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L’analyse de la politique en Amérique latine par rapport à l’année 2021 peut être abordée dans une triple perspective, façonnée par des aspects qui interagissent clairement. En premier lieu, il y a les questions qui constituent l’évolution de la politique quotidienne ; en second lieu, nous devons tenir compte des processus électoraux de l’année en cours qui représentent une opportunité de changement ou de consolidation des gouvernements en place ; et, enfin, nous ne devons pas oublier les relations avec une nouvelle administration nord-américaine qui seront bien différentes de celles entretenues avec l’administration sortante. Ce schéma d’analyse triangulaire devrait se concentrer sur chaque cas national compte tenu de la profonde hétérogénéité de la région.
Cette réflexion aborde ces trois axes, en essayant de trouver les orientations les plus généralisables pour la région et conclut avec les éléments qui pourraient être les plus pertinents pour le scénario politique en Amérique latine au cours de l’année qui vient de commencer.
La vie quotidienne soulève de vieilles questions
Même si la politique quotidienne continuera d’être dominée par la réponse au Covid-19, tant pour faire face aux effets de la pandémie au niveau du système hospitalier et de l’assistance que pour l’effort fiscal qui doit être mis en place pour aider à la reprise économique et en même temps soutenir les secteurs les plus vulnérables qui ont été les plus touchés. Il existe un consensus général sur le scénario des démocraties fatiguées qui a été élaboré ces dernières années et qui pèse lourdement sur les différents pays. De fait, le Honduras et, surtout, le Nicaragua et le Venezuela ont aggravé leur détérioration démocratique au point d’évoluer vers des modèles de régimes politiques autoritaires se rapprochant ainsi de Cuba. Parallèlement, d’autres pays connaissent une situation d’instabilité permanente, comme c’est le cas du Pérou, où le Congrès a renversé deux présidents en 30 mois, ou d’instabilité en 2020, comme cela s’est produit en Bolivie en raison de la prolongation du gouvernement intérimaire présidé par Jeanine Áñez.
La démocratie fatiguée projette une situation de troubles sociaux généralisés résultant de la combinaison de l’exercice des pratiques polyarchiques classiques fondées sur la dimension électorale de la démocratie avec un certain développement de l’État de droit, qui souffre d’une forte crise des mécanismes de représentation et d’une faiblesse qui devient chronique dans sa mise en œuvre et dans l’exercice des droits de l’homme.
Dans le domaine de la représentation, cette crise se traduit par une sous-estimation de la démocratie elle-même et par une méfiance accrue à l’égard des différents organes de représentation. En effet, divers sondages d’opinion, comme ceux du Baromètre des Amériques ou de la société Latinobarómetro, mettent en évidence ces deux aspects. D’autre part, on constate une légère diminution de la participation électorale, l’augmentation du nombre effectif de partis et le renforcement de nouvelles formes d’intermédiation, d’activisme politique et de mobilisation, grâce au développement exponentiel des technologies de l’information et de la communication.
En ce qui concerne le développement de l’État de droit, une fois achevé le démantèlement de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) et de son homologue au Honduras, la MACCIH, qui constituaient des tentatives sérieuses de promouvoir le rôle distinct de la justice, les pouvoirs exécutifs en Bolivie, au Salvador, au Guatemala et au Mexique ont accru leur capacité de manœuvre, érodant surtout l’indépendance du pouvoir judiciaire et de certains organes autonomes, comme l’avaient fait le Nicaragua et le Venezuela lors des années précédentes. De plus, au Salvador, le déni historique de son président, Nayib Bukele, sape l’héritage des accords de paix en ouvrant un nouveau front aux conséquences imprévisibles. D’autre part, l’exercice des droits de l’homme, selon le rapport de Human Rights Watch pour 2021, a donné lieu à de nombreuses dénonciations de l’utilisation aveugle de la force par les agents de la sécurité de l’État lorsqu’ils agissent contre la criminalité (en 2019, la police a tué 6 357 personnes au Brésil, faisant de ce pays l’un des plus répressifs au monde) et pour réprimer les protestations urbaines (au Chili, en Équateur, au Pérou et au Venezuela). Dans le même temps, les meurtres de dirigeants et de militants communautaires continuent de se produire en Colombie, impliquant les forces paramilitaires, les anciens guérilleros des FARC ou de l’ELN sans que le gouvernement n’ait pris de mesures suffisantes pour les empêcher. Tout cela se produit dans le contexte d’un scénario de militarisation progressive dans lequel les forces armées occupent des espaces importants. C’est le cas en Colombie, avec la deuxième plus grande armée des Amériques après les États-Unis, mais aussi au Brésil, au Mexique, au Salvador et, bien sûr, au Venezuela et à Cuba.
