Cette note pour l’action est disponible en anglais sur le site du Groupe d’études géopolitiques.
De la même façon que les infrastructures routières constituent des points névralgiques pour toute conquête militaire terrestre, les réseaux du XXIe siècle constituent des cibles cruciales en matière d’intelligence, d’influence et de guerres économiques. Dans une économie industrielle à la numérisation croissante, l’infrastructure électrique constitue la cible par excellence, moins connue du grand public mais plus stratégique encore que les réseaux de télécommunications. Assurant le transport de l’électricité d’un bout à l’autre d’un État, permettant l’acheminement de l’électricité produite par les plus gros moyens de production et interconnectant le système électrique d’un État avec celui de ses voisins, les réseaux de transport d’électricité constituent en tous points des infrastructures essentielles à la vie économique et sociale de chaque État au point qu’un black-out (c’est-à-dire une interruption de l’alimentation électrique) engendrerait des coûts socio-économiques extrêmement importants. Ils demeurent consubstantiels à la construction européenne et seront à ce titre des infrastructures-clés dans l’émergence d’une plus grande solidarité énergétique européenne.
Les entreprises gestionnaires de ces réseaux de transport d’électricité européens constituent ainsi des entreprises éminemment stratégiques pour l’économie européenne et, à ce titre, suscitent l’intérêt d’acteurs extérieurs à l’Union européenne, au premier rang desquels la Chine qui multiplie de manière préoccupante les investissements ciblés dans le secteur du transport d’électricité en Europe. Quels objectifs se cachent derrière de telles prises de participation et à quelles conséquences celles-ci mènent-elles ? Comment protéger davantage ces infrastructures et leurs gestionnaires – qui acheminent à chaque seconde l’électricité aux endroits où elle est consommée – de tels mouvements extra-européens afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement électrique de l’Union européenne ?
Pour prendre la pleine mesure des implications de ces investissements pour la sécurité énergétique européenne, les diverses prises de participation chinoises dans ces actifs essentiels doivent être envisagées à l’aune de la stratégie globale adoptée par la Chine depuis une dizaine d’années. Elles révèlent l’état encore embryonnaire et insuffisamment adapté aux spécificités des réseaux de transport d’électricité des outils de contrôle de ces investissements déployés par les États membres et l’Union européenne. Alors que la Commission européenne a fait part début 2020 de son intention de renforcer ces outils de contrôle des investissements étrangers et que l’ambitieux Green Deal ne peut faire l’économie des supports de la transition énergétique que sont les réseaux de transport d’électricité, il apparaît éminemment nécessaire d’accorder une protection spécifique et renforcée à ces actifs stratégiques pour les États membres et l’Union européenne.