de Galles un certain degré d’autonomie dans le cadre institutionnel existant. Les Écossais défendent depuis longtemps l’idée selon laquelle, politiquement et culturellement, l’Écosse est différente, par exemple, du sud de l’Angleterre. Par conséquent, les politiques qui sont appropriées pour l’Angleterre ne le seraient pas nécessairement pour l’Écosse. Pourtant, les faits ne corroborent pas vraiment cette affirmation – ils montrent que les Écossais ne sont pas si différents des Anglais et des Gallois, même si les divergences se sont accentuées avec le temps.

On peut donc se demander si la dévolution a fonctionné. Les relations entre le gouvernement écossais ou gallois d’une part, et le gouvernement britannique de l’autre, ne sont pas toujours très harmonieuses. La pandémie de Covid a fait ressortir certains des problèmes liés au modèle actuel. D’où cette idée que nous devrions peut-être réfléchir à un système fédéral plus formel, qui fait désormais partie de la réflexion des travaillistes. Ceux-ci pourraient proposer de mettre en place une commission chargée de réformer la structure du gouvernement, mais la tâche est loin d’être aisée.

Si l’on examine d’autres modèles fédéraux dans le monde, on ne voit pas très bien comment le fédéralisme pourrait à lui seul résoudre les problèmes que nous connaissons actuellement.

Christopher J. Carman

Si l’on examine d’autres modèles fédéraux dans le monde, on ne voit pas très bien comment le fédéralisme pourrait à lui seul résoudre les problèmes que nous connaissons actuellement. En fait, le Parlement écossais a une autorité formelle bien plus étendue que n’importe quel État américain dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Le Parlement écossais est déjà la principale autorité législative pour les transports, le secteur de la santé, l’éducation et le droit pénal en Écosse. Il sera donc difficile de structurer un système fédéral de manière à résoudre les conflits auxquels nous avons assisté entre le gouvernement écossais ou gallois et celui de Londres. Vous ne pouvez pas simplement copier le système fédéral d’un autre pays et l’appliquer à l’État britannique. Il faudrait plutôt envisager un modèle spécifique, qui tienne compte de l’état actuel de la dévolution. En Angleterre, mettra-t-on également en place des autorités décentralisées ? Dans certaines régions anglaises, il existe des maires directement élus par la population, et on peut bien sûr penser à l’assemblée de Londres. Mais il n’y a pas si longtemps que dans le nord-est de l’Angleterre, la population votait contre la création d’une assemblée régionale. Comment créer une structure fédérale qui convienne à des cultures politiques si différentes ? Dans toute réforme que les travaillistes vont proposer, ils vont devoir essayer de trouver une solution à ces problèmes très complexes de gouvernance multi-niveaux qui existent au sein de l’État britannique. 

Avez-vous constaté une interaction entre les deux campagnes régionales au Pays de Galles et en Écosse, notamment en ce qui concerne la question de l’indépendance et la relation avec Westminster ?

Entre le Pays de Galles et l’Écosse, on a vu des campagnes très différentes. Si on compare les différentes élections qui ont eu lieu en Grande-Bretagne jeudi dernier, on s’aperçoit qu’il y a eu une élection écossaise avec un résultat écossais, où le SNP et les Verts ont fini par obtenir une majorité pro-indépendance au sein du Parlement écossais ; une élection galloise avec un résultats gallois, où les travaillistes ont bien réussi en se concentrant sur la question de la gouvernance du pays ; et des élections anglaises où les conservateurs ont obtenu un bon résultat. Vous aviez donc les conservateurs anglais, le SNP écossais et les travaillistes gallois. Certains ont analysé ceci comme un bonus que chacun des partis au pouvoir ont pour faire valoir face à la pandémie dans chacune de ces nations. Par ailleurs, il est clair que des questions propres à la politique galloise ont dominé au Pays de Galles, que des questions propres à la politique écossaise ont dominé en Écosse, et que des questions propres à la politique anglaise ont dominé l’élection anglaise. Dans l’ensemble, on a assisté à des élections très différentes.

Une fait qui a particulièrement attiré l’attention au Pays de Galles, c’est que certains sondages d’opinion montraient un certain soutien à l’idée de l’indépendance galloise : 28 à 30 % des personnes interrogées y étaient favorables. C’est relativement nouveau, car nous n’avions jamais vu un soutien aussi élevé à l’indépendance au Pays de Galles auparavant. Il se peut donc que l’on assiste à une forme de contagion entre Écosse et Galles. Mais bien sûr, leurs histoires sont très différentes : le Pays de Galles a été lié à l’Angleterre beaucoup plus longtemps et d’une manière très différente de l’Écosse, ce qui a produit une culture politique bien distincte.

Sources
  1. Voir ce tweet de la Scottish Election Study.