Ce scénario, où le déclin – selon la Fondation Bertelsmann qui classe la vigueur démocratique des pays sur une échelle de dix points – se vérifie par le fait que les scores de sept démocraties d’Amérique latine ont baissé de 0,8 point ou plus depuis 2010, est dynamisé par la corruption, la violence et l’inégalité, trois aspects qui sont récurrents dans les sociétés latino-américaines. La corruption a eu un impact majeur parce qu’elle est de plus en plus visible et qu’elle est présente jusqu’aux sommets de la politique. Un grand nombre des interruptions présidentielles de ces dernières années y sont liées, le nombre de présidents poursuivis pour des questions de corruption depuis le début de ce siècle approche vingt et aujourd’hui le président du Honduras, Juan Orlando Hernandez, fait l’objet d’une enquête pour ses liens avec le trafic de drogue. La présence permanente de schémas d’insécurité est une marque de la région qui en fait l’une des plus touchées par ce fléau dans le monde. Enfin, il existe toujours de fortes inégalités qui, bien qu’elles aient diminué au cours de la décennie 2004-2014, ont augmenté à nouveau au cours des cinq dernières années.
La juxtaposition de ces éléments a contribué à alimenter une vague de mobilisation sociale et de protestation dans plusieurs pays de la région au cours du second semestre de 2019 que seule la pandémie a mis en hibernation. Bien que les causes immédiates qui ont poussé les gens à remplir les rues des villes latino-américaines soient liées à la dynamique nationale, ces événements ont eu pour toile de fond les aspects mentionnés ci-dessus, qui ont contribué à l’expansion du sentiment de malaise.
Le Covid-19, qui a tué plus d’un demi-million de personnes dans la région, a aggravé cette situation dans un climat de récession économique généralisée. Le coup porté à la moitié de la population qui, en moyenne dans la région, constitue le secteur informel, a appauvri divers groupes qui se sont retrouvés au chômage ou sans possibilité de gagner un maigre revenu quotidien. D’autre part, les pratiques de corruption ont marqué la gestion même de la crise avec des utilisations frauduleuses dans l’achat de matériel sanitaire, qui ont entraîné dans certains cas la démission des responsables et dans quelques cas l’intervention de la justice. De même, la précarité de l’État a permis le renforcement de la criminalité, contribuant au maintien des schémas déjà classiques de violence et d’insécurité et poussant la population de certains pays d’Amérique centrale à émigrer, par exemple du Nicaragua vers le Costa Rica ou du triangle du Nord vers les États-Unis.
La politique formalisée a connu une certaine réduction des mécanismes de contrôle en raison des difficultés d’action des pouvoirs législatifs, car il s’agit d’organismes pluriministériels dont les pratiques de fonctionnement ne sont pas préparées à un scénario de confinement. Les décisions ont été davantage hiérarchisées, renforçant ainsi les lignes directrices de l’action des pouvoirs exécutifs qui ont concentré les principales fonctions de réponse à la pandémie. Ils ont également donné la priorité aux stratégies de communication verticale, ce qui ne donnait pas aux médias la possibilité de les questionner. Cela a eu pour conséquence le renforcement de leaderships qui, pour autant, n’ont pas toujours suscité l’adhésion de toute la population. Cependant, Jair Bolsonaro, Andrés Manuel López Obrador et Nayib Bukele ont conservé des niveaux de popularité élevés.
Enfin, en ce qui concerne cette zone, il faut noter les tensions entre les centres des capitales et les périphéries départementales ou étatiques. Cela reflète un scénario traditionnel en termes de processus de décentralisation tronqués qui caractérisent la politique latino-américaine. Le conflit entre les présidents de l’Argentine, du Brésil et du Mexique et les gouverneurs de certains États ou provinces, ainsi que celui qui s’est également produit entre les présidents et les autorités municipales des villes les plus importantes du pays, comme c’est le cas en Colombie et en Bolivie, est le reflet de cette situation.
