Le Covid-19 a ouvert la boîte de Pandore. Bien qu’il s’agisse d’un bilan partiel, il est difficile de voir aujourd’hui à quel point la pandémie fait apparaître les contradictions et les faiblesses les plus profondes de nos sociétés, de nos économies et de nos démocraties. Au lendemain de la phase la plus dure (du moins pour l’instant) de la crise sanitaire internationale, les questions relatives à un avenir qui s’annonce riche en transformations semblent se résumer à un débat animé, plein d’attentes et de méfiance face à un tournant sans précédent, à partir duquel il semble possible de repenser les paradigmes et les modèles actuels. Toutefois, si les divers chocs auxquels nous sommes confrontés à différents niveaux – économique, culturel, social et politique – ont donné un nouvel élan au débat public, celui-ci semble plus fragmenté et plus décousu que jamais. Face à une pandémie qui nous projette dans l’interdépendance de la géopolitique actuelle, le débat est constamment exposé au risque de se perdre et à la désintermédiation croissante des institutions. Dans la profonde complexité d’une crise dont l’impact est si transversal et asymétrique, un débat public qui a le hoquet peine à trouver un espace d’expression et de confrontation adéquat qui lui permette de s’engager dans des processus politiques de grande envergure.
« Il mondo nel Covid-19 » (Le monde dans le Covid-19), le numéro 2/2020 de Pandora Rivista, magazine italien, vise à apporter sa propre contribution face à l’urgence de repenser un espace où peuvent prendre forme des réflexions de grande envergure qui, à une échelle adéquate, puissent régénérer le débat intellectuel et institutionnel. Le magazine, en phase avec d’autres réalités européennes qui – comme Le Grand Continent – partagent l’aspiration à fournir des outils adéquats pour s’immerger dans la complexité actuelle sans en être submergé, présente une tentative ambitieuse de contribuer à l’articulation de la sphère publique, en traçant de nouvelles voies possibles pour le monde post-Covid. Avec un travail minutieux de critique visant à recomposer les rangs des changements qui traversent les structures et les processus fondamentaux de nos sociétés, le numéro vise à élaborer des scénarios possibles sur lesquels construire une comparaison véritablement orientée vers l’avenir. Pour ce faire, Pandora Rivista recueille un grand nombre de contributions originales qui partent de points de vue différents et complémentaires, en partant des regards de la philosophie, de l’art et de la littérature pour lire les défis de la politique, de l’économie et de la technologie internationales. Au cœur de cette mosaïque se trouvent les paroles d’universitaires, de politiciens et d’intellectuels qui se distinguent dans le débat italien et européen par leur capacité à lire en profondeur le potentiel et les limites de la crise économique, de l’intelligence artificielle, du changement de ville, des questions environnementales, de la justice sociale et intergénérationnelle. Parmi les auteurs se distinguent Enrico Giovannini, Fabrizio Barca, Patrizia Luongo, Giuseppe Provenzano, Francesca Bria, Mariana Mazzucato, Paolo Magri, Nadia Urbinati, Vittorio Emanuele Parsi, Brando Benifei et Alessandro Aresu.
La crise que nous traversons représente un moment de passage d’une époque à une autre et une occasion importante de repenser l’espace public international et européen, en plaçant les phénomènes dans leur interconnexion. La propagation de la pandémie et de ses effets – comme le suggère Gilles Gressani, président du Groupe d’études géopolitiques, dans une interview publiée dans le même numéro de la revue – a en effet suivi les structures d’une fractale, un objet qui se répète dans sa forme de la même manière à différentes échelles. Cela a été particulièrement évident dans l’Union européenne, où –quoique ce fût d’une manière différente – les différents États membres se sont trouvés confrontés à de nouvelles et anciennes inégalités qui ramènent le rôle de la protection sociale, de la santé et de l’éducation au centre du débat. La réponse de l’Union, qui, en des temps qui étaient totalement impensables il y a quelques mois seulement, a trouvé une convergence pour un plan de relance commun, montre clairement comment l’exigence de justice sociale est désormais indissociable d’une réflexion sur la durabilité et le rôle de la technologie. Ces fils rouges parcourent les pages du nouveau numéro de Pandora Rivista et la réalité post-Covid elle-même, articulée dans une dialectique entre local, national et international qui met en évidence le potentiel d’une action synergique et d’une confrontation publique large et consciente. Surmonter les simplifications d’un débat asphyxié et désordonné est la prémisse pour quiconque veut tracer des directions possibles dans la complexité de la crise multiforme que nous traversons.
Le sommaire du numéro de Pandora « Il mondo nel Covid-19 » (en italien) est ici.