Êtes-vous au Mexique ? Pouvez-vous nous dire quelle est la situation et comment elle a changé la vie quotidienne des Mexicains ?
Oui, je suis au Mexique. La situation est un peu compliquée, car de nombreuses personnes ne peuvent pas rester à la maison en raison de leur situation socio-économique, mais tout est fait pour encourager ceux qui le peuvent à le faire, et ce, dans l’intention de prendre soin de nous tous.
Comment le coronavirus a-t-il affecté votre travail quotidien et votre vie personnelle ? Quels seront vos prochains projets et engagements professionnels ?
Cette situation, comme pour beaucoup de gens, a affecté mon travail. Certains projets en cours ont dû être suspendus, donc dès que tout sera de nouveau possible, j’espère pouvoir les poursuivre.
Selon vous, quel sera l’impact de la pandémie sur le monde de l’art ?
Il y aura probablement de nombreux ouvrages sur la pandémie, présentant différentes perspectives sur ce qui s’est passé. En termes de ressources économiques, cela va être compliqué pour de nombreuses productions, et surtout il va être difficile de trouver un moyen de relancer celles qui ont été interrompues.
Que faut-il changer dans la société mexicaine après l’épidémie de COVID-19 ?
Nous devons apprendre à être plus solidaires et empathiques les uns envers les autres : c’est la clef pour les changements à venir, la base nécessaire pour tout progrès. Le confinement et les mesures dites de distanciation sociale ne doivent en aucun cas remettre en cause cela.
La pandémie a mis en évidence un problème central en Amérique latine : la pauvreté et les inégalités sociales, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Le Mexique est particulièrement touché par ces inégalités. Comment y remédier ?
Il est quelque peu compliqué de planifier une stratégie unique pour la région en raison de la situation propre à chaque pays. Dans le cas du Mexique, la pauvreté et les inégalités sociales sont un obstacle majeur, qu’il est nécessaire de les analyser pour mieux traiter ces différents enjeux sociaux, économiques, sanitaires et politiques.
Vous êtes ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour les peuples autochtones. La question de la gestion de l’épidémie par les populations autochtones, très peu médiatisée, est pourtant extrêmement importante pour des communautés peut-être encore plus vulnérables. Quelle est votre analyse de cette situation ? Comment continuer à assurer l’intégration et la reconnaissance des droits des populations autochtones dans ce contexte sanitaire ?
Ce n’est pas seulement à cause de la situation que nous sommes en train de vivre que nous devrions analyser l’inclusion des peuples indigènes dans la société, mais il est vrai que l’on a vu que différentes plateformes font un travail formidable en transmettant des informations sur le COVID-19 dans différentes langues. Le travail qu’il reste à faire est de continuer à les partager avec le reste des médias. Nous devons encore comprendre que nous faisons tous partie de ce monde, et donc nous devons nous soutenir les uns les autres, quel que soit le niveau socio-économique, les croyances, la culture, la préférence sexuelle, etc.
Quelles sont les conséquences directes de cette épidémie sur vos autres luttes contre le racisme, pour les droits des femmes ou pour la préservation de l’environnement ?
L’une des plus grandes conséquences de la pandémie est la discrimination à l’encontre des personnes atteintes de cette maladie, ainsi qu’à l’encontre de ceux qui travaillent dans le secteur de la santé qui prend en charge et traite les malades, en étant au contact du virus quotidiennement. La question de la discrimination et du racisme reste un problème majeur dans la société.
En 2019, le Mexique a connu un nombre très élevé de féminicides. Comment combattre ce phénomène, plus dangereux et plus mortel que le coronavirus lui-même ? Selon vous, quelles seront les conséquences de la crise dans cette lutte contre le féminicide ?
Il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser l’opinion publique aux droits en général et à la valeur des femmes dans nos sociétés. Les victimes doivent être assurées d’avoir accès aux services complets et multidisciplinaires pour leur prise en charge, à la justice, ainsi qu’à l’autonomisation de ceux qui s’occupent directement d’elles (associations, foyers, etc.).
Dans le film d’Alfonso Cuarón, Roma, vous jouez le personnage principal, Cleo, une employée de maison d’origine indigène. Qu’est-ce que cela vous a inspirée de jouer un tel personnage ? Diriez-vous que le film, outre son grand succès, a eu un impact ou des effets sur les questions sociales qu’il aborde, comme le racisme ou les inégalités sociales ?
Comme je l’ai mentionné dans de nombreuses interviews, cette aventure n’a commencé dans un premier temps uniquement parce que je désirais savoir comment un film était fait. Puis, j’étais très intéressée par le personnage de Cleo et son histoire.
Le succès du film a permis de mettre sur la table plusieurs thèmes, peut-être ennuyeux mais bien existants dans la société mexicaine actuelle, et grâce à la visibilité du film, les gens ont commencé à y réagir.
L’histoire de Roma se déroule au début des années 1970. Diriez-vous que la condition du travail domestique a évolué et s’est améliorée entre l’époque du film et aujourd’hui, notamment concernant les problèmes liés au travail informel ?
Je ne pense pas qu’il y ait eu des progrès considérables. Toutefois, si l’on peut constater un changement, en particulier au Mexique, c’est la mise en place d’un soutien aux travailleurs domestiques.
Bien que le film ait déjà mis en évidence leur rôle prépondérant au sein des familles, pensez-vous que la crise sanitaire qui a conduit les travailleurs domestiques à quitter leur emploi pour retourner vivre avec leur famill, a permis de souligner une fois de plus leur importance centrale dans la société mexicaine ?
Espérons-le, mais il est triste de savoir que nous devons passer par une situation aussi compliquée pour réaliser l’importance des personnes qui nous entourent. Avec un peu de chance, certaines familles auront la possibilité d’aider économiquement les travailleurs domestiques, et les employeurs qui n’ont pas encore pu ou eu l’occasion de les aider, pourront le faire.