Des processus électoraux qui fatiguent la démocratie
En 2021, le calendrier électoral poursuivra son cours dans la région, la moitié des pays étant concernée d’une manière ou d’une autre. Des élections présidentielles et législatives doivent avoir lieu simultanément dans six pays, des élections législatives dans trois pays seulement et des élections municipales dans deux.
En effet, l’Équateur (7 février), le Pérou (11 avril), le Nicaragua (7 novembre), le Chili (21 novembre), le Honduras (28 novembre) et Haïti (à définir) organiseront des élections présidentielles et législatives auxquelles, sauf dans le cas du Nicaragua et éventuellement d’Haïti, les présidents actuels ne participeront pas, ouvrant ainsi le jeu politique à l’alternance politique avec de nouveaux visages.
Dans le cas des élections équatoriennes qui ont déjà été convoquées, il y a 16 candidats à la présidence, mais seulement trois, Andrés Aráuz (35 ans) – dauphin de l’ancien président Rafael Correa –, Guillermo Lasso, homme d’affaires et candidat pour la troisième fois, et Yaku Pérez, préfet de l’Azuay et soutenu par Pachakutik, qui est un candidat de gauche opposé au corréisme, semblent avoir une chance de se présenter au deuxième tour d’une élection où certains sondages ont prédit qu’un tiers des électeurs annuleront leur vote ou voteront blanc. Au Pérou, où des élections ont également été convoquées, George Forsyth (38 ans), ancien footballeur professionnel et maire est en tête, selon les sondages, de la longue liste des candidats à la présidentielle. Les autres favoris sont : Keiko Fujimori, qui a perdu de peu en 2011 et 2016 ; Julio Guzmán du parti Morado dont la candidature a été disqualifiée en 2016 alors qu’il était, selon les sondages, le deuxième candidat avec le plus de chances de l’emporter ; Verónika Mendoza, députée entre 2011 et 2016 et candidate en 2016 qui est à gauche de l’échiquier politique ; et Daniel Urresti, militaire à la retraite, membre du Congrès et ancien ministre de l’intérieur
En ce qui concerne les élections exclusivement législatives, elles auront lieu au Salvador, au Mexique et en Argentine (la moitié de la Chambre des députés). Dans les trois cas, la question fondamentale à résoudre sera la définition de la majorité dans les chambres respectives et de sa relation avec le gouvernement. Alors que Nayib Bukele, qui a remporté le premier tour des élections de 2019 avec plus de 50 % des voix, est aujourd’hui loin d’être majoritaire à l’Assemblée législative salvadorienne, Andrés Manuel López Obrador, qui a également connu un rare succès au Mexique lors des élections de 2018 puisqu’il a également obtenu plus de 50 % du soutien de l’électorat, cherchera à maintenir sa majorité actuelle dans les deux chambres malgré le pacte sans précédent que les partis traditionnels ont conclu contre lui. En Argentine, comme il s’agit d’un renouvellement de la moitié de la chambre, l’impact sur la corrélation des forces entre l’exécutif et le législatif sera progressif.
Enfin, des élections municipales auront lieu en Bolivie le 7 mars, au cours desquelles seront mesurés à la fois le soutien au gouvernement du président Luis Arce et la répartition du pouvoir au sein du MAS, compte tenu du caractère bicéphale de ce parti dû à la présence active d’Evo Morales. D’autre part, des élections départementales et régionales auront également lieu au Chili le 11 avril, en même temps que les élections de l’Assemblée constituante, au cours desquelles 155 membres seront élus.
En plus de ce qui a été signalé à propos de l’alternance incontestable qui aura lieu dans les présidences de quatre pays, il convient de noter la consolidation de la tendance, déjà enregistrée dans la région depuis au moins la dernière décennie, à la disparition des partis politiques et à la gestation de plates-formes électorales autour d’individus qui ont construit leur capital politique d’une autre manière et qui fondent leur stratégie de campagne électorale sur les technologies de l’information et de la communication. Il ne s’agit pas tant de l’existence de candidats complètement étrangers au monde de la politique, mais de leur définition comme indépendants face aux machines de parti classiques. Alors qu’au Chili, sur plus de 70 listes pour l’Assemblée constituante, on compte plus de 2 200 candidats indépendants, en Équateur et au Pérou, le phénomène touche également les listes de candidats au Congrès, ainsi qu’un nombre important de candidats à la présidence.
