À l’occasion du congrès du Parti du travail de Corée, le 5 janvier,  Kim Jong-un a reconnu l’échec de son plan quinquennal économique et la difficulté de la situation économique de la Corée du Nord en temps de pandémie. Un aveu surprenant alors que le régime prétend avoir atteint l’utopie communiste depuis 2012 ; un véritable tournant pour une Corée du Nord faisant face à la pandémie ?1

  • En effet, des mesures drastiques ont été mises en place pour empêcher la propagation du virus en Corée du Nord. Dès janvier 2020, le régime a décrété l’arrêt de tous les échanges commerciaux avec l’étranger, tout particulièrement avec la Chine. À cette interdiction formelle d’importer des marchandises, s’est ajoutée une surveillance accrue des frontières. Fait divers qui a montré la force de cette alerte en septembre 2020 : un officier sud-coréen a été abattu à vue après avoir été localisé dans les eaux territoriales de la Corée du Nord et son cadavre brûlé pour éviter toute contamination.2
  • Mais le virus n’a pas de frontière. Si elle est toujours niée par les autorités nord-coréennes, l’arrivée du virus en Corée du Nord ne fait plus beaucoup de doute depuis septembre 2020. L’instauration de mesures drastiques de confinement ainsi que des photos révélant un port du masque généralisées, en attestent 3. De ce fait, le pouvoir procède à l’exécution publique des citoyens ne respectant pas les règles et à l’envoi des malades dans des camps d’isolation avec peu voire aucun traitement ni nourriture. Il s’agit de protéger les élites de la capitale Pyongyang (dont l’accès est fortement réglementé, y vivre nécessite un statut privilégié et un permis accordé par l’Etat), ce sont avant tout les individus les plus pauvres et vivant en région rurale qui en souffrent. Cela représente un risque sanitaire important, en considérant une population particulièrement fragile, encore grandement touchée par la pneumonie. 
  • Une catastrophe humanitaire de grande ampleur. L’impact sur les échanges avec la Chine mais aussi sur les activités agricoles risque d’être à l’origine d’une deuxième grande famine d’une ampleur similaire à celle des années 1990, venant s’ajouter aux inondations dévastatrices survenues par le pays en août. En effet, l’effondrement du bloc communiste a provoqué un effondrement catastrophique des denrées alimentaires au cours des années 1990, dont les répercussions ont été estimées à 3 millions de morts (sur 20 à 25 millions d’habitants), soit plus de 10 % de la population4. Cette période a durablement marqué la Corée du Nord : elle a été à l’origine de l’effondrement définitif du système communiste de distribution alimentaire, difficilement substitué par l’essor des marchés informels5, et forçant de plus les populations les plus fragiles à dépendre de la cueillette en plus des ressources agricoles. La crise actuelle semble plonger la Corée du Nord dans une situation parallèle, renforcée par l’interdiction formelle de sortir de chez soi, rendant ces formes de subsistance alimentaire impossibles, passibles d’exécution publique. Et pourtant, les aides alimentaires offertes par la Chine et surtout la Corée du Sud continuent à être formellement refusées, par peur de contamination, bien que des échanges avec la Chine puissent avoir en partie repris…
  • Une frontière désormais infranchissable. Le renforcement de la surveillance aux frontières est également à l’origine d’un tarissement complet des flux de personnes fuyant la Corée du Nord, qui avait augmenté depuis la grande famine des années 1990. L’évasion est en effet l’unique porte de survie pour les individus les plus précaires faisant face à la famine, mais également une source d’information précieuse. Ce tarissement inquiète.
  • Un aveu d’échec du plan quinquennal difficile à interpréter comme le commencement d’un changement, face à cette réaction à la crise sanitaire. Le retour des invectives aux États-Unis (désignés comme « plus grand ennemi » de la Corée du Nord par Kim Jong-un le 9 janvier) plaide pour une attitude « business as usual » pour le dictateur nord-coréen. Pour Kim Jong-un, comme il l’a déclaré au 8e congrès du Parti le 5 janvier, il s’agit avant tout de renforcer les ressources dévolues à l’armée et à la recherche nucléaire pour répondre à la situation.