D’autre part, il convient également de noter que les élections législatives salvadoriennes et mexicaines ont conduit les présidents respectifs à chercher la consolidation de la légitimité populaire de leur style de leadership personnaliste, avec de sérieux doutes quant à leur intention de rester au pouvoir. Un scénario qui n’est pas étranger à celui de l’Équateur, où Rafael Correa promeut une candidature qui pourrait faciliter son retour dans le pays à l’avenir.
L’Amérique latine à l’ordre du jour de la nouvelle administration américaine
Le poids que les États-Unis ont historiquement joué dans la politique nationale des pays latino-américains n’est pas inconnu, mais si l’on limite cette interaction à la période qui a commencé après les processus de transition vers la démocratie à la fin des années 1970, l’influence continue d’être notable. De la présidence prometteuse de Jimmy Carter, avec son engagement dans la politique des droits de l’homme qui a contribué à la chute de plusieurs dictatures latino-américaines et au retour de la souveraineté panaméenne sur le canal, au recul immédiat provoqué par Ronald Reagan, par sa politique interventionniste en Amérique centrale, la région n’a cessé de subir les changements politiques de Washington. Les présidences de George W. Bush et de Barack Obama, coïncidant dans une large mesure avec l’expansion du socialisme du XXIe siècle, ont produit une certaine auto-absorption de l’agenda politique pour la région par les États-Unis, en concentrant les priorités sur la question des migrations et du trafic de drogue. L’augmentation notable des flux migratoires de la région vers le nord a entraîné, avec l’augmentation des remises migratoires, l’importation de nouvelles formes de criminalité comme les maras d’Amérique centrale et leur corrélation avec le marché des armes qui a favorisé de nouvelles expressions de violence. L’expansion du trafic de drogue est devenue virale et a imprégné la vie politique mexicaine, tandis que les niveaux d’implication en Colombie sont restés élevés. Tout cela, ainsi que la détérioration de l’environnement, ont constitué les points d’un agenda actualisé qui s’est diversifié en fonction des pays, le différend cubain restant à peine constant. La Méso-Amérique, les Caraïbes et la Colombie ont d’abord attiré l’attention en priorité, le Venezuela les ayant rejoints au début de ce siècle.
Le moment actuel, qui représente un jalon dans ces relations en raison de l’arrivée d’un nouveau président à la Maison Blanche, apporte la possibilité de reformuler certains des éléments de l’agenda promu par Donald Trump. Joe Biden, maintenant président, a été l’homme de confiance de Barack Obama pour l’Amérique latine, qu’il a visitée 16 fois durant sa vice-présidence. Bien qu’il soit tenu d’accorder beaucoup plus d’attention aux autres questions à l’ordre du jour des États-Unis, il semble plausible qu’il promeuve l’État de droit et les efforts de lutte contre le changement climatique dans sa relation avec la région, des préoccupations que Trump a complètement ignorées. Biden comprend que la promotion d’une région sûre, démocratique et de classe moyenne est dans l’intérêt national des États-Unis. En outre, et puisqu’il accueillera le sommet triennal des Amériques en 2021, les attentes d’un changement radical par rapport à la période qui s’achève actuellement sont évidentes.
Les données sur le nouveau cap sont basées sur des spéculations et tournent autour de la carrière du nouveau président et de ses nominations dans le domaine des relations avec l’Amérique latine. En ce sens, un indice fondamental est la nomination de Juan Sebastián González, né en Colombie et diplômé de l’École du Service extérieur de l’Université de Georgetown après avoir été volontaire dans les Forces de paix pour le Guatemala, au poste de directeur principal des affaires hémisphériques au Conseil national de sécurité de la Maison Blanche, qui sera dirigé par Jake Sullivan.
Gonzalez a passé en revue dans Infobae, le 9 janvier 1, les principales questions à l’ordre du jour en termes de relations bilatérales des États-Unis avec certains pays d’Amérique latine et deux sujets sur lesquels l’administration Trump a été particulièrement belligérante : l’immigration et le rôle de la Chine dans la région.
En ce qui concerne le Mexique, Gonzalez a déclaré que « le président Trump a pris des milliards de dollars à l’armée pour un mur qui ne fonctionne pas. Ce qu’il (le président élu) pense, c’est qu’il y a des parties où le mur est nécessaire et des parties où il ne l’est pas. Mais l’immigration doit se concentrer sur les deux côtés de la frontière. Nous devons réformer nos lois, faire fonctionner le système d’asile et le rendre conforme avec nos valeurs en tant que nation d’immigrants. Expulser les criminels, pas ceux qui viennent travailler. Les migrants ne viennent pas parce qu’ils le veulent, ils viennent parce qu’ils le doivent, nous devons investir dans la prospérité de ces pays. Le travail avec le Mexique se fera au niveau d’alliés, car c’est un pays d’une très grande importance stratégique pour les États-Unis. Nous aurons des désaccords avec le Mexique, mais nous parlerons. Dans sa campagne, Andres Manuel Lopez Obrador a proposé d’investir dans le sud du Mexique et le nord de l’Amérique centrale. Faisons-le. »
Quant à la Colombie, M. González a déclaré que « le président élu connaît très bien la Colombie, un allié depuis des décennies. Trump est quelqu’un qui a dit aux Colombiens qu’ils n’ont rien fait quand leur sang arrose littéralement les rues à cause de la consommation de cocaïne aux États-Unis. Le président Biden va traiter tous les pays avec le même respect. Mais quand les fils de Bolsonaro ont fait campagne pour Trump, c’est irrespectueux. Ou le Centre démocratique d’Alvaro Uribe, avec des membres du Congrès qui sont partis en Floride pour faire campagne pour Trump. » En parlant du Brésil, Gonzalez a déclaré : « Joe Biden a une compréhension sophistiquée du Brésil et pense que son importance stratégique pour les États-Unis va au-delà de celui qui est au pouvoir. Il est le premier exportateur mondial de produits agricoles, un pont naturel entre le G7 et le G77. » Il a ajouté : « Il existe un programme mondial entre nos pays. Le Brésil est un pays important, mais la relation ne peut atteindre son potentiel que sur la base de valeurs et de conceptions communes : le changement climatique est réel et la nécessité d’une action est urgente, les institutions démocratiques et les droits de l’homme sont respectés, et la corruption n’est pas tolérée. »
Concernant l’Argentine, González a déclaré qu’ « avant les Kirchner, la politique traditionnelle entre les États-Unis et l’Argentine était différente. Aux Nations unies, l’Argentine était un leader dans le domaine des droits de l’homme, dans les questions de non-prolifération. Je pense que nous avons un peu oublié cette histoire, nous devons revenir aux bons amis qu’étaient les États-Unis et l’Argentine, qui était presque un pays qui conseillait les États-Unis sur la façon de relever les défis des économies émergentes. Nous devons reconnaître que la relation entre George Bush et Nestor Kirchner s’est détériorée et que nous n’avons pas pu la rétablir. Elle a été tentée sous Obama sans succès. Même sous l’administration Macri, il y avait beaucoup de show business sans rien de concret malgré sa relation avec Trump. Nous n’avons pas exploité le potentiel de cette relation et, à mon avis, une grande partie de celle-ci était liée à la dynamique politique au sein de l’Argentine. Nous devons élaborer un agenda régional pour nous remettre de la pandémie, et non un agenda idéologique. »
Changeant de zone régionale, González a précisé que « les ambassadeurs américains sous la direction de Biden, en particulier en Amérique centrale, vont plaider contre la corruption, pour les droits de l’homme et travailler main dans la main avec la société civile. Biden a annoncé un plan de 4 milliards de dollars pour améliorer la sécurité et promouvoir l’économie afin que les gens ne veuillent plus quitter leur pays. Si les dirigeants d’Amérique centrale sont prêts à travailler comme ils l’ont fait pendant ces années, nous le sommes. L’agenda commencera par des étapes constructives de collaboration commune. »
Concernant Nicolás Maduro, González a souligné que « c’est maintenant un dictateur qui a perdu toute légitimité à cause des souffrances qu’il a infligées au peuple vénézuélien. Il est temps d’arrêter de jouer et de parler ouvertement de ce qui se passe au Venezuela. Il est inacceptable que des millions de Vénézuéliens doivent fuir leur pays pour manger, et que Maduro reste au pouvoir en soumettant ceux qui ont encore faim et par des exécutions extrajudiciaires alors que ceux qui sont affiliés au régime vivent dans le luxe et volent des milliards au pays. Les sanctions unilatérales peuvent satisfaire la colère que nous partageons tous face aux injustices subies par les Vénézuéliens, mais jamais dans l’histoire elles n’ont permis de changer un régime en l’absence d’une stratégie diplomatique que cette administration s’est montrée incapable d’organiser. Biden a promis le statut temporaire de protection (TPS) pour les Vénézuéliens aux États-Unis, une réponse internationale plus robuste à la situation humanitaire, une pression multilatérale accrue sur le régime pour qu’il négocie de bonne foi avec l’opposition. Il faut que l’utilisation du dialogue par Maduro comme tactique pour retarder et consolider le pouvoir cesse. »
Au sujet de Cuba, il a déclaré : « Nous devons reconnaître que le contexte est différent aujourd’hui. L’abus de la répression par le régime cubain est le même ou pire que pendant Bush. Biden mènera sa politique selon deux principes : les Cubano-Américains sont les meilleurs ambassadeurs de la liberté, il faut donc réduire les limites imposées aux remises migratoires et aux voyages. Et deuxièmement, que la capacité des Cubains à déterminer leur propre avenir est dans l’intérêt des États-Unis. Lorsque Biden a plaidé pour la libération des prisonniers politiques à Cuba, Trump cherchait à faire enregistrer sa marque pour faire des affaires à Cuba. »
Sur les questions migratoires, Gonzalez a annoncé que « le président Biden présentera un plan législatif le premier jour de son administration et enverra des ressources à la frontière pour réparer les dommages que Trump a causés à notre capacité à traiter les demandes d’immigration avec dignité. Mais il faudra des mois pour résoudre la situation humanitaire à la frontière et traiter les migrants dans la dignité. Selon Biden, les « dreamers » sont américains. Il étendra le programme, cherchera à l’officialiser et donnera à ceux d’entre nous qui sommes citoyens de ce pays les avantages dont ils disposent. Nous voulons que le système d’asile fonctionne efficacement et rapidement, de manière équitable et digne. Biden suspendra les expulsions pendant 100 jours parce qu’il faut remédier aux violations et aux abus de l’administration Trump. C’est un engagement du président élu. »
Enfin, en ce qui concerne la présence chinoise, il a déclaré que « la différence entre Trump et Biden est que le président Trump parle fort, mais il a perdu la guerre commerciale avec la Chine. Le déficit commercial s’est creusé, il a dû subventionner la production agricole. Et il a maintenu un compte bancaire secret en Chine pour faire des affaires dans ce pays. Biden connaît la Chine et Xi Jinping, et il sait que la seule façon de battre la Chine est de mieux rivaliser. La Chine fait des prêts, mais elle n’a pas la capacité de mettre en place une réponse coordonnée à la pandémie ou de remettre la région sur pied. Tout ce qui l’intéresse, c’est de faire des prêts et d’être plus influente. »
2021, un an au milieu de profonds bouleversements
Le panorama décrit ci-dessus pose un programme dans lequel il y a une combinaison de certitudes et d’incertitudes. Celles-ci découlent des effets de la pandémie qui continuera à sévir dans la région tout au long de l’année avec ses conséquences sur l’économie et l’équilibre existentiel des populations, mais aussi de l’action inopinée des acteurs politiques. À cet égard, le haut niveau de personnalisation et la faible institutionnalisation de la politique latino-américaine est un facteur déterminant.
Les certitudes, cependant, reposent sur un triple front. Premièrement, la projection de l’inertie accumulée ces dernières années autour des démocraties fatiguées implique la présence d’un scénario de troubles sociaux, de méfiance à l’égard des institutions politiques, de désidentification partisane et de nouvelles formes d’action collective centrées sur les individus qui deviennent progressivement plus actifs sur le plan numérique. Ensuite, il y a la mise en place de pratiques institutionnelles qui ne sont pas remises en cause aujourd’hui, comme celles qui découlent de la dimension électorale de la démocratie, qui ont même pu être réalisées dans des moments de confinement sévère. Les élections qui auront lieu en 2021 représentent un guide pour l’avenir politique de l’Amérique latine. Toutefois, il convient de rappeler que ces élections seront conditionnées, avant toute autre considération, par des aspects vernaculaires, ce qui rend encore plus compliquée l’esquisse d’un panorama régional. Enfin, la forte diminution des capacités de l’État, conséquence à la fois de la vague néolibérale et du modèle extractiviste sur lequel se sont basés les régimes du socialisme du XXIe siècle, introduit une capacité de réponse très limitée à la crise générée par le Covid-19.
Sources
- Fest, S.(2021), “Qué piensa Juan González, el hombre de Biden para América Latina, sobre Maduro, el muro con México y la relación con Argentina, Brasil y Colombia”, Infobae, 09 de enero de 